Les tribulations d’un ex-pompier de Paris hyper actif devenu pompiste…
Bien avant TotalEnergies, qui croit à l'utilité du service assuré par le pompiste et en ré-installe dans de nombreuses villes en France, le réseau Elan a trouvé son directeur de la transformation: David Zienkewicz. Baroudeur et créatif, le dynamique gérant a tout revu dans son 7-Eleven parisien.
Installée dans le 11e à Paris, la station essence Elan de David ne laisse pas indifférent : on y voit des plantes vertes, une maquette géante de vieille Cadillac, avec Elvis Presley (coiffé d’une kippa) qui accueille le client devant des cabines téléphoniques from London, et une vitrine proposant les meilleurs champagnes… Ou comment réinventer l’expérience client.
Dans le top-five des stations d’Ile-de-France, David Zienkiewicz (36 ans ) est un pompiste hors norme : sur sa carte de visite on trouve écrit Chief Executive Officer (C.E.O). Chez lui, après avoir bu un café en sa compagnie, vous pouvez acheter des truffes, du champagne, les meilleurs vins blanc ou rouges, du gaz… et accessoirement de l’essence. L'homme est connu comme le loup blanc dans tout le quartier, de la Bastille au Père-Lachaise, avenue Ledru-Rollin, où il est basé depuis huit ans. Tout le contraire des stations froides et uniformisées. Mais commençons par le début. « Je suis lorrain, fier de l’être », claironne David. « Plus précisément, je suis de la Meuse, de Verdun. N’oublions pas que la Tour Eiffel a été construite avec de l’acier lorrain ! » Ancien pompier de Paris, il a fini par démissionner, après dix ans de bons et loyaux services, parce qu’il en avait assez d’être commandé par des gens « parfois limités dans leur processus de réflexion », dixit.
LE pompiste de Paris
Ne manquant pas d’humour, David se dit dorénavant « pompiste de Paris ». « J’adore les tuyaux », rigole-t-il. Plus sérieusement, l’opportunité s’est présentée après qu'il a tenu deux affaires, dont une qui s’est mal terminée. « J’ai tenu un bar-PMU-Française des Jeux, mais mon associé, ancien ami et témoin de mariage, s’est barré avec la caisse… C’était à Noisy-Le-Grand, et ma première banqueroute financière. Je remercie le dénommé « Billy » de m’avoir piqué entre 200 et 300 000 euros, parce que maintenant je vis une nouvelle aventure. J’ai trouvé intéressant de vendre de l’essence avec un service adapté à chaque personne, soit deux cents, en moyenne, par jour. Mon but est d’exaucer les désirs de la clientèle, quelle que soit sa demande. C’est une station à l’ancienne, avec les fondamentaux du service-client »
David peut vérifier la pression de vos pneus, les niveaux, laver votre pare-brise, réparer l’essuie-glace, et vous éviter de vous salir les mains en faisant le plein. Tout en souriant et en racontant des blagues. Autodidacte, il apprend sur le tas. « J’écoute et respecte les anciens. Dans le temps, on se parlait davantage. Ce sens de la communication est devenu rare, c’est triste. Moi, j’aime le partage. Il suffit de s’écouter et de transmettre. Je n’aime pas trop la technologie et le digital mais je vais m’y mettre en m’inspirant de ce qui se fait en Chine ou en Corée du Sud ».
Le David-drive-in
Touche à tout, David a travaillé sur le marché de Noël des Tuileries, avec le patron des forains, Marcel Campion. Du matériel lui est resté sur les bras et il s’est retrouvé avec 200 bouteilles de champagne, foie gras, caviar… C’est là qu’il décide de faire de sa station-service un David-drive-in, avec vente de vin, pizzas à emporter ou des pâtes à la truffe. « Les clients font le plein et achètent de bons produits en même temps ». David investit également dans les œuvres d’art. Il achète et revend sans s’attacher aux objets. Il aime faire du business pour le jeu, pas pour l’argent. Réalisant que tenir une station essence, à la longue, pouvait être répétitif, il a décidé de vendre des produits de sa région : truffes de Lorraine, cancoillotte, mirabelle, madeleines… et du champagne (30 % du stock). Plus des vins du monde entier. « J’ai le droit de vendre de la petite restauration, du moment que les gens ne consomment pas sur place. Jusque-là, tout est sympa, cool et positif mais le métier a des zones d’ombres. Les gens qui ne paient pas et après lesquels je dois courir ; les agressions éventuelles pour la caisse… »
Papa poule
David est l'une des figures de son quartier. Il pratique différents sports pour canaliser son énergie : boxe anglaise, course à pied… et la sieste ! Sa clientèle, majoritairement des habitués, à 80 %. « Des gens qui sont devenus des amis, parfois. Je leur annonce quelle journée ils vont avoir, le matin, en allant au boulot. Je leur donne un coup de peps, et de folie douce qui leur fait du bien. Certains m’ont aidé quand j’ai eu de graves soucis après la séparation houleuse avec ma femme. Ils m’ont soutenu, donné à manger, lavé, j’étais devenu limite SDF… Ils m’ont évité de me foutre en l’air. Ce passage de ma vie restera gravé. Je pense créer une association « Papa poule » pour défendre les pères qu’on empêche de voir leurs enfants (il a une fille de 3 ans et demi, ndlr). »
David se lève très tôt et se couche tard mais il aime ça. Il gère également une société de plomberie et une société d’achat-revente d’appartements et de bâtiments. « Mon but est de gagner plus de 100 000 euros par mois puis de partir vivre à l’étranger, je pense à l’Argentine. Je suis en train de passer mon brevet de pilote d’hélicoptère pour me déplacer là-bas ».
Pour en revenir à sa station essence, malgré le côté fourre-tout, rien n’y est laissé au hasard. « La mise aux normes est stricte. Elle concerne la sécurité du personnel, la sécurité incendie, l’alimentation quasi quotidienne du carburant et des fournitures. Ça ne se voit pas à l’œil nu, mais nous avons des murs à double paroi, avec double tuyauterie, pour maîtriser les éventuelles fuites de carburant, avec un détecteur sonore et visuel. Sans oublier le bac de récupération d’hydrocarbure ». Il n’y a plus qu’une centaine de stations dans Paris, alors comme il est parvenu à rendre la sienne rentable, on lui a proposé d'en racheter cinq. Mais David pense se lancer dans le vin à l’international. Outre ses trois collaborateurs, il s’est déjà offert les services d’un « technicien œnologue » (sic !).
Par Guillaume Chérel