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Le télémarketing c’est comme le rock and roll. Ils veulent l’interdire, il ne mourra jamais

Publié le 29 janvier 2025 à 03:30 par Magazine En-Contact
Le télémarketing c’est comme le rock and roll. Ils veulent l’interdire, il ne mourra jamais

Hey Hey My My, telemarketing will never die. Comme le Rock'n'roll, le phoning ne va pas mourir. 

Ne quittez pas, un correspondant cherche à vous joindre est le premier livre qui raconte, avec moult anecdotes, l’histoire, l’avenir et les vertus du démarchage téléphonique et des appels commerciaux entrants. Il vient de sortir, au moment même où les députés ont voté l'interdiction du démarchage téléphonique sans consentement, à l’Assemblée nationale. On en  conseille la lecture à Delphine Batho, à Thomas Cazenave, Jacques Mézard, Laurent Wauquiez et surtout, à tous ceux qui ont des objectifs commerciaux à tenir, en 2025. Manuel Jacquinet, son auteur, nous explique pourquoi

L’art de la conversation à distance va remplacer le démarchage téléphonique. 

Soixante-sept ans après sa première utilisation massive connue, par Ford, le démarchage téléphonique massif et peu onéreux est-il en passe de mourir ou de muter ? Ce canal de vente, qui a généré des milliards de chiffre d’affaires, fait vivre des milliers de télévendeurs, d’apprentis comédiens, chanteurs, a explosé grâce à la technologie, est en train d’agoniser à cause des robocalls et de la baisse de joignabilité des prospects. Mais il mute évolue, comme le chiendent dans un jardin abandonné.

Manuel Jacquinet

Bonnes nouvelles : le soin apporté à la sélection des fichiers, aux moments adéquats pour solliciter des prospects, aux parcours client, à la voix de l’agent de call-center, à la motivation de ce dernier, à la détection des répondeurs sont des pistes, déjà opérationnelles, souvent françaises, utilisées par les call-centers les plus innovants.

Dans cet ouvrage illustré, enrichi de nombreux témoignages, Manuel Jacquinet, éditeur du magazine spécialisé En-Contact et spécialiste reconnu du secteur, détaille ces pistes. Menée aux USA, au Maroc, aux Philippines et en France, l’enquête qu’a nécessité l’ouvrage a duré quatre ans. Manifone, Sam J. Pespas, voice morphing, applications anti-spam, Jessica Rosenworcel, c’est à un tour du monde et de multiples rencontres que vous êtes invité.

Interview de l'auteur, Manuel Jacquinet. 

Pourquoi, comme dans le morceau bien connu de Neil Young, écrivez-vous que le démarchage téléphonique ne va pas mourir ?
C'est un  simple constat, sur le formidable instinct de vie de ce secteur et sa capacité à muter. Les premières tentatives de réguler le phoning commercial ont débuté en 1991, aux Etats-Unis avec le Telephone Consumer Protection Act. On estime qu'il existe à l'époque 300 000 prestataires ou TPE qui font du démarchage téléphonique aux USA ! En 1999, au Royaume-Uni, on crée le Telephone Preference Service, l'équivalent de Bloctel. Trente ans après, on fait encore du télémarketing, même si sous sa forme irritante, les cold calls, il est devenu moins efficace. 

En 2012, un concours est lancé aux Etats-Unis pour favoriser la création d'applications de blocages d'appels. La FTC a organisé ce concours et proposé 50 000 dollars pour récompenser la meilleure proposition de blocage des appels. 800 propositions ont été faites. Aaron Foss va remporter le concours, avec Nomorobo. Depuis on a vu émerger True Caller, Robokiller, Hiya, Orange Telephone.

La série la plus passionnante et réaliste sur l'univers du télémarketing aux USA. Sam J. Pespas et ses compères racontent leurs aventures dans le fundraising. 

Tout ceci, cette poursuite des méchants télémarketeurs par les shériffs, est plus ou moins liée à trois facteurs que je pense essentiels, que je raconte dans la première partie du livre, consacrée à l'histoire. 

En 1984, en Virginie, Douglas Samuelson, un spécialiste employé alors par InfoLogix, conçoit le 1er predictive dialer. Son brevet, le 4858120, sera amélioré en 1989 par International Telesystems Corp, qui conçoit le call pacing algorithm. Autrement expliqué, on invente alors les premiers robots d'appels, devenus des machines redoutables et qui sont à l'origine de phone spoofing aujourd'hui. Anthony Dinis, le fondateur de Vocalcom, est l'un des innovateurs et héritiers français de cette lignée. Ceci, couplé au CTI, permet d'imaginer un nouveau paradigme d'acquisition de clients, à distance, qui fonctionne encore aujourd'hui et que les gendarmes du démarchage peinent à juguler dans sa forme illégale. La technologie joue un rôle essentiel dans cette industrie, par exemple désormais les applications d'anti-spam, qui contribuent à réguler et faire progresser ce secteur. Celle d'Orange, dont s'occupe Frank Derville, est remarquable. Mr Derville est interviewé dans le livre. 

Pourquoi peine-t-on a réguler, partout dans le monde, le démarchage non sollicité ? 
Parce que la technologie va plus vite que les lois, que les moyens pour réguler, contrôler, poursuivre, sont sans commune mesure avec ce qui serait nécessaire. Aux US, des équipes entières, des procureurs déterminés se battent et infligent des amendes. Pour la DGCCRF, même chose. Mais ces régulateurs sont sans moyens adéquats, suffisants et affichent du retard par rapport à la technologie. Et il est trop tard. Si je devais me hasarder à une comparaison, j'évoquerais les GAFAM, les réseaux sociaux et leur caractère pernicieux. Tout le monde veut diminuer l'impact et le pouvoir des GAFAM désormais, souhaitent que des élections et leur issue soient fondés sur un débat raisonnable, nuancé, où les faits prédomineraient. Mais c'est bien tardif. Il ne fallait pas dire, sur toutes les chaines de télévision, à la radio, depuis vingt ans “suivez nous sur les réseaux sociaux”, et constater désormais qu'ils ont pris une place disproportionnée et parfois dangereuse. Quelle grosse blague ! Pour n'avoir pas besoin de quitter X, ex-Twitter, il fallait ne pas y aller ou s'en servir, en croyant que Twitter, c'est la vie.

On parvient à joindre de plus en plus difficilement les prospects. Est-ce la fin du harcèlement téléphonique, à cause de cet état de fait ?
C'est en effet l'un, le game changer le plus radical et qui réinstalle l'appel entrant comme technique la plus adéquate et va dynamiser le marketing digital, le web-call back, les leads intentionnistes. Le phoning est désormais plus technique, onéreux mais ça fonctionne encore. Ce sont les cold calls qui se marginalisent.  Pour ce qui est de la vente et prospection à distance, TotalEnergies, SFR, Cuir Center, Canal + ou des partis politiques en ont fait, en font.  Ils vont continuer, eux ET quelques brigands, plus ou moins respectables, parce que c'est peu cher* ou cher, lorsqu'on respecte les contraintes légales. Mais ça rapporte ! 

“Ne quittez pas, un correspondant cherche à vous joindre” - histoire, avenir et vertus du démarchage téléphonique, disponible ici

*Ne pas assumer la licence d'utilisation de Bloctel, à 40 000 euros, une sacrée économie. 

Un dernier facteur me semble devoir être noté : de tout temps, il y a eu des jeunes sans emploi, diplômés ou pas, qui peuvent trouver un job sur une plateforme téléphonique, partout dans le monde, en un seul coup de fil. Et il y a des entreprises qui cherchent à les recruter, à Montrouge, Tulle ou à Cotonou ou Manila. Et l'on apprend des choses sur un plateau, utiles partout dans la vie. Karim Leklou a raconté qu'il a fait et pratiqué ce métier, tout comme le chanteur Corneille, les hard-rockers de Anvil, pendant leurs années de vaches maigres. Il y a un appel d'air terrible de ce fait et je pense que c'est une bonne chose que continuent d'exister des métiers, des professions où l'on peut être recruté et apprendre. On a parlé souvent dans les médias d'esclavagistes dans les call-centers. Il en existe, pas plus que dans la construction, la livraison de plateaux repas ou la livraison des colis. Ceux qui écrivent cela sont souvent les mêmes qui se font livrer leur repas, colis, entre deux articles écrits ou publiés à la va comme je te pousse. Ils apprécient qu'on prenne leur commande, dans un call-center, qu'on les dépanne lorsque l'application ne fonctionne pas ou que le colis n'a pas été livré. hi hi. Voilà notamment pourquoi je parle de vertu de ce métier. 

Telemarketing will never die donc ? 
On peut vendre par téléphone, ça rapporte, et, avec de nouveaux outils, des leads intentionnistes, comme ce que fait hipto, par exemple,  du scoring de fichier, des bonnes payes et des bons casques ou logiciels, tel celui que propose par exemple  AltaVoce.tech, on peut rendre sa voix plus souriante, intelligible, en modifier l'accent tonique ou la prosodie. Dans les dernières parties du livre, je décris les pistes qui me semblent celles d'avenir. Le télémarketing, c'est comme Neil Young et le Rock. Rock'n roll can never die ! 

Le livre est édité en partenariat avec un opérateur télécom Manifone, pourquoi ?
Parce qu'écrire un livre, c'est long, ça coûte cher et que Lounis Goudjil, le PDG de Manifone et son équipe partagent la même vision que moi : le téléphone est un média, un outil incroyable. Il faut apprendre à s'en servir, passer les bons appels au bon moment. Et considérer que les télévendeurs peuvent être des artistes parfois ! Manifone a participé au financement des recherches, à l'impression et offrira le livre à ses bons clients ou prospects, lors d'un salon prochainement. 

*Karim Leklou a gagné sa vie en tant que télévendeur intérimaire. Il a raconté qu’il ne respectait pas le script et qu’on l’a donc remercié.

Ne quittez pas, un correspondant cherche à vous joindre. Manuel Jacquinet, édité par Malpaso-RCM, en collaboration avec Manifone. 

Propos recueillis par Constance R. 

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