Le magazine indépendant et international du BPO, du CRM et de l'expérience client.

« Si Foundever était un animal, ce serait un Patou des Pyrénées, loyal, fiable, endurant. »

Publié le 04 mai 2023 à 08:19 par Magazine En-Contact
« Si Foundever était un animal, ce serait un Patou des Pyrénées, loyal, fiable, endurant. »

Les achats menés par ses concurrents (Teleperformance, Concentrix, Majorel, Webhelp) dans le BPO, l’expérience en salles de cinéma, la Chine et l’impact de ChatGPT sur l’automatisation de l’expérience, il a bien voulu répondre à tout. Interview exclusive de Laurent Uberti, Président Directeur Général et co-fondateur de Foundever. Même basé à Miami, le Béarnais a conservé son franc-parler, tant mieux.

 

“ En matière de service et d’expérience, seuls les humains sont pour l’instant capables de créer des relations durables ”

L’un de vos grands concurrents, français, Webhelp, prévoit de fusionner avec Concentrix et devait prendre la place de numéro 1 mondial… Vous-même avec changé de nom : Sitel est devenu Foundever. Dans le même temps, Chat GPT effraye, suscite l’intérêt et devrait, si l’on écoute quelques experts, supprimer quantité d’emplois. Que vous inspirent ces achats, mutations ? Et quelle est en vrai la nouvelle frontière de l’expérience client, celle qu’il faut craquer ?

Laurent Uberti :  Le marché se consolide et se clarifie. Concentrix rachète intégralement Webhelp et TP acquiert Majorel. Ce n’est pas une surprise car les clients ont besoin d’avoir des acteurs globaux présents sur tous les continents et pouvant traiter toutes les langues. Concentrix était un acteur plutôt américain et sans débouché sur l’Europe et l’Afrique. Teleperformance ne pouvait pas supporter d’être le numéro 2. Depuis quelques années Webhelp et Majorel, avec certaines différences, étaient dans une sorte d’impasse en tant qu’acteurs régionaux et sans accès au marché US très spécifique et exigeant. Les choses sont donc plus claires. Mais c’est un évènement de voir “ disparaitre ” deux marques emblématiques du secteur le même mois !

Laurent Uberti

Sitel est devenu Foundever pour symboliser notre projet de transformation et l’identité de notre stratégie pour les cinq années à venir. Ce n’est pas juste une nouvelle marque (même si SITEL sonnait un peu trop années 80 avec le « site » et le « tel ») qui englobe toutes nos expertises mais une refonte de notre suite de produits et services et de notre approche du marché pour répondre toujours plus aux besoins de nos clients. Les maitres mots sont simplification, innovation et capacité à apporter une vraie valeur sur une large échelle. Nous avons bien sûr connu beaucoup d’évolutions depuis la société française de 200M€ et le groupe mondial actuel, qui réalise 4 milliards. Aujourd’hui, présent dans 45 pays avec nos 170 000 collaborateurs qui supportent une soixantaine de langues, Foundever est capable de servir des clients dans tous les secteurs et sur l’ensemble des marchés en garantissant des standards mondiaux mais en s’adaptant aux différences culturelles, économiques ou légales de chacun des pays.

Vous évoquez ChatGPT. Nous nous considérons comme un intégrateur de solutions. Nous faisons partie des sociétés qui sont capables de bâtir un vrai modèle hybride entre l’humain et la machine pour délivrer une vraie expérience basée sur l’Intelligence artificielle. Il faut avoir accès à beaucoup de données, quotidiennement mises à jour, maitriser les outils et les fonction CRM et des collaborateurs capables de former et de superviser la machine. Les médias s’emballent vite (on l’a vu avec le Metaverse) mais il existe un vrai fossé, à combler, entre contextualiser une question puis répondre en langage naturel et la capacité à délivrer une réponse précise et actualisée, voire prendre une ou plusieurs décisions pour le compte d‘un client. L’IA augmente les capacités quantitatives et qualitatives de nos agents et réalise une partie des tâches qu’il faut contrôler et valider avant le Go Live.

Beaucoup de tâches ont déjà été automatisées et chacun de nous utilise des applications pour les problèmes basiques. Mais la capacité à décider en coordonnant les outils, le besoin de lien et d’empathie entre les marques et les clients, le développement d’une relation durable, seuls les humains sont capables de le faire aujourd’hui. Évidemment, le modèle va évoluer mais au final c’est plutôt une opportunité pour notre métier qui permet d’évacuer les tâches répétitives et sans réelle valeur ajoutée. Après, attention, quantité de sujets restent encore en suspens concernant la sécurité, la privatisation et l’accès aux données, le modèle économique et énergétique, sans parler des conséquences socio-économiques sur l’ensemble des pays et de leurs populations.

Dans le métier du BPO, une fois qu’on est présent dans tous les pays, qu’on « aligne » des armées de fantassins du numérique, riches de centaines de milliers d’agents, qu’on a sa division CX, son équipe en capacité d’intégrer les innovations technologiques, d’où peut venir la différence ? Donnez-moi un exemple, lié à la culture du groupe qui vous aurait permis de gagner un client, de le conserver grâce à ses différences ?

Sitel Managua © Edouard Jacquinet

Laurent Uberti : En matière de culture, deux éléments complémentaires font une vraie différence : d’abord l’alignement des valeurs entre Foundever et ses clients, et ensuite la proposition de valeur partagée avec les collaborateurs travaillant sur la mission. Foundever est reconnue pour l’importance accordée aux collaborateurs dans le développement de l’entreprise et aux politiques de recrutement. Nous avons mis au cœur de nos priorités l’expérience collaborateur, à travers un programme mondial : MAX (My Associate Experience). Avec ce dernier,  nous avons choisi de mettre l’humain au centre de tout, de  nous appuyer sur les talents internes et de les intégrer à l’histoire de l’entreprise. L’objectif étant de générer une expérience collaborateur cohérente, engageante et précieuse dans la culture, la technologie et l’environnement de travail du groupe. 

Pour illustrer notre politique active en matière de sourcing, nous avons ouvert pour un client Top Fortune 500 BFSI trois Prosperity Hub dans des bassins d’emplois difficiles et relancé un grand plan d’embauches auprès de de populations défavorisées. Nous prévoyons d’en ouvrir encore de nouveaux dans les trois prochaines années. Autre exemple, celui-ci avec un client majeur de la Tech : nous avons créé et industrialisé un véritable parcours pédagogique qui permet à nos collaborateurs d’évoluer sur des postes de niveaux différents avant d’être embauchés en tant que commercial avant-vente par notre client. Ces deux exemples montrent combien la réalisation de projets communs autour de valeurs partagées peut faire la différence.  

La Chine agite les esprits, vous y êtes en partie installés, notamment grâce à votre actionnaire, je crois, Creadev ? Y voyez-vous un relais de croissance, un endroit où produire du service, un observatoire pour comprendre et servir l’Asie ?

LU : Nous sommes présents en Chine depuis plusieurs années mais c’est surtout avec l’acquisition de Sykes en 2021 que nous avons acquis notre taille actuelle. Nous servons une vingtaine de clients avec quelques 2000 collaborateurs, dont principalement des marques occidentales auprès des consommateurs chinois. Depuis la Covid, le contexte est bien évidemment un peu plus compliqué et beaucoup de marques restent prudentes. C’est pour nous un laboratoire en particulier sur le digital où l’adoption des outils et des solutions est plus rapide et souvent plus mature que chez les consommateurs occidentaux.

Le cinéma donne à voir désormais des scènes, des films qui se passent dans les centres d’appels, tel About Kim Sohee, que j’ai trouvé extraordinaire et instructif. Avez-vous encore le temps d’aller voir des films, avez-vous vu celui-ci ? Qu’est-ce qui rend, peut rendre l’expérience en salles unique puisque cette industrie, comme d’autre,  réfléchit à créer des expériences distinctives ?

LU : Non, je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de le voir. Je dois avouer que je vais beaucoup moins au cinéma ces dernières années. Et je trouve souvent que les films manquent de scénarios solides. Les effets spéciaux, c’est sympa mais cela ne remplace pas une vraie histoire bien construite. Les cinémas ne peuvent plus s’appuyer seulement sur l’exclusivité des films avec la nouvelle chronologie des médias et les films qui arrivent plus rapidement sur d’autres canaux. Et certaines plateformes diffusent même des films en exclusivité qui ne passent plus par les cinémas. Ce qui peut rendre l’expérience attirante pour les spectateurs, outre une offre de films intéressante, serait la mise en place de nouveaux services inaccessibles à la maison avec des innovations technologiques qui augmentent la qualité et la nature de l’expérience (taille des écrans, immersivité, son). Les cinémas pourraient aussi, ce que certains ont déjà commencé à faire, améliorer les services en permettant la réservation de places numérotées ou l’amélioration du confort des sièges (plus spacieux et modulables).

Dans un de vos programmes, très intéressants, qui s’appelle le Success Report (Program) et qui vous permet de remonter à une marque un regard extérieur et opéré à 360 degrés sur l’expérience client qu’elle produit, vous demandez à des agents qui travaillent pour cette marque de dresser un portrait métaphorique de cette dernière. On va jouer au même petit jeu : si Foundever était un animal, ce serait…     

Si Foundever était un animal : je proposerais un chien et, de par mes racines, un Patou des Pyrénées. Loyal et fiable, endurant et adapté à des environnements changeants et difficiles comme la montagne, et pour un animal un vrai sentiment d’humanité. Si nos processus étaient un livre : De la terre à la lune de Jules Verne. Comme les scientifiques du roman, nous mettons tout en place pour permettre d’aller loin. Enfin, si nos outils étaient un lieu : la cuisine. Là où tout s’assemble et où nous préparons notre « secret sauce ! ».

Propos exclusifs recueillis par Manuel Jacquinet

A lire aussi

Profitez d'un accès illimité au magazine En-contact pour moins de 3 € par semaine.
Abonnez-vous maintenant
×