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ManoMano a-t-il trafiqué ses avis clients ? la Mano de Dios

Publié le 07 avril 2023 à 15:38 par Magazine En-Contact
ManoMano a-t-il trafiqué ses avis clients ? la Mano de Dios

Les recommandations des Manodvisors sont-elles fiables et indépendantes ?  La réponse dans le prochain numéro d'En-Contact (128). Voici, en avant goût, les premiers éléments de l'enquête.

Dans un article (Des avis pas réglos sur ManoMano ), la revue 60 Millions de Consommateurs rejoint quelques-uns de nos constats: la plus grand marketplace d'Europe consacrée au bricolage, l'entreprise ManoMano, contrôle à brides serrées ses avis clients et fait collaborer des Manodvisors censés délivrer des conseils à des prospects intéressés. Comme, au temps de sa splendeur, Magali Berdah le faisait dans l'univers de la beauté avec des influenceurs, Manomano semble bricoler des recommandations. Est-ce vrai ? Est-ce légal ?

Où se situe la limite des pratiques commerciales trompeuses ? “Est désormais réputée comme déloyale la pratique commerciale consistant à émettre de faux avis sur internet ou à modifier de réels avis. Les professionnels encourent deux ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amendes en cas de violation de cette disposition.” En cherchant un peu sur les différents sites d'avis clients et forums indépendants, on constate que de nombreux consommateurs et clients de ManoMano sont déçus et étonnés: Site Catastrophique (..) Attention au site avec des avis trop positifs. Beaucoup de personnes ont des soucis et bizarrement les avis négatifs sont écrasés avec plusieurs avis positifs (…) Pourtant, la market place s'emploierait à faire disparaitre, comme quantité d'autres marques, les avis négatifs. Plus ennuyeux, selon la revue, elle animerait une communauté d'experts, indépendants, qui recevraient des consignes de produire et émettre des avis positifs sur certains produits ou marques. 

Nicolas Lemonnier, fondateur de ReclameICI.fr, anime un site qui compare la qualité des services clients et la e-réputation des marques, sur la base de réclamations émises par des vrais clients. “Sur notre site, ManoMano a un indice de 6 sur 100, ce qui est très mauvais. Pour comparer, les concurrents directs (Castorama, Leroy-Merlin et MrBricolage) obtiennent autour de 50 sur 100.” 

Qui sont les fameux Manodvisors ?

C'est toute la question, ainsi que leur mode de rémunération et les consignes qu'ils recevraient, selon l'enquête de 60 Millions de Consommateurs : des faux avis positifs seraient demandés à ces conseillers experts, au sujet de marques grand public : Black & Decker, Dulux Valentine etc.. De plus en plus de marques, telles Fnac-Darty, BlaBlaCar, animent des communautés, afin de soigner leur e-réputation. Jusqu'où ces Amazon Mechanical Turks de la recommandation sont-t-ils incités à bricoler la vérité ?

Les avis truqués, les recommandations caviardées, un sujet ancien.

En 2022, la Télévision Suisse Romande, la TSR, est parvenue à classer le Sixième parmi les dix meilleurs restaurants de Lausanne sur Trip Advisor. Or le Sixième est un établissement .. qui n'existe pas ! Des démonstrations similaires sont arrivées en Italie. 

Les réponses à toutes ces questions seront à découvrir dans le numéro 128 En-Contact, consacré aux avis clients, à ces communautés mobilisées sur le web marchand et chargées d'intervenir à des moments clés du parcours d'achat. Deux des meilleurs experts français des avis clients nous ont partagé leur point de vue et parlé des normes qui sont dignes de confiance dans ce domaine selon eux; on évoquera également les outils proposés, tel ibbü ou wirk, pour animer, répartir et superviser les flux de micro-tâches de service client parmi ces travailleurs indépendants.

ManoMano, plus soucieuse de son image que de raconter le réel ? Valorisée plus de deux milliards, la licorne française ne gagne toujours pas d'argent mais s'attache les services, comme d'autres licornes, d'agences telle Publicis Consultants. Ce qui est dit et raconté sur elle constitue un actif … qu'elle entend bien protéger, car il constitue le moteur du ré-achat, du repeat business, facteur vital pour parvenir à la rentabilité. Dans un récent article que nous avons publié consacré à sa nouvelle identité sonore, l'entreprise et son agence ont plusieurs fois demandé à ce que nous modifions post-parution ce qui a été écrit et correspond à la réalité: le concurrent de Dissonances, Sixième Son, ne désirait pas être mentionnée comme l'agence ayant perdu la compétition, une donnée que nous estimons instructive et vraie. Ne pas tout dire n'est pas un mensonge mais révèle probablement une culture de l'influence.. développée.

La réponse de ManoMano. Nous avons tenté de joindre semaine passée la direction juridique de ManoMano et Gilles Terlier, cadre en charge de ces sujets au sein de l'entreprise, afin de recueillir leur point de vue. Et depuis, également, Christian Raisson, co-fondateur. 

Dans la première démarche, menée comme un client lambda ( contacter le standard de l'entreprise), on a abouti à Madagascar, chez le prestataire qui prend et répond aux appels lorsqu'on tape 4, dans le choix proposé par le SVI ( serveur vocal interactif ). 

Par SMS, le co-fondateur renvoie vers son directeur communication, Alexandre Denis, dont on attend le rappel.

ManoMano, Bergson, Maradona ? A ce stade, tout ceci rappelle les propos de Bergson, un philosophe qu'on ne lit plus trop, malheureusement, et qui écrivait*: “ N'écoutez  pas ce qu'ils disent. Regardez ce qu'ils font. ” Les dirigeants des licornes de la nouvelle économie apprécieraient-ils moins Bergson que la hausse de leur valorisation ? Le service client de ManoMano est externalisé à Madagascar, parce ce que c'est plus efficace et moins cher. L'influence est achetée à Paris, dans une agence qui n'est pas vraiment le Lidl des agences de RP. Les cadres dirigeants sont tous hyper brillants, passés par les plus grandes maisons: Amazon, Cdiscount etc. Et tout ce qui peut être automatisé l'est. Vive le RPA. L'entreprise est donc bien gérée. Bientôt, vous verrez, on entendra qu'elle devient une entreprise à mission :). En y réfléchissant bien, ce qui vient à l'esprit pour répondre à la question centrale de l'article ( Les avis clients et les commentaires des Manodvisors sont-ils vrais, objectifs ? ) serait plutôt la main de Dieu de Maradona. Le 22 Juin 1986, à 12h51, Diego Maradona s'aide de la main pour marquer un but. La Mano de Dios, comme il la qualifiera. Ce qui est nécessaire, c'est de marquer le but, l'histoire revisite les actes. 

(*Les Deux Sources de la morale et de la religion)

Pour aller plus loin : les archives En-Contact, Focus on the user (2014)

Il ne suffit pas que Google soit attaquée depuis à peu près cinq ans par la Commission Européenne, pour diverses infractions au droit de la concurrence, à celui de la propriété intellectuelle, ou à la protection de la vie privée et des données personnelles. Afin de peser sur les débats en cours à Bruxelles, dans un exercice de lobbying assumé, un « collectif » estimant que le géant de Mountain View lèse les consommateurs dans ses services d’information de proximité a vu le jour. « Focus on the user », c’est le nom de ce collectif, s’inquiète des avis de consommateurs publiés sur Google, qui apparaissent systématiquement lors d’une recherche locale pour un restaurant, un hôtel, un commerce, via le moteur de recherche standard ou via Google Maps. Les commentaires provenant d’utilisateurs du réseau social Google + seraient systématiquement mis en avant, alors qu’ils sont nettement moins nombreux, référencés et fiables que ceux de Yelp ou TripAdvisor, par exemple. 

« Focus on the user » accuse carrément Google de mettre en avant de faux avis, et de privilégier ses propres services dans les résultats de recherche, lésant ainsi le consommateur lambda. Ainsi Frédéric Le Dinahet, cofondateur du site Bébé et Tournevis, qui collecte les avis sur les artisans et prestataires à domicile, s’est joint au mouvement Focus on the user et affirme avoir «détecté de faux avis sur des prestataires, sur Google+, et ceux-ci sont mis en avant sur le moteur de recherche. C’est problématique à la fois pour nous en termes de visibilité et pour l’utilisateur en termes de service. Nous contestons le fait que, dans ce cas, Google+ apporte la meilleure réponse pour l’internaute ». Pour autant, si Google lèse ainsi le consommateur, il lèse surtout… les sociétés à l’initiative de ce collectif. Soit notamment Yelp, TripAdvisor, ou l’allemand HolidayCheck, des sites d’avis, de réservation et de comparaison d’hôtels, cafés et restaurants : bref, des concurrents des nouveaux produits de Google (au premier rang desquels Flight Search ou Hotel Finder). Ironiquement, TripAdvisor avait été lui-même condamné pour pratiques commerciales déloyales, et n’a toujours pas adopté la norme Z74-501 « Avis en ligne des consommateurs » garantissant la fiabilité de ces avis.

Manuel Jacquinet.

 

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