Ne pas soigner le premier contact
Négliger le premier contact peut tout gâcher, comme en amour ; celui-ci doit donc être soigné. A l’ère du commerce de masse, et souvent à distance, difficile d’accueillir chaque client individuellement par un beau sourire. Diverses techniques sont pourtant mises en place pour tenter de maîtriser l’instant clef du premier contact.
« Ai-je bien résolu votre problème ? »
Si le conseiller vous pose cette question avec insistance, ce n’est pas pour mettre un terme à l’échange – c’est pour cocher une case dans son rapport. Le taux de « résolution au premier contact » est en effet un des éléments standard les plus importants, si ce n’est le plus important, pour évaluer la qualité du service rendu. La notion de « premier contact » est pourtant trompeuse : ce chiffre illustre la réussite de tout un parcours, de toute une stratégie d’identification, d’accueil et d’aiguillage, qui si elle est bien étudiée, permet au problème d’être à moitié réglé au moment où ce premier contact est engagé.
Or il n’a jamais été aussi difficile de suivre et de lire le parcours du client, qui n’a jamais eu autant de canaux à sa disposition pour aboutir à ce contact. Selon une étude menée en 2012 par l’éditeur de logiciels Nice Systems, les consommateurs utilisent en moyenne six canaux différents pour interagir avec leurs prestataires de service. Le site internet des entreprises, avec le développement des espaces clients permettant de résoudre soi-même toute une série de problèmes identifiés comme standards, est maintenant devenu le premier canal de « contact » : 78% des sondés vont quotidiennement sur les pages web de leurs prestataires. Or ces canaux ne remplacent pas les interactions traditionnelles, ils s’y ajoutent. Le client peut ainsi avoir utilisé quatre ou cinq canaux différents avant de joindre un service d’assistance par téléphone. Si l’entreprise n’est pas équipée pour « pister » le parcours client du consommateur, le téléconseiller ignorera complètement cet historique. Cela ne manquera pas d’agacer le client, qui s’attend à ce que l’agent soit capable de reprendre son parcours là où il l’avait laissé. Avec des technologies déployées à une échelle parfois industrielle selon la taille du service client et le nombre de canaux concernés, le retour d’expérience, l’analyse des interactions et l’aide à la prise de décision en temps réel peuvent être utilisées pour puiser dans les données sous toutes les formes et où qu’elles se trouvent, et présenter les bonnes personnes avec les bonnes informations au bon moment.
On en oublierait presque que le premier point de contact avec le client est encore souvent… le point de vente. Et de fait, la massification de la distribution aboutit à la généralisation de modèles absurdes : c’est désormais le plus souvent au client d’aller à la rencontre du vendeur et non l’inverse. Quitte à devoir faire un scandale en plein milieu du magasin pour attirer l’attention.
Certaines grandes enseignes cherchent pourtant à rétablir ce lien, par exemple en positionnant un collaborateur juste après l’entrée, muni d’un badge ou d’une pancarte de type « En quoi puis-je vous aider ? ». C’est aujourd’hui le cas chez M. Bricolage par exemple, mais c’est la SNCF qui a lancé le mouvement il y a plusieurs années avec les fameux « gilets rouges » de ses principales gares. Plus subtilement, le magasin peut aussi essayer d’intégrer ce dédale du parcours client multimodal dès que le consommateur approche des portes de l’enseigne, par exemple en lui envoyant une remise personnalisée sur son mobile. Selon l’Observatoire de l'Internet mobile 2011, deux tiers des utilisateurs de l'Internet mobile sont en effet d'accord pour se laisser géolocaliser lorsqu'une application le demande, et des enseignes comme Camaïeu ou Carrefour ont misé sur ce type de solutions de « couponing » géolocalisé.
S’approprier le moment de vérité du « premier contact » reste donc encore possible, mais le jeu de cache-cache entre le chaland et le commerçant ne fait que commencer.
« Je sens, très cher, que nous vivons le début d’une très belle amitié. »
Casablanca, Michael Curtiz, 1942.
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