Travailler sur les parcours clients, casser les “silos” c’est… indispensable pour transformer l’expérience client
Résumé pour les feignants : Bruel (Patrick) vous dit de casser la voix, Bildé (Christophe) vous recommande de casser les silos ! Comment, c’est la question.
Sans tambour ni trompette, quelques cabinets ou sociétés de conseil ont pris en charge, avec succès et au sein de grands groupe ou d’E.T.I.*, des projets ambitieux de transformation de l’expérience client. C’est l’un d’eux que nous sommes allés chercher pour cette première Master Class. Le sujet est clé : y-a-t’il des règles d’or pour mener un projet de transformation d’expérience client ?
Uber révolutionne le marché des taxis en proposant une simple bouteille d’eau à ses clients, la SNCF transforme le temps d’attente en un moment privilégié et de partage grâce aux pianos en gare, Apple donne à ses clients le sentiment d’appartenir à un club très fermé à travers ses Genius Bar, Nespresso accélère le passage en caisse en affichant, en une seule opération, le prix du contenu d’un panier de produits, Tesla bouscule le secteur automobile en proposant un véhicule haut de gamme, électrique et connectée.
Les ruptures technologiques ou la naissance de nouveaux modèles économiques par le biais du digital transforment des industries jusque là solidement établies. Les interactions entre le client et une marque se multiplient, ce qui donne l’occasion au consommateur d’être plusieurs fois satisfait ou déçu tout au long du parcours client.
Pourtant l’instauration d’une culture client se heurte encore trop souvent à des freins internes liés à l’existence de silos organisationnels. Les entreprises sont elles prêtes à opérer ces transformations nécessaires pour revoir les organisations et les tourner vers le client ?
L’expérience client : un sujet désormais stratégique pour les directions d’entreprises
L’expérience client intègre l’ensemble des sentiments ressentis par un client au cours des interactions qu’il peut avoir avec une marque ou une entreprise – physiques ou dématérialisées. Elle concerne aussi bien le parcours avant l’achat (recherche d’informations sur des produits, services, tarifs), que pendant l’achat (contact avec le conseiller de ventes, explication des conditions d’achat, livraison du produit), ainsi que l’après-vente (entretien, achat de produits complémentaires, relation longue durée entre le client et la marque).
L’expérience client intègre la dimension « multicanal » et « multi-métiers » mais également la dimension liée à l’affect et à la perception du consommateur au-delà de la simple satisfaction produit. L’expérience client s’inscrit dans un contexte où la digitalisation a complètement transformé les relations entre consommateurs et entreprises.
La conséquence directe de la digitalisation du parcours d’achat est une évolution du comportement des clients et de leurs attentes. Le client a à sa disposition une masse d’informations disponibles – Comparateur de prix, forum, avis consommateur, product ranking …- il est mieux informé et prépare davantage son achat bien avant de se rendre sur un point de vente physique.
Ces interactions multiples, aussi bien physiques que dématérialisées, doivent ainsi impliquer l’ensemble des métiers (réseau de points de vente, call center, site web, stratégie CRM, etc.). Les maîtres mots sont fluidité, facilité et personnalisation. Ce constat est clairement identifié dans le dernier rapport du FXI : « Les expériences sur les différents canaux se mélangent les unes aux autres du point de vue du client comme jamais auparavant. Les consommateurs ne différencient plus leurs parcours en ligne, en magasin ou sur le mobile, ils voient désormais ces canaux comme des moyens différents d’entrer en contact avec la même société. »
Les canaux se confondent d’autant plus que ceux-ci sont parfois utilisés simultanément : « La moitié (51%) des acheteurs mobile et web utilisent leur smartphone tout en étant dans un magasin – souvent pour comparer les prix ou obtenir plus d’informations sur les produits ».
Fournir un bon produit n’est plus suffisant. Proposer une approche globale intégrant les différents canaux et permettre une expérience homogène et cohérente est indispensable.
Les entreprises amorcent désormais un virage « customer centric », ce qui n’est pas sans impact sur leur organisation et leur fonctionnement internes.
Les sept règles d’or pour placer le client au cœur de l’entreprise
Amazon est devenu la référence en matière d’expérience client. En affichant des délais de livraison réduits ou une offre pléthorique, le géant d’Internet a imposé un nouveau standard, sur lequel s’alignent désormais les entreprises, tous secteurs confondus, contraintes de changer des pratiques parfois déconnectées des attentes client. Le consommateur a haussé son niveau d’exigence sur l’ensemble du parcours. Ce qui était tolérable hier, n’est plus acceptable aujourd’hui.
N°1 : Partir du client…
Etre à l’écoute du client ! Le client juge la marque à travers ses expériences vécues et évalue l’écart avec la promesse initiale. Ceci joue un rôle essentiel dans la construction de l’image de marque. Toujours connecté, il utilise les nombreux outils dont il dispose : ordinateur, mobile, tablette… Les frontières entre e-commerce et point de vente physique s’effacent.
Pour parvenir à proposer une expérience client sans couture, l’entreprise doit effectuer un diagnostic de l’existant en se mettant tout simplement à sa place ! Il faut segmenter les étapes de son parcours, cartographier les interactions existantes dans chacune d’elles, qualifier l’intensité des émotions ressenties par le client aux différents moments du parcours : qu’est ce qui est important pour lui et comment juge-t-il la marque sur ces critères ?
La marque doit se doter de moyens pour capter les attentes du client, comprendre son ressenti et mesurer sa satisfaction en s’appuyant sur des enquêtes ou des « focus groups ».
Améliorer l’expérience client c’est cibler les moments du parcours où les attentes sont fortes, identifier les pistes de progrès afin de lancer des nouvelles initiatives.
Ce diagnostic permettra d’établir un constat exhaustif des forces et faiblesses de la marque par rapport aux attendus du client aux différents points de contact du parcours.
N°2 :…pour arriver au client
Les marques doivent s’adapter à ces nouveaux usages, en proposant à leurs clients un environnement physique et numérique complémentaire. Prix, information, fluidité du parcours, personnalisation de la relation, cohérence du discours, continuité de l’expérience.
Les interfaces avec le client doivent donc être structurées de manière dynamique et interactive que ce soit sur Internet, dans les points de vente, en face à face, au téléphone ou lors d’événements afin d’assurer une homogénéité de l’expérience dans le temps et l’espace.
Les « virtual show room », les call centers dédiés, la personnalisation des dispositifs de fidélisation sont des exemples de services hors produit proposés par les marques pour parfaire l’expérience client et se démarquer de la concurrence.
Le Big Data va permettre de mieux tenir compte des préférences du client et de retracer les achats effectués. La connaissance du client s’améliore ce qui permet de proposer des offres personnalisées. Par exemple, Marionnaud utilise son CRM pour lancer des offres promotionnelles en fonction de la date d’anniversaire, du nombre de points de fidélité ou des habitudes d’achat.
N°3 : Repenser l’organisation de l’entreprise
Disposer d’une vue unifiée du client tout au long de son parcours est parfois peu compatible avec l’organisation en silos de bon nombre d’entreprises, habituées à considérer le client sous l’angle de chaque fonction et non comme le sujet transverse majeur.
Pour conduire une transformation réelle, le client doit être placé au cœur de l’entreprise. Les points de contact doivent être repensés dans leur intégralité, dans leur chronologie et leur complémentarité afin de ne pas morceler son parcours. C’est là tout l’enjeu de la fluidité de l’expérience entre les différents canaux.
En termes d’organisation, la création d’une direction dédiée – ou a minima la nomination d’un propriétaire identifié du sujet –, en contact avec les autres entités de l’entreprise est une voie très efficace pour initier un changement profond et durable. Cette direction devient le garant de l’homogénéité des points de contact de chaque entité (digital, call center, réseau de points de vente physiques). Elle doit insuffler une stratégie client commune auprès des différents métiers, dont les objectifs et les indicateurs de performance sont souvent différents, voire parfois antinomiques.
N°4 : Associer les employés dans la démarche de l’entreprise
L’engagement des employés est clé : ils sont les représentants de la marque et les contacts privilégiés de l’entreprise avec le client. Les études menées par le FXI montrent que l’engagement des employés est corrélé avec la satisfaction client.
Pour engager les employés dans une démarche résolument orientée client, les changements sont profonds et demandent du temps.
La formation des vendeurs ou conseillers en magasin doit intégrer la dimension comportementale et donner une vision plus complète au vendeur de ce que doit être sa relation avec le client – davantage relationnelle, que commercialement agressive.
L’objectif est de faire du point de vente un lieu de relation et de services, dans lequel le vendeur joue le rôle de conseiller-expert tourné vers l’accompagnement et le service personnalisé.
Dans un Apple Store, les vendeurs sont formés pour faire vivre une expérience à leurs clients en leur délivrant une expertise. Chez Décathlon, les vendeurs sont avant tout des passionnés et transmettent leur propre enthousiasme à leurs clients.
N°5 : Instaurer une politique de rémunération incitative
Comment sensibiliser les vendeurs et les managers à la qualité de service si leur rémunération variable est uniquement liée à des objectifs de volume de ventes ? Les mesures incitatives sont à repenser, de nouveaux indicateurs doivent être intégrés dans les rémunérations, prenant notamment en compte la qualité du service et la satisfaction client au delà du produit.
Les rémunérations des forces de vente sont ainsi indexées à la fois sur l’atteinte d’objectifs définis en terme de volume et sur des critères de satisfaction client.
N°6 : Bénéficier d’un sponsorship de haut niveau
Un programme d’amélioration de l’expérience client doit bénéficier d’un sponsorship de haut niveau, faute de quoi, il est voué à l’échec. L’adhésion du top management permet de lancer les investissements et insuffler la dynamique nécessaires pour développer une véritable culture du client Elle prendra appui sur une organisation dédiée avec des moyens humains et budgétaires. Une communication interne mobilisera les membres de l’entreprise dans la démarche – des vendeurs et conseillers aux équipes dirigeantes et directions métiers – afin d’initier un véritable changement dans la culture de l’entreprise.
N°7 : S’appuyer sur une forte implication du management
L’expérience client n’est pas toujours considérée comme un sujet stratégique, ses bénéfices sont souvent difficiles à évaluer et parfois peu visibles à court terme. Elle doit asseoir sa crédibilité sur un management expérimenté fortement impliqué dans la mise en œuvre d’actions concrètes.
Des instances dédiées, des comités de pilotage réguliers sont indispensables pour l’inscrire dans une logique de transformation d’entreprise.
Un retour sur investissement difficile à quantifier mais tangible à moyen terme
La difficulté à attribuer un retour sur investissement visible et précis peut fragiliser la démarche et la remettre en cause. Effectivement les investissements dans ce domaine sont immatériels et l’on ne mesure pas l’impact immédiat sur les ventes. Sans ROI identifié pour les programmes d’Expérience Client, les entreprises seront réticentes à allouer un budget spécifique. Adosser le pilotage du ROI à un programme d’expérience client crédibilisera les initiatives.
En revanche, les entreprises ayant mis un œuvre un tel programme on vu leur NPS s’améliorer. Les bénéfices se révèlent à moyen terme. L’amélioration de la fidélisation permet d’accroître le revenu moyen généré par client. Un client satisfait aura tendance à dépenser plus auprès de la même marque induisant un panier moyen plus élevé.
A l’inverse, un client déçu est très difficile et coûteux à reconquérir. Diminuer le désintérêt des clients pour une marque permet à la fois de limiter les coûts liés aux campagnes CRM tout en allongeant la « durée de vie » du client et donc son potentiel d’achat à long terme.
Avec une expérience client de haute qualité et fortement personnalisée, le client peut même devenir un ambassadeur de la marque et inciter son entourage à acquérir ses biens et ses services. Ces recommandations – ne nécessitant aucun coût additionnel sont les plus écoutées et appréciées des consommateurs. Sur de nombreux sites Internet comme ceux de Darty, Booking, lafourchette.com ou plus confidentiel celui de lesnumeriques.com pour les produits hi-tech, chaque consommateur a la possibilité de consulter les avis qui influenceront son acte d’achat. Il peut ainsi se forger une opinion éclairée sur les produits et services proposés.
Une démarche en cinq étapes pour améliorer l’expérience client
Si les changements à conduire sont importants, les règles précédentes conduisent à une démarche simple et logique.
Les points à retenir
• Au-delà des considérations propres au produit, c’est bien l’expérience client qui détermine d’une part le niveau d’attachement et de fidélité des clients à une marque, d’autre part des arguments de conquête de nouveaux segments de client.
• La perspective d’augmentation de volume qui en découle est donc forcément attractive même si le ROI n’est pas toujours facile à mesurer immédiatement.
• Concentrer ses efforts sur l’amélioration de l’expérience client, c’est investir sur l’avenir en travaillant à la fois sur la fidélisation et sur la conquête, dans une perspective de différenciation concurrentielle positive.
• Porter la culture du client au sein d’une entreprise nécessite des changements organisationnels et culturels multiples, profonds et parfois longs. La création d’une direction dédiée ou au moins la mise en place d’une responsabilité claire, la recherche d’expertise et de moyens sont indispensables pour obtenir des résultats durables.
Par Christophe Bildé / Pagamon
*Entreprises de Taille Intermédiaire
Pour en savoir plus, www.pagamon.com