Odigo organise-t-il maladroitement la rétention de ses clients?
Odigo, l’un des grands fournisseurs français de solutions pour call-centers, traine des pieds pour intégrer, chez l'un de ses clients, une solution de speech analytics ( et de résumé automatique des conversations dans le CRM) d’un éditeur français. Tenterait-t-il de pousser la sienne, de gagner du temps ?
Dirigé depuis peu par un nouveau CEO, Laurent Dechaux, l’entreprise française qui équipe quelques grands call centers, ne semble pas très disposée à ouvrir son écosystème à des applications tierces, comme des solutions de speech analytics. Ces dernières sont pourtant de plus en plus demandées et appréciées. Etonnant et pas très fair-play.
Les faits
Une grande ETI française, intervenant sur le marché BtoC, désirait, voici quelques semaines, tester une solution d’analyse des conversations associée à du QM, afin de monitorer les conversations dans ses call-centers et d’importer les résumés automatiques de conversations dans son CRM. “ Une première démonstration que m'avait faite Salesforce de son outil ne m'avait pas convaincu, mais celle de X m'a semblé adaptée et les retours des clients installés étaient très bons”, précise le directeur marketing de l'ETI.
Ce type de demandes et de projets a été très fréquent cette année chez ceux qui pratiquent la vente à distance et désirent mieux former leurs collaborateurs, analyser les retours clients, superviser la conformité des ventes. Magnolia, Hess Automobiles, Comme J'aime, Santiane ont migré vers ce même outil, qui fait jeu égal voire plus efficace et facile à déployer que les concurrents Verint, Nice, Qualtrics..
Equipée d’Odigo, l'entreprise en question demande alors à l’éditeur du logiciel X- avec lequel elle désire lancer un POC- de se mettre en relation avec Odigo afin d’examiner la faisabilité technique du projet. Il faut du son stéréo, et savoir si une API est déjà fonctionnelle etc. Les délais sont tendus mais le directeur commercial et marketing du client est résolument convaincu de l’apport de la solution.
Sollicitée par l'éditeur X pour caler un RDV technique, la direction produit d’Odigo:
- n’a pas répondu à la demande. Relancée, elle explique qu’elle dispose de sa propre solution, qu’elle a donc envie de pousser, d’installer. “ Notre ADN ne nous engage pas à la précipitation sur ce type de sujets et d'engagements qui auront des implications pour nos clients. Je n'ai pas oublié de prendre contact avec l'éditeur X, mais ce n'est pas urgent, nous avons déjà nos solutions” a répondu l'interlocuteur en charge.
- a indiqué qu'elle voudrait connaitre les coordonnées du client. Etonnant dans un univers, celui du SaaS, où un écosystème ouvert permet d'aller vite et de prendre le best of breed. Pas très étonnant, de la part d'une entreprise à laquelle on a souvent reproché ses lourdeurs et sa faible réactivité ?
Jean-Denis Garo, VP Product, interrogé par nos soins l’an passé lors d’un salon professionnel, avait évoqué ce chantier de réduction de ses partenaires. On comprend donc qu'il est mis en place, avec une considération limitée pour les besoins et désirs exprimés par le client final.
Revenu dans le giron de Seven2, l'ex-Apax Partners, Odigo réalise 165 millions d'euros de CA et propose, normalement, “une plateforme technologique ouverte, développée avec des modules internes et entièrement ouverte aux fonctionnalités tierces les plus performantes” selon ce qui est annoncé sur le site de son actionnaire.
Ce qui se fait et pratique chez les concurrents d'Odigo. Axialys, Diabolocom, Genesys, Ino Global, Kiamo, Ringover, ViaDialog, Vocalcom.. il existe plus de soixante-dix plateformes de relation client omnicanale en France, un marché très concurrentiel. Toutes ne disposent pas nativement de solutions de CRM, d'analyse de la voix du client, d'outils de traitement des e-mails, de paiement vocal sécurisé.. Elles en sélectionnent et proposent d'intégrer ces solutions tierces, soit via des connecteurs natifs, soit via des services déployés à la demande. Salesforce ou easiware, Callity, Eptica, Nice, Voxpay ont ainsi été intégrés par des directions commerciales ou de service client dans leurs centres de contacts.
“Chez de grands éditeurs ou des spécialistes du BPO, on constate parfois cette volonté de pousser leurs solutions propriétaires ou celles qu'ils ont développées, ou sur lesquelles ils ont des accords commerciaux. Mais c'est assez mesquin et un mauvais réflexe car, tôt ou tard, le client final va ou peut se rendre compte qu'on l'a mal servi ou orienté vers des choix inadéquats ou des impasses techniques” ajoute un intégrateur, ex-Orange Business. Après vingt ans de métier chez Nextira One, Orange Business et un passage dans le BPO, ce dernier a créé sa propre boutique, indépendante : “Je suis au service de mes clients, pas de l'éditeur choisi par la direction marketing ou produit. Dans l'assurance, je serais un courtier, pas un Agent Général”.
La rédaction d'En-Contact.