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Meero licencie, Mimi Marchand (Bestimage) mise en examen, mais qui va faire les photos ?

Publié le 10 mai 2022 à 14:50 par Magazine En-Contact
Meero licencie, Mimi Marchand (Bestimage) mise en examen, mais qui va faire les photos ?

Le premier a monté une plateforme pour “ubériser” la photo immobilière ou de mariage, l’autre commercialise ses photos des people, des présidents ou du couple Niel à des tarifs substantiels. Aucune de ces deux entreprises ne semble en très bonne forme. Le vrai du faux et quelques informations pour acheter des photographies et « mieux protéger le patrimoine photographique » comme le suggère le rapport Franceschini. Le cliché d'un homme casqué sur un scooter, combien ça s'achète ?

 

Meero 

Huit ans après sa création, la plateforme créée et cofondée par Thomas Rebaud et qui entendait « aider les photographes à boucler leurs fins de mois », selon son fondateur, aurait licencié une grande partie de ses effectifs en France en 2021 selon Challenges. Vrai, faux ? Cette annonce qui vient ternir l’image de la startup à qui tout réussissait, qui enchaînait les levées de fonds et les recrutements et qui a surtout paupérisé encore plus le marché des photographes indépendants, selon ceux qui la critiquaient, n’a pas plu aux dirigeants de Meero. Ils ont déclenché sur LinkedIn la contre-offensive contre Esther Attias, l’auteure de l’article, présentée comme une journaliste qui dit n’importe quoi. On a donc tenté la prise de contact omnicanale pour joindre par téléphone et par chat Meero et se faire confirmer la réalité du nombre de postes que l’entreprise aurait supprimés. 

A six heures le matin, le chat ne fonctionne pas dès qu’on désire poser une question précise. On ne vous propose que de prendre votre e-mail pour vous envoyer une proposition commerciale. A  onze heure puis douze heures trente-trois, le standard téléphonique de Meero (01 76 44 09 20) ne répond pas, même après quatre minutes d’attente. Quant à la troisième personne sollicitée, sur son téléphone mobile, Elie de Moustier, Global Delivery VP de Meero, elle existe bien mais Elie nous apprend qu’il ne travaille plus chez Meero. Il faudra songer un jour à un article sur le nombre d’informations datées, « jaunies » qui traînent sur LinkedIn et tous ces cadres qui ne mettent pas à jour leur profil. A dessein ? Gaétan Rougevin-Baville, Chief Operating Officer de l’entreprise qui « matches professional photographers with top notch clients to produce beautiful images in a snap », nous explique, par mail, que l’entreprise a déjà suffisamment communiqué sur le sujet et qu’il préfère « parler du futur ». 

En supposant qu’il y reste beaucoup de salariés ou de stagiaires, ceux-ci ne travaillent manifestement pas au service client ou customer success comme on dit dans les startups. Les avis clients postés sur GoogleMyBusiness sont, pour les derniers d’entre eux, tous plutôt catastrophiques : « service client déplorable, retours écrits incompréhensibles », « photos standardisées ». Wiliam Azoulay est carrément mécontent : « à éviter totalement lorsqu’il y a un problème, ce sont des robots qui vous répondent ». Arnaud Lasnier, photographe à Orléans : « Meero rémunère ses photographes au lance-pierre, c’est juste honteux. » En résumé: Meero est bien passée de 700 personnes au niveau mondial à 400 personnes en 2021 mais initierait un plan de recrutement massif pour 2022. Les dirigeants y semblent plus rapides à prendre la parole sur BFM ou à s'épancher dans des podcasts qu'à assumer ce qui fait également la vie des entreprises, le downsizing (l'adaptation des effectifs). Il fallait croire Esther, qui a fait son travail. Et il faut, avec Meero comme avec toute une génération de startuppers habiles en termes de communication, se rappeler la phrase de Vladimir Jankélévitch: n'écoutez pas ce qu'ils disent, regardez ce qu'ils font. (qui reprend un propos de Bergson)

 

Bestimage 

Bestimage est une agence bien connue depuis des années, notamment à cause de sa médiatique présidente et fondatrice, Mimi Marchand qui s’est fait une spécialité de photos de peoples ou de personnalité. Grâce à un réseau de paparazzis et de photographes sous contrat, tel Sébastien Valiela ( la photo de François Hollande sur son scooter) Bestimage est parvenu à devenir le one-stop-shopping quasi exclusif pour qui veut accéder à des photos de personnalités médiatiques -comme le couple Niel, les époux Macron-qui désirent contrôler et contenir les assauts des paparazzis. Mimi Marchand a été mise en examen le 5 juin 2021 dans le cadre de l’affaire Sarkozy-Kadhafi pour subornation de témoin et association de malfaiteurs et le 12 août 2021 dans des affaires la mettant aux prises avec Karine le Marchand et la police judiciaire. Chouet’Press, raison sociale de l’entreprise, réalisait en 2018 11 millions d’euros de chiffre d’affaires et 1 million d’euros d’Ebitda. Contrairement à ce qui est souvent dit et écrit, les photos des époux Macron ne sont pas commercialisées uniquement chez Bestimage : Abaca Press, fondée par Jean-Michel Psaïla et ses trois associés il y a trente ans, propose les siennes du même couple. 

 

Où acheter des photos et à quel tarif ? Quelques pistes.

Getty Images, parmi d'autres banques d'images

1700 euros pour 750 clichés/contenus voilà la formule d’abonnement que propose Getty Images à une agence de presse ou à un magazine pour son catalogue iStock, ce qui ramène le tarif unitaire de la photo à 2.30 euros environ. Il est nécessaire de s’engager sur l’année pour bénéficier de ce tarif. N'espérez pas à ce tarif des exclus ou des photos jamais vues.

 

Paris Match, Nice Matin, la PQR et la presse magazine, qui disposent de réelles archives photographiques

Une photo déjà faite, qui figure des personnalités comme celle en header de notre site (Jacques-Antoine Granjon, Xavier Niel et Marc Simoncini) ? Elle peut s’acheter pour une parution déterminée et selon la diffusion du support de 80 à 2000 euros, voire beaucoup plus. Celle-ci a été prise par Eric Hadj, en exclusivité pour Paris Match. La cession de droits n’est jamais définitive, elle vaut pour un usage, une diffusion et une durée précis. Ce point est l’un de ceux qui a été très critiqué dans le modèle de Meero, qui demande à ses prestataires photographes de lui céder leurs droits. Ce qui, dès le début de l'entreprise, aurait dû lui attirer un contrôle sur la licéité de ce qu'elle impose à ses prestataires. Comment une entreprise qui se met délibérément hors la loi peut-elle lever auprès de chefs d'entreprise expérimentés autant d'argent ? 

 

Un photographe de presse indépendant

Selon sa renommée son professionnalisme et le désir qu’il a de consentir un tarif attractif, ce dernier peut proposer une photo sur mesure d’un cadre ou dirigeant d’entreprise dans une fourchette de 250 à 800 euros, voire plus, si celle-ci est compliquée à réaliser ou est rare. Tout se fait sur devis après que le photographe a cerné le contexte et les moyens qu’il va devoir déployer. Certains d’entre eux parmi les plus réputés (Jérôme Bonnet, Patrick Swirc, Steve McCurry, Roberto Frankenberg ) sont sous contrat avec des agences telles que modds, VU’, Magnum, Iconoclast etc, toutes spécialisées. Il existerait 25000 photographes en France, dont un peu plus de 6000 cotisant aux Agessa ( la caisse de Sécurité sociale des Auteurs). La lecture par exemple de Voyeur de Pascal Rostain, paparazzi fameux et haut en couleurs renseigne bien sur les aléas du métier et ce qui peut conférer un certain prix à des clichés peu qualitatifs mais pris sur le vif. La planque pour shooter le pape est un des nombreux grands moments du récit.

 

Et quand les photos sont rares ou qu’elles ont disparu comme celles du studio Miraval ? 

Patrice Quef, ingénieur du son au studio Miraval - photo issue de l'ouvrage “Studios de Légende en France, que sont devenus nos Abbey Road Français”

C’est là que ça devient passionnant : Nice Matin, qui disposait par exemple de nombreuses photos de ce studio très célèbre, réalisées à l’époque où de nombreux journalistes y faisaient des reportages, a détruit toutes les photos récemment ( en 2020 a priori)  parce que le coût de la numérisation a semblé prohibitif. Récemment, un seul photographe a été autorisé par Brad Pitt à shooter les 600 hectares de Miraval à Correns dans le Var. Et s’est engagé par contrat à ne pas les diffuser. A la lecture de ceci, on comprend tout l’intérêt du rapport Franceschi qui a proposé treize mesures pour favoriser le financement, la production et la diffusion d’œuvres photographiques. Et la pertinence de la commande publique, décidée par Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Culture. 200 photographes sont sollicités, sur une durée de deux ans et chacun avec une enveloppe de 22 000 euros, pour aller travailler et prendre des photos sur le thème: “ radioscopie de la France à l'aube des années 2020, pendant et après la crise sanitaire”. L'enveloppe globale allouée est de 5,5 millions d'euros; la BnF est en charge du pilotage de cette commande.

Manuel Jacquinet et Benoit Hocquet.

Pour aller plus loin, dans le prochain numéro d'En-Contact: quelques réflexions sur le choix et la sélection de bonnes photos avec le fondateur de Fotolia, désormais passionné par le SaaS, le CRM toujours et les voyages de rêve dans des maisons d'exception, Iconic House: Thibaud Elzière.

 

Photo de une : de g. à dr., Jacques-Antoine GRANJON (Veepee.com), Xavier NIEL (Iliad) et Marc SIMONCINI (Meetic, Jaïna, Sensee) - crédit © Eric Hadj

 

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magazine En-Contact n°124 - avril/mai 2022

 

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