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L’appel mal géré de Naomi Musenga au Samu 67 et son décès ont-ils servi de leçon?

Publié le 04 juillet 2024 à 12:30 par Magazine En-Contact
L’appel mal géré de Naomi Musenga au Samu 67 et son décès ont-ils servi de leçon?

Monitorer la totalité des appels critiques au SAMU 67, via un logiciel de QM et Speech Analytics, coûterait 19980 euros par an. La vie de Naomi Musenga, la détresse de Corinne M valent-ils quelques efforts ? 

Les assureurs, EDF, les courtiers, les vendeurs de régime minceur tel Comme j’aime surveillent désormais la conformité des appels et des conversations, pas les SAMU en France. Analyser toutes les conversations téléphoniques dans un métier vital *et être alerté en cas de non-conformité ne coûte que 3cts d’euros par minute de conversation, grâce à du real time AI et speech analytics. Pour quelles raisons les médecins régulateurs, directeurs de SAMU se privent-ils de ce type d’outils : un déni des vertus de la technologie, un manque d’argent ou le sentiment qui peut s'installer, lorsqu'on est un sachant, qu’on sait tout ?  

Six ans après le décès de Naomi Musenga, une jeune maman de qui 22 ans qui avait appelé le Samu en 2017 pour d’intenses maux de ventre et dont la régulatrice s’était presque moquée, cette dernière est devant la justice ce jour, seule. Elle a été condamnée hier à un an de prison avec sursis et 15000 euros pour les frais d'avocats des victimes. Seule, puisque le directeur de l'époque du SAMU 67, le Dr Hervé Delplancq, a démissionné après la remise du rapport de l'Igas. On notera que depuis, les SAMU ne se sont pas saisis des possibilités de réagir lorsqu’une conversation téléphonique dérape et n’est pas conforme au protocole, grâce à des logiciels spécialisés, utilisés déjà avec profit dans de nombreuses plate-formes téléphoniques. 

Les deux fondateurs de Callity, le logiciel retenu par des grands acteurs de l'assurance et de très nombreux call-centers. 

Le rappel des faits
La gestion et la prise en charge de l’appel
L’affaire avait suscité l’émoi national. Le 29 décembre 2017, Naomi Musenga contacte les pompiers puis le Samu 67, pour se plaindre de maux de ventre. Ces derniers la redirigent vers SOS Médecins, qui eux-mêmes la réorientent vers le Samu. Deux femmes - une femme pompière et une assistante de régulation du Samu – gèrent alors l’appel  «Elle a appelé la police», soupire la première qui s'apprête à lui transmettre l'appel. « C'est parce qu'elle a la grippe qu'elle appelle la police», lui rétorque sa collègue du Samu en riant. Puis cette dernière prend l'appel.

De l’autre côté du combiné, Naomi s’exprime avec une voix très faible tandis que son interlocutrice lui répond sur un ton dur, voire intimidant. Un ton jugé dans tous les cas «déplacé face à des demandes d'aide réitérées», note plus tard l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). Après n’avoir posé aucune question pour renseigner l’état clinique de la patiente, la régulatrice raccroche et ne transfère pas l'appel à un médecin régulateur, contrairement à ce qu'impose la procédure en cas de douleurs abdominales.

Naomi finit par appeler SOS Médecins avant d'être transportée, encore consciente, à l'hôpital par le Samu. Sur le chemin, elle fait deux arrêts cardiaques. Elle est transférée en réanimation et meurt à 17h30. Un retard de «près de 2h20» dans sa prise en charge après son premier appel au Samu du Bas-Rhin a été pointé par l’Igas. dans un rapport passionnant et édifiant

Après la révélation de cette affaire dans les médias, le responsable du Samu de Strasbourg démissionne. La régulatrice, qui a fait l'objet d'une suspension définitive du Samu, est mise en examen au cours de l'enquête judiciaire pour non-assistance à personne en danger. 

L’opératrice encourt cinq ans d’emprisonnement
Devant la justice à Strasbourg ce jeudi, l’opératrice devra répondre d'une non-assistance à personne en danger pour «ne pas avoir respecté les protocoles» de prise en charge «et les bonnes pratiques» du Samu, selon le parquet. Corinne M encourt cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende.

L'avocat de l'opératrice, Olivier Grimaldi, conteste ces poursuites et regrette que l'employeur ou les supérieurs de sa cliente n'aient pas été poursuivis. «On ne peut qu'être surpris qu'elle soit la seule mise en cause dans ce dossier», a-t-il déclaré à l'AFP en mai dernier. «Dans un hôpital, il y a une chaîne de responsabilités. Beaucoup auraient dû faire face à leurs responsabilités, ne pas laisser une agente de catégorie C toute seule face aux faits qui se sont déroulés.»

Ce qui a été fait et a changé depuis dans les SAMU

  • Depuis la mort de Naomi, plus précisément 18 mois après sa mort, un diplôme d'assistant de régulation médicale (ARM) a été créé et est désormais obligatoire pour travailler dans les centres de régulation des appels des services d'aide médicale urgente.

 

  • Alors que des outils de Quality Monitoring et de Speech analytics existent désormais et permettent de comprendre en quasi-temps réel, le sens d’une conversation,  de discerner la non-conformité d’une procédure, d’alerter sur des arguments fallacieux ou mensongers lors d’une vente conclue par téléphone, les professionnels de santé dont les SDIS et les centres de régulation médicales ne les utilisent pas. Un manque de moyens

 

  • Dans les 9 recommandations contenues dans le rapport de l'Igas, rédigé par le Dr Anne Carole Bensadon et Juliette Roger, aucune ne mentionne de s'emparer d'un logiciel de monitoring en temps réel des conversations et du respect des procédures. C'est compréhensible : ils n'existaient pas lors de la rédaction du rapport ou pas avec les performances actuelles constatées,  notamment depuis les avancées majeures de l'IA générative, qui en a diminué le coût et significativement amélioré les performances. Un assureur tel que Magnolia peut chaque jour être alerté par exemple de toutes les ventes d'assurances conclues par téléphone avec des arguments prohibés ou des formulations interdites. Le logiciel renvoie directement au moment critique de la conversation, sans nécessité de ré-écouter toute la conversation. Un médecin régulateur au sein d'un SAMU pourrait donc recevoir une notification en temps réel qu'un protocole de prise en charge n'est pas conforme. Et donc.. réagir, reprendre en direct la conversation, mieux former les assistants de régulation etc..

 

  • Parmi les sociétés savantes, experts interrogés lors de l'enquête de l'Igas, aucun professionnel des centres d'appels français n'a été sollicité. La France a vu se créer et développer pourtant 5 acteurs du BPO spécialisés dont le numéro1, 3, 4, 6 mondiaux. Teleperformance, Majorel, Webhelp, racheté par Concentrix, Konecta. Teleperformance traite plus de 5 milliards d'interactions par an, dont 80% d'appels et dispose d'une division Speech Analytics depuis 15 ans. Les centres d'appels ne font pas que harceler les consommateurs. La façon dont vous avez été reçu sur une plateforme téléphonique de Lagardère News ou chez CMI, probablement à Madagascar, cet été pour changer l'adresse d'envoi de votre magazine ou quotidien, a été monitorée ainsi que le respect du script, et la tonalité émotionnelle de l'appel, de la découverte des besoins, de la re-formulation..Il ne s'agit que d'un abonnement.

3 cts d’euros la minute de conversation enregistrée, analysée avec des alertes. 
Manuel Jacquinet, spécialiste de ces sujets et rédacteur en chef d’un magazine dédié au service client et aux call-centers estime que deux facteurs se combinent pour expliquer ce retard dommageable : « D’une part les ressources des SAMU ne sont pas infinies et des arbitrages sont donc faits. Tant qu’il n’y aura pas des condamnations financières significatives, il n’y aura pas d’incitation à respecter les protocoles, à s’emparer d’outils. 

Mais parallèlement, les directions des SAMU, qui sont sous l’autorité de l’hôpital, ne semblent pas toujours transparentes *sur leurs modes de gouvernance. On fait et on travaille comme on a toujours travaillé, sans ouverture réelle à d’autres univers ou peut-être un manque de temps. Dans des centres d’appels de télévente, dans ceux des fournisseurs d’énergie, où les enjeux sont moindres on utilise des outils de QM, dopés à l’IA avec un réel bénéfice, depuis deux ans. Pourquoi ne le fait-on pas dans un métier où l’issue d’une conversation peut être vitale ? "

Eviter une prochaine Naomi Musenga

Enregistrer et analyser toutes les conversations reçues dans un call-center, être alerté en cas de risque, de protocole, ne coûte que 3 centimes d’euros par minute, chez un éditeur français sérieux. Il faut espérer que l’affaire Naomi Musenga va inciter à des changements de pratique 

Le SAMU 67 reçoit en moyenne 410 000 appels par an dont 221 390 donnent lieu à l'ouverture d'un dossier. Avec une moyenne de 3 minutes de temps utile de conversation, la surveillance systématique de TOUS les appels couterait donc 19800 euros par an, le coût fixe d'installation se chiffrant à 5ke avec le paramétrage du logiciel. Les trois qui existent et sont fonctionnels sont français. Aucune donnée ne partirait chez les anglo-saxons. Sa mise en place, via une API, prend un mois, comme l'attestent les sociétés qui l'ont déjà installé en France.  

Le 16 Juillet, les SAMU organisent une journée nationale, à Toulon, qu'a évoquée récemment le Dr Agnès Ricard Hibon, responsable elle-même du SAMU 95. Voilà peut-être une suggestion à mettre à l'ordre du jour ?  

C'est à savoir : François Braun, ex-Ministre de la Santé, a été président du syndicat Samu de France. Il a repris son poste au Samu de Metz-Thionville, comme conseiller auprès de la direction de l'hôpital. 

C'est le magazine local, indépendant, Heb'di, qui a permis la médiatisation de l'affaire, en diffusant l'enregistrement en mai 2018, l'enregistrement de l'un des appels passés par Naomi Musenga. 

Il existe des directions de la qualité des soins et de l'expérience patients dans de nombreux hôpitaux en France, comme l'expliquait sa directrice à Nantes, Anne-Sophie de Lima Lopes. 

Nous avons étudié* une trentaine de cas où des SAMU de diverses villes en France  ont été mis en cause, depuis quinze ans, à cause d’une mauvaise gestion de l’appel supposée. Les plaignants et leurs avocats n’ont pas toujours pu accéder à la conversation, si un Juge d’instruction ne l’a pas requis. Les victimes qui ont intenté des actions en justice ont gagné leur procès dans peu de cas, et ont été indemnisées encore plus rarement.

Une enquête à lire dans le numéro 133 d'En-Contact. 

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