En magasins, l’atmosphère influence l’achat et la satisfaction
Depuis 1973, des chercheurs tentent d’évaluer l’impact des émotions sur l’acte d’achat. La modélisation de l'expérience client, visiteurs, ne peut et doit pas occulter l'importance des émotions.
C'est le point de départ et tout l'intérêt de Retail Emotions, Retail in motion, l’ouvrage* de Dune et Alexis de Prévoisin, un must read pour qui s’intéresse à ce qui impacte l’expérience clients. Une jeune femme de la Gen Z y confronte ses points de vue sur la question avec ceux de son père, vrai baroudeur du Retail. Quelques chercheurs et les résultats de leurs travaux illustrent et parsèment le livre.
“Calculer les émotions” - ce que dit la littérature scientifique sur le sujet ( extraits du livre)
Dès 1973, l’atmosphère d’un magasin était définie comme « l’effort engagé pour concevoir des environnements d’achat destinés à produire chez l’acheteur des effets émotionnels spécifiques qui augmentent alors sa probabilité d’achat. » L’atmosphère jouerait donc un rôle déterminant dans la satisfaction du client et l’acte d’achat : une constatation en forme de lapalissade mais dont la littérature scientifique n’a pas fini de percer les secrets. “A propos de la distinction entre densité et encombrement” (1972), “L’influence de la musique et de la sociabilité sur le stress perçu dans une situation d’attente” (1992), “L’influence du parfum d’ambiance sur la perception du client, ses émotions et son comportement”, “L’influence de l’atmosphère sur le comportement d’achat” (2012), “L'influence des émotions sur les évaluations cognitives et la satisfaction des clients dans un contexte de défaillance et de reprise de service” (2008), “L’influence des caractéristiques des magasins et des expériences émotionnelles en magasin sur l’état d’esprit du magasin” (1998), “La couleur de l’environnement, les sentiments du consommateur la probabilité d’achat” (1992), “l’impact bi-dimensionnel de la couleur sur l’achat” 1993), “L’impact quadri-dimensionnel de la couleur les émotions de l’acheteur” (2004), ces quelques titres sélectionnés parmi des dizaines d’autres aussi éloquents suffisent à montrer les difficultés à cerner les mécanismes complexes et nombreux à l’oeuvre en magasin.
Cependant deux chercheuses françaises, Marie-Christine Lichtlé et Véronique Plichon, dans un papier (“Les émotions ressenties dans un point de vente : Proposition d’une échelle de mesure”) résument ainsi, en 2014, les limites d’un bon nombre de ces études : « les états affectifs ressentis en magasin sont nombreux, hétérogènes et spécifiques. Pour les mesurer, la majorité des chercheurs utilise les instruments de mesure des psychologues anglo-saxons. Or ces mesures comportent de nombreuses limites et sont peu adaptées au contexte de la distribution. » Des échelles de mesure très utilisées comme celle de Plutchik, d’Izard sont dotées de nombreux items peu pertinents car peu présents dans le retail - culpabilité, honte, peur dégoût, tristesse - ou l’échelle PAD (Pleasure, Arousal, Dominance) de Mehrabian et Russell ne sont pas les plus adaptées dans un contexte de distribution. L’échelle PAD par exemple ne permet pas de connaître la nature exacte des émotions, de comprendre au mieux le client, en plus de comporter des problèmes statistiques. Elles ont donc établi une échelle de mesure plus précise qui s’appuie sur six dimensions principales de l’émotion éprouvée par le client en magasin : la plénitude, l’évasion, la nervosité, la détente, le plaisir et la liberté. Ces mesures permettent de rendre compte de l’importance croissante de la mise en scène dans le commerce physique et du marketing expérientiel et de la nécessité de critères pertinents et objectifs pour rendre la plus optimale possible l’expérience client. L’étude estime ainsi que « plus de 40% de la satisfaction est expliquée par les émotions ressenties » et révèle que : « au-delà du plaisir d’être dans un magasin, le client recherche un mélange de calme et de bien-être ; la dimension “plénitude” est une mesure de cet état. Le client entre dans ce monde imaginaire, il l’accepte et s’y sent bien. L’oppression, quant à elle, souligne l’échec dans l’impression de liberté et dans l’appropriation de l’espace du magasin, qui empêche la libre interaction avec les produits ou un autre individu. Enfin, autre originalité de cet instrument, l’activation se décline autour de deux dimensions : la détente et la nervosité. » Prendre en compte des émotions ambivalentes et qui coexistent ainsi que l’imagination, multiple, de clients différents est ainsi une chimie subtile dont les étapes se résument ainsi : « le chaland a recours à son imagination pour fabriquer un scénario de fréquentation du point de vente (fantasies). Lors de son expérience de magasinage, il ressent des réactions affectives fortes (feelings). Enfin, il retire de cette expérience du plaisir (fun) qui justifie a posteriori son choix d’avoir adopté ce comportement et le pousse à le renouveler (création d’une fidélité). » Une analyse fine des émotions, d’intensité variable, extrêmement variées, propres à un contexte précis, et exprimées avec un vocabulaire spécifique, devrait ainsi permettre aux marques de concevoir un script où le shopping devienne une véritable expérience émotionnelle.
“Les mythes doivent se transmettre indirectement et de façon toujours cohérente, dans les produits, les magasins et le marketing. Les marques de luxe y arrivent souvent en instillant un degré de mystère ou en jetant une passerelle avec l’art pour communiquer des mythes de manière solennelle. Chanel préserve activement les mythes associés à sa créatrice, Coco Chanel, et ces mythes continuent de nourrir la marque jusqu’à aujourd’hui.”
Photo de une : Galeries Lafayette Gourmet - crédit © En-Contact (José Langlois)