Pacitel, une bonne initiative créée, pilotée et relayée médiatiquement par des pieds nickelés ?
Rappel des faits et historique
C’est un peu le serpent de mer de la profession depuis quelques mois, voire quelques années : comment mettre fin au harcèlement téléphonique, de plus en plus mal supporté par le grand public ? Alors que le sénateur Jacques Mézard avait en Juin dernier fait valider une proposition de loi, c’est en grandes pompes, et avec un énorme relais médiatique que Pacitel a officialisé son lancement le 20 septembre : France Info, Le Figaro, RTL, l’AFP, TF1… Les principaux médias grands publics, apparemment néophytes, ou très désarmés pour étudier en détail le projet, le présentent quasiment tous comme « la fin du harcèlement téléphonique » (comme le titrait le Figaro, selon qui Frédéric Lefebvre est à l’origine du projet).
Néanmoins, pour un dispositif qui n’est rien d’autre pour l’instant qu’une nouvelle liste rouge, on s’étonne de tant d’amateurisme de la part de ses initiateurs et des relais médiatiques :
- Le SP2C n’est pas à ce jour signataire de la charte Pacitel, pas plus qu’il n’est membre de cette association – il représente pourtant une très large part des « producteurs » et fournisseurs de télémarketing. Interrogé par notre rédaction à ce sujet, la réponse du syndicat est on ne peut plus évasive (voir notre encadré)
- La présidente de Pacitel, Natalie Jouen-Arzur, interviewée par nos soins, déclare ne pas savoir ce qu’est ce syndicat (voir ci-contre).
- Les services du ministre « à l’initiative de ce projet » et le conseiller technique en charge de celui-ci n’ont pas répondu à nos multiples sollicitations.
- La palme revient à la journaliste du Figaro, Marie-Cécile Renault, qui confond dans son article du 21 septembre 2011 prospection téléphonique et « prospective téléphonique » et selon qui Éric Dadian aurait déclaré : «Les appels ne devraient pas être détruits». Elle voulait sans doute parler d’ « emplois »… (voir la reproduction de cet article dans notre dossier).
La quasi-totalité des médias, des radios grand public, ont repris l’information, dans de nombreux cas en omettant de souligner que ce dispositif comporte de nombreuses restrictions. Il est donc bien hâtif, voire péremptoire d’annoncer « la fin du harcèlement téléphonique », ou que « permettre aux Français qui le souhaitent de ne plus être démarchés est une solution efficace et équilibrée pour renforcer la protection des consommateurs » comme l’indique le site www.pacitel.fr sur sa page d’accueil.
Les questions qui auraient dû être posées :
- Alors que le dispositif n’intègre pas à ce jour les adhérents du SP2C, le syndicat qui regroupe rappelons-le, quelques-uns des plus gros prestataires français du secteur, pourquoi et comment peut-on annoncer « la fin du harcèlement de la prospection téléphonique » ?
- Quid des prestataires installés en offshore ? Seront-ils concernés par le dispositif ?
- Comment peut-on « garantir » (terme repris à plusieurs reprises dans la communication officielle de Pacitel, alors que le dispositif est fondé sur une adhésion volontaire ? On sait en France la passion des entreprises pour respecter les règles déontologiques et les guides de bonnes pratiques…
- Dans les pays qui ont déjà initié ce type de dispositifs, ceux-ci n’ont fonctionné que dès lors qu’ils ont été appuyés par une loi prévoyant des amendes significatives (voir notre encadré sur les amendes au Canada et Etats-Unis). Pourquoi une nouvelle solution « participative », se fondant sur la seule bonne volonté des adhérents fonctionnerait-elle ? Et en supposant comme l’indique Frédéric Lefebvre que « la loi consommation examinée fin septembre prévoit des sanctions », on a connu en France des projets de loi qui ne sont jamais devenus lois, des lois qui n’ont jamais vu leurs décrets d’application promulgués, etc.
- La crainte de perdre des emplois dans la filière, qui semble motiver la création de Pacitel, justifie-t-elle un tel amateurisme ?
- Comment la journaliste d’un des premiers quotidiens français peut-elle consacrer les deux tiers d’une page « économie » à ce sujet et se contenter de relayer un communiqué officiel qui plus est en induisant les lecteurs en erreur ?
Le grand public, lui, risque de se trouver fort dépourvu le 1er décembre, date de démarrage opérationnel des engagements liés à Pacitel. Et les déçus risquent d’être nombreux : plus de 300 000 inscrits à ce jour, selon l’association. D’autres dégâts sont envisageables : on imagine facilement que des consommateurs qui se sont inscrits sur Pacitel, en grand nombre, seront peut-être très énervés à compter du premier décembre, lorsqu’ils se verront de nouveau et encore sollicités alors qu’ils se croiront désormais protégés. Les conversations risquent d’être encore plus houleuses avec les télémarketeurs… Le secteur, qui a déjà mauvaise presse, n’y gagnera rien, et les consommateurs non plus.