En prison
Edito N°115//
Les 620 pages du 1er roman de Pauline Clavière, Laissez-nous la nuit, chez Grasset, constituent un document choc sur un lieu demeuré un angle mort de nos sociétés : la prison. Max Nedelec, ex-imprimeur, va y séjourner parce qu’il a été un piètre gestionnaire de son entreprise, parce qu’il a manqué de rigueur. Ce qu’il va voir, entendre, découvrir et subir dans les douches et la cour centrale, tout en fréquentant Gino, le Serbe ou Tortilla et le massif Marcos Ferreira suggèrent que l’humanité peut perdurer et continuer de couler, tel un petit ruisseau, dans des endroits cachés et pourtant si proches de nous. « Le roman, écrivait Stendhal, est un miroir que l’on promène le long d’un chemin ». Sans aucun doute, Pauline Clavière est romancière. C’est également avant le séjour de deux ans qu’il doit effectuer en prison, à Mons, que Verlaine écrira et décrira, dans Sagesse, la beauté du ciel qu’on redécouvre, le doux tintement de la cloche.
Le Ciel est par-dessus le toit, si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit, berce sa palme.
Le poète amateur d’absinthe, malgré ce séjour, n’évitera pas d’autres errements ensuite. Mais il avait tout vu et compris : quelques-uns de ses autres vers m’ont trituré l’esprit ces derniers jours, comme si la poésie pouvait être annonciatrice.
Votre âme est un paysage choisi,
que vont charmant masques et bergamasques.
Bergame, les masques, l’enfermement, on n’a parlé que de ça ces derniers temps.
L’expérience client, patient, visiteur, le service client, ces sujets auxquels nous consacrons ce magazine depuis vingt ans et la vision que nous en avons se sont probablement transformés pour longtemps, grâce à ces semaines que nous avons traversées. Presque comme en prison. On ne pouvait donc pas mettre autre chose en couverture que le ciel et un bateau, entre Amsterdam et Zaanse Schans, © Edouard Jacquinet.
Par Manuel Jacquinet
*Bergamasque : chanson à danser de rythme binaire, originaire de la province de Bergame, en Italie.
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