A Madagascar, les invisibles rouages de l'intelligence artificielle
Alors que l'intelligence artificielle semble de plus en plus autonome, une étude récente révèle le rôle crucial des "petites mains" humaines dans son développement. Les sociologues Maxime Cornet et Clément Le Ludec, qui travaillent à l'institut Mines Télécom ont mené une enquête approfondie sur ce phénomène, mettant en lumière les coulisses méconnues de l'IA. Une étude instructive bien que les sources de celle-ci soient restreintes. DLP et BPO sont au coeur de ces travaux.
Un travail humain essentiel
Contrairement aux idées reçues, les systèmes d'IA nécessitent une importante intervention humaine pour leur entraînement. Ces tâches comprennent la génération de données, la vérification des prédictions et surtout l'annotation de textes et d'images. Même les IA génératives comme ChatGPT ont requis un travail humain considérable pour définir ce qui constitue une réponse acceptable.
Face à la difficulté de trouver du personnel en France pour ces tâches répétitives, de nombreuses entreprises externalisent ce travail, notamment à Madagascar. Ce pays francophone, avec ses bas salaires et son secteur d'externalisation déjà développé, est devenu une destination privilégiée pour ces activités.
Conditions de travail variables
Les conditions de travail des annotateurs malgaches varient considérablement. Certains travaillent dans le secteur informel, d'autres dans des entreprises déclarées. Les salaires restent bas, entre 90 et 120 euros par mois, avec des contrats souvent précaires.
Malgré le développement de ce secteur à Madagascar, le pays en tire peu de bénéfices économiques. Les travailleurs, souvent diplômés mais sans autres perspectives, se trouvent dans des "trajectoires empêchées", incapables de progresser professionnellement malgré leurs compétences acquises.
Les entreprises qui externalisent ces tâches reconnaissent l'importance de ce travail pour la qualité finale de leurs produits d'IA. Cependant, elles restent ambivalentes, considérant ces tâches comme un travail de stagiaire tout en exigeant une grande qualité d’exécution.
Les limites de l'étude ?
Cette synthèse rapide de l'étude mérite cependant une mise en perspective. Elle a été menée exclusivement à distance, sans que les deux chercheurs aient visité les centres et prestataires de BPO et de DLP (digital labor platforms) évoqués, dont datamada, le seul cité. Les éléments sur les conditions salariales, de travail et les prestataires sont donc des éléments non confrontés au réel, vérifiés sur site.
Par ailleurs, un seul prestataire de BPO a accepté d'être mentionné. Ceux qui connaissent l'industrie du BPO et de la modération savent que les conditions de travail, de rémunération des agents dédiés peuvent varier grandement, d'un prestataire à l'autre.
Photo de une : chez SCEMI, une entreprise malgache, qui a été rachetée depuis par Outsourcia.