Douze ans de faux avis clients, soi-disant vérifiés. Rewind by En-Contact

La gestion des avis clients, un sujet plus stratégique que jamais pour les entreprises. Difficile de faire preuve de crédibilité en dessous d’une note de 4/5 sur les plateformes dédiées, à commencer par GoogleMyBusiness. Faux avis clients ou tout simplement diffamatoires, sous couverts d’anonymats, gestion discutables via la suppression des avis négatifs, ou la mise en avant d’avis positifs, c’est une jungle où il est difficile de trancher dans le vif.
Le problème consistant à vider la mer avec une cuillère : une microhistoire
A la lisière du judiciaire et du canular, 2013 voyait la bataille contre les faux avis clients débuter de manière singulière. Le procureur général de New York, Eric Schneidermann, avait ainsi ouvert un faux magasin de yaourts pendant un an à Brooklyn afin de piéger des entreprises pourvoyeuses en faux avis clients. Au terme d’un accord avec 19 entreprises donneuses d’ordre, et des entreprises commercialisant ces avis clients, piégées grâce à ce subterfuge, celles-ci avaient été condamnées à une amende qui s’élevait au total à 350 000 $.

Quelques canulars :
En 2015, le journal italien « Italia A Tavola » créait un profil pour La Scaletta, un restaurant imaginaire sur TripAdvisor. Sis dans le petit village de Moniga del Garda (2544 âmes), deux mois ont suffi pour atteindre la première place parmi les restaurants de la localité, la ravissant à un autre qui bénéficiait de quelques 300 commentaires.
En 2017, rebelote à une toute autre échelle, puisque c’est à Londres qu’Oobah Butler réitérait l’expérience. Le « Shed at Dulwich » a réalisé son bond de 18148ème place à la première en l’espace de six mois et répétait l’exploit après six mois. Un bond de 18148 places tout de même. Les photos de plats de styles gastronomiques mises en lignes sont composées à partir de produits ménagers toxiques du plus bel effet. Sans jamais avoir servi le moindre plat, les offres de collaboration affluent.
En 2022, c’est la télé suisse qui remet le couvert, en propulsant un faux restaurant dans le top 10 des meilleurs restaurants de la ville de Lausanne sur TripAdvisor. Innovation: l’émission de télévision ajoute à l’expérience la force de frappe des influenceurs dernière génération.
Rappelons aussi les bad buzz occasionnés par le soupçon de faux avis clients via AlloCiné. Ce fut le cas à la sortie des Nouvelles Aventures d’Aladin en 2015 avec Kev Adams. La controverse, relayée par tous les grands journaux, n’avait pas débouché sur des vérifications sur le bien-fondé ou non de ces suspicions.
Petites entreprises et professions libérales en tout genre se sont longtemps senties démunies devant l’omnipotence des plateformes, qui rechignaient à s’atteler à la tâche de la modération du contenu trompeur à but commercial. Bon an mal an, ils s’y mettent. Voici quelques épisodes judiciaires notables qui ont émaillé la dernière décennie.
Procédures judiciaires et condamnations
Les faux avis positifs comme négatifs tombent sous le coup de la loi, telle que définie par les directives européennes ou le Code la consommation, et sont passibles de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Depuis le décret du 20 octobre 2021, il n’est possible de solliciter les données d’identification d’une personne ayant publié sur internet que si les faits sont qualifiés pénalement.
2014
Condamnation de TripAdvisor par la justice italienne. Celle-ci avait été saisie par plusieurs association de consommateurs se plaignant du manque de transparence quant à l’authenticité des comptes fournissant les avis clients.
Condamnation par le Tribunal de Grande Instance de Paris d’un site d’avis à 7000 euros d’amende et son directeur à 3000 euros d’amende pour la rédaction et la publication de faux, rédigés en partie par une société basée à Madagascar.

2015
Condamnation d’un internaute, répondant au pseudonyme « le clarificateur », à 2500 euros et 5000 euros de frais de justice. Il avait commis un commentaire diffamatoire à l’endroit d’un restaurant du groupe Bernard-Loiseau : « Restaurant très surfait, tout en apparat, très peu de choses dans l’assiette, l’assiette la mieux garnie est celle de l’addition. » Problème, le commentaire avait été publié cinq jours avant que le restaurant n’ouvre ses portes, avant d’être supprimé, puis republié. C’est ce premier commentaire qui a permis de qualifier la diffamation.
2016
En Angleterre, une entreprise de marketing, TotalSEO, s’engage à retirer les 800 faux avis clients positifs rédigés et postés entre 2014 et 2015 pour 86 petites entreprises après une enquête de la CMA (The Competition and Markets Authority, l’agence de régulation de la concurrence au Royaume-Uni).
2018
Condamnation à neuf mois de prison en ferme et 8000 euros de dommages et intérêts en Italie pour le propriétaire de PromoSalento, une entreprise qui proposait aux professionnels de l’hôtellerie de faux avis sur la plateforme contre rémunération, a été condamné à neuf mois de prison ferme et 8000 euros de dommages et intérêts. Une première. C’est TripAdvisor qui cette fois avait été à l’origine de l’enquête.
2019
Un médecin psychiatre perd son procès contre Google devant le tribunal de Metz, qui a jugé les commentaires incriminés comme étant dans « les limites admissibles de la liberté d’expression ». Débouté de toutes demandes, il a été condamné à verser 2000 € à Google.
2021
Trustpilot est condamné en janvier 2021 par le Tribunal de Commerce de Paris à retirer la page d’avis de la société Dotnet et à 5000 € de dommages et intérêts pour non-respect de la réglementation imposant à indiquer à proximité de chaque avis la date où il a été posté.
Un habitant de Ghyvelde est condamné par le tribunal de Dunkerque à douze mois de prison avec sursis et 6000 euros d’amende pour avoir rédigé des faux avis pour le compte de 160 clients (6 avis étaient facturés 80 €) entre novembre 2017 et 2018. 173 transactions ont généré 80 000 € d’après l’URSSAF, à qui le condamné doit payer 42 000 €.

2022
Amazon multiplie les actions en justice à travers le monde. En février, aux Etats-Unis, il intente un procès à AppSally et Rebatest pour commerce de faux avis clients. En Angleterre, La Haute Cour de justice émet, pour ce qui serait la première fois, trois injonctions contre trois entreprises de faux avis client leur interdisant de faire le commerce d’avis clients au Royaume-Uni. Ces trois entreprises, basées à Malte et Majorque et qui répondent au nom d’AZMTigers et de Testerjob, sont liées à un entrepreneur allemand. Début mars, l’entreprise annonçait avoir intenté six procès contre des entreprises spécialisées. En juillet, il intente un procès contre les administrateurs de plus de 10 000 groupes Facebook. L’entreprise emploie plus de 12 000 collaborateurs à travers le monde pour faire la chasse aux faux avis clients.
En juin, le tribunal judiciaire de Paris a condamné l’auteur de faux avis négatifs à 3000 € de dommages et intérêts et 4000 € de frais de justice à la titulaire d’un compte GoogleMyBusiness. Le décret sur la conservation des données entré en vigueur en 2021, ne pourrait pas permettre aujourd’hui d’identifier l’auteur du délit.
En juillet 2022, Google Ireland est condamné en référé par la cour d’appel de Dijon à lever l’anonymat de deux internautes accusés d’avoir rédigés de faux avis, en 2018 et en 2020, concernant une maison d’hôtes, ains qu’à payer les frais de justice et 2000 euros de dédommagement à la maison d’hôte. Pas de suppression des messages demandées avant le procès portant sur le fond. Ce jugement vient infirmer un jugement en première instance. Les internautes n’étaient pas clients de la maison d’hôtes. Une victoire significative qui n’a pas fait si grand bruit.
Un notaire fait condamner l’un de ses clients qui avait posté un avis jugé diffamatoire sous son nom en novembre 2020: l’inculpé en est quitte pour 500 € d’amende avec sursis, 1000€ de dommages et intérêts et 800 euros de frais de justice.