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Les datas sont plus importantes que le client, malheureusement

Publié le 21 juin 2023 à 09:18 par Magazine En-Contact
Les datas sont plus importantes que le client, malheureusement

Ce qu'ils font, ce qu'on pourrait faire des données clients, patients, usagers.

En-Contact re-publie ou met un coup de projecteur sur quelques chercheurs, écrivains, certains oubliés, qui ont écrit ou publié sur l'importance des données clients. Ou leur danger lorsque ceux qui les utilisent le font à des fins mercantiles, électoralistes: Iain Levison ( Ils savent tout de vous ), Georges Lemoine, Emmanuel Bacry, Marie Benedetto-Meyer. Parfois, la priorité n'est pas de choisir ou de s'esbaudir devant un nouvel outil, comme une plateforme CDP ( Customer Data Platform), mais de savoir ce qu'on pourrait faire avec une vision unifiée et globale du client.

« Le client n’est pas au cœur de l’organisation, mais les données clients, » constatait Marie Benedetto-Meyer, sociologue et ex-chercheure chez France Télécom-devenu Orange. Elle travaillait en 2012 sur l’intérêt et les difficultés de personnaliser la relation client tout en l’industrialisant. Stratégique, complexe chez les opérateurs télécom, la question a abouti à quelques concrétisations. Dans les centres de contacts, dans quelques réseaux de boutiques, dans les spas, chez des vendeurs de capsules de café.

 

C’était il y a onze ans. En-Contact re-publie l’interview réalisée à l’époque, pour ses premiers Cahiers de l’Expérience Client. « Industrialiser et personnaliser l’expérience patient, clients ? Comment faire, avec ou sans WhatsApp, grâce à un simple regard, un début de conversation ? » Ce sera l’objet de la 2ème Master Class du Forum de l’expérience client, à la Baule, le 28 Septembre.

Pour assurer, demain, des services clients adaptés à des consommateurs qui changent rapidement, les grandes organisations mobilisent des moyens considérables et des spécialistes pointus, chercheurs de leur état. Leurs travaux n'ont rien d'ésotérique ou de spéculatif. Questions à l'une d'elles, jeune sociologue au sein des "Orange Labs". 

Pourquoi et comment menez-vous vos travaux de recherche au sein des Orange Labs?

Au sein du laboratoire SENSE, mes travaux portent sur la manière dont les nouvelles technologies transforment les métiers et l'organisation de la relation client. Nos recherches visent par exemple à trouver de nouvelles manières de valoriser le métier de "tchatteur" ou encore à travailler sur la reconnaissance de la part du travail d'équipe dans une vente faite par un commercial dans une boutique. Nos travaux s'inscrivent dans des programmes de recherche pluriannuels définis en lien avec l'actualité des directions opérationnelles techniques et marketing du Groupe France Télécom-Orange. Nous travaillons souvent au sein d'équipes projet pluridisciplinaires associant chercheurs en sciences sociales et ingénieurs, et parfois avec d'autres entreprises ou organismes. 

D'un point de vue des usages, est-ce que la France a bien fait sa "révolution du client"?

Cette "révolution" est en tout cas annoncée ou attendue depuis longtemps, notamment depuis le début des années 2000, où on a beaucoup parlé d'orientation client, de centralité du client. Je crois que le modèle qui prévaut aujourd'hui est encore celui d'une gestion "industrielle" de la relation client. Le traitement différencié de plus en plus complexe de la clientèle qui se fonde sur des segmentations de plus en plus fines, n'a pas, pour autant, réintroduit une "vraie" personnalisation dans la relation. Aujourd'hui, ce n'est pas le client qui est au coeur de l'organisation, ce sont les données clients, et ce n'est pas tout à fait la même chose! Donc pour moi, la révolution est à venir, mais certains signaux montrent une prise de conscience forte, de la part des professionnels, des limites du "tout industriel". La souplesse est introduite dans ce modèle: par exemple avec le tchat comme canal de communication sur le Web, la technologie est au service de l'humain et de la personnalisation à condition que ce soit une personne qui dialogue avec vous et non un avatar, bien sûr. On est aussi en train d'abandonner les scripts* formels dans les centres d'appels pour laisser plus d'autonomie aux conseillers. Sur l'ensemble de ces sujets, la prise de conscience est faite, mais les évolutions organisationnelles concrètes sont plus longues à venir. Aussi, je pense qu'on ne peut pas parler encore de "révolution des services clients", mais d'une évolution dans la continuité. 

Ou place-t-on le curseur entre la technologie et l'humain ? Où on est-on aujourd'hui?

La technologie sera ce qu'on en fera, elle n'a pas à s'opposer à l'humain, elle peut être au service de celui-ci! Tout dépend de l'appropriation de celle-ci par les professionnels de la relation client et par les utilisateurs. 

Est-ce que la tendance de l'humain se confirme dans les centres d'appels?

De nombreux travaux, en sciences sociales, ont montré les contraintes multiples, parfois contradictoires, auxquelles les entreprises doivent faire face dans les centres d'appels: comment standardiser l'activité et faire face à l'imprévisibilité des interactions? Comment viser productivité et qualité de service ? 

Quels sont vos indicateurs pour mesurer ces tendances?

Je ne parlerais pas d'indicateurs, mais d'indices! Nous procédons à des études approfondies de tous les canaux de la relation client: centres d'appels, face-à-face, Web, réseaux sociaux... et en faisant des comparaisons entre entreprises, secteurs. Notre travail consiste à identifier des signaux faibles pour identifier des tendances et des leviers d'action. 

*Un script est un schéma de conversation avec les clients que l'entreprise "impose" à ses conseillers de clientèle. 

Marie Benedetto-Meyer est désormais enseignante-chercheure à l'UTT (Université de Technologie de Troyes)

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