Bontaz va créer 400 emplois … au Maroc et pas à Marnaz. Mais que fait Montebourg ?
A 73 ans, quand on part au Maroc, c’est en général pour jouer au golf à Marrakech ou pour profiter d’une retraite bien méritée. Pour Yves Bontaz, la règle ne vaut pas : c’est une nouvelle usine d’équipement automobile que ce serial entrepreneur à décider d’installer, en zone franche, au Maroc, et non pas à Marnaz dans cette vallée du décolletage qui en aurait pourtant bien besoin. Et, à l’écouter, celui qui l’a mis dans l’avion … c’est Jean-Marc Ayrault et le train de mesures économiques complétement incohérent pris par son gouvernement. Et lorsqu’il nous confie le sentiment d’une absence de reconnaissance en France pour les entrepreneurs, il y a dans son propos autant de tristesse que d’agacement. Très vite, on saisit que la démarche de ce Savoyard attaché à son terroir et à son métier n’est pas seulement financière : il y a dans sa décision une volonté d’exprimer un véritable ras-le-bol.
MJ : Quel est ce fameux projet qui justifie la création d’une nouvelle usine et pourquoi l’installer au Maroc ?
Nous venons de signer un marché important pour fabriquer notamment des pompes à refroidissement destinées au marché américain, un marché d’environ 40 millions d’euros. Cela va nécessiter la création d’une nouvelle usine d’environ 30 000 m² et 400 nouveaux postes. Je craignais déjà avant les élections que la prise en compte des réalités économiques et des besoins des entrepreneurs ne soit pas effective mais là ça dépasse tout : le gouvernement ne fait que démolir les mesures économiques prises par Sarkozy. Elles n’étaient déjà pas suffisantes, mais là : avec l’ISF, la suppression des heures supplémentaires, la non mise en place de la TVA sociale… Ce projet n’a plus aucune raison ni viabilité à être fait en France. Si je fais ça, je vais carrément déposer le bilan dans cinq ans. Et donc, j’installe cette usine au Maroc.
MJ : Il y a donc encore des entrepreneurs français qui décrochent des marchés dans le secteur automobile ?
Oui, on a un bureau d’études avec trente ingénieurs. J’ai 73 ans, mais je continue de créer des entreprises et nos équipes de trouver des solutions… qui permettent de décrocher des contrats.
MJ : Très franchement, qu’est-ce qui vous incite à délocaliser ?
En fait, je ne délocalise pas : je continue de créer dans mes autres activités environ 15 emplois par an, mais pour ce nouveau projet, ce sera ailleurs. Les pompes à refroidissement d’huiles de moteur que je pensais pouvoir produire en France et dont je m’apprête finalement à installer la production au Maroc participent en plus d’une technologie innovante qui permet de réduire les émissions de CO2. Et pour être tout à fait franc là-bas, ils font des efforts pour nous accueillir : pas d’impôt sur les sociétés pendant cinq ans, puisqu’on s’installe dans une zone franche.
MJ : Que vous dit le maire de Marnaz et que vous dit le gouvernement ?
Le maire de Marnaz est déjà content que je continue de créer dix emplois par an et que j’aie encore 350 salariés en France sur les 1800 du groupe. J’avais hier 7 ou 8 équipes de télévisions devant mes bureaux à Marnaz – dont une équipe anglaise – mais je n’ai pour l’instant pas reçu le moindre appel du gouvernement. On m’a dit que M. Ayrault chercherait à me joindre… mais pour l’instant il ne m’a pas appelé.
MJ : Mais demain, si les équipes du Ministre du Redressement productif vous appellent, que doivent-elles vous dire pour vous convaincre de rester en France ?
Je suis effaré : Arnaud Montebourg semble avoir subitement appris l’existence de l’économie de marché après la victoire des socialistes et, plus largement, les gens ne comprennent rien à des choses très simples en économie. Personne ne s’y intéresse. Mon entreprise emploie 1800 personnes dont seulement 350 en France. Avant les élections, l’hypothèse de relocaliser un certain nombre d’emplois était l’étude, notamment si les charges patronales étaient baissées. Aujourd’hui l’affaire est perdue. Je vous promets un ouragan de départs si les mesures fiscales annoncées par François Hollande sont effectivement mises en place.
Une interview exclusive réalisée le 05/09/2012
Centres d’appels téléphoniques, équipementiers automobiles… pendant qu’ils s’en vont au Maghreb, à Bercy … on crée des commissions de réflexions. Il y a vingt ans, au moins, la gauche c’était Georges Marchais qui réagissait : « Chérie, fais les valises, on rentre à Paris ! »
Propos recueillis par Manuel Jacquinet et Pierre Farcot