Télémarketing, service client, accueil téléphonique : qui sont les Huawei et Xiaomi du secteur ? Partie #2
Classement exclusif des prestataires français en centres d’appels.
Ils s’appellent ADM Value, Agaphone, Myopla, Europhone ou MCC etc… qui sont ces spécialistes un peu fous qui désirent jouer en division 1 de la relation client, désireux de réécrire l’histoire d’un nouveau Teleperformance, Webhelp, de tenter au moins ? Qui les entraine, les équipe, quelle stratégie de croissance semble la plus judicieuse lorsqu’on veut convaincre un
C Discount ou Iliad-Free, Total Spring de vous confier ses campagnes de réabonnement ou de conversion des paniers abandonnés ?
Qui équipe, comment se financent, quels équipements vont acheter ou recherchent ces Huawei et Crosscall du télémarketing et du service client ?
Qui parmi ADM Value, Mezzo, Myopla, Pro Direct Expérience, Vipp Interstis… intégrera la division 1 ou en a l’envie et les moyens ?
Une analyse de la rédaction d’En-Contact et le point de vue d’experts et de donneurs d’ordre.
Quelques questions stratégiques (et les réponses)
Y a-t-il encore une place pour des acteurs de mid market, des artisans ?
OUI si vous êtes sioux.
Pour espérer jouer dans la même division que le PSG, mieux vaut désormais disposer de sites de production principalement en offshore ou near-shore (tels ADM Value ou Vipp Intertis, Euro CRM), être soutenu par un fonds d’investissement ou la Bourse (Approche sur Mesure, Tessi, Pro Direct Expérience) et/ou être très spécialisé (Approche sur Mesure, Europhone, IVOO…). Tous les prestataires évoqués ci-dessus ont connu des croissances supérieures à 10% ou quasi sur les deux dernières années et retirent le fruit de stratégies de spécialisation souvent audacieuses, incarnées et exécutées. Approche sur Mesure ne s’intéresse qu’aux marques de luxe, les accompagne dans différents pays ; ADM Value a cru très tôt à la destination Madagascar et à la télévente tout comme Vipp Interstis (installé au Cameroun et au Bénin). Ivoo, quant à lui, commercialise par téléphone les produits confectionnés dans des centres pénitentiaires ou CAT, avec quelques autres know-how (que nous nous sommes engagés à ne pas divulguer).
Y a-t-il un marché significatif et rentable par sa taille, pour ces artisans ?
OUI, mais il n’est pas colossal.
Le marché français de l’outsourcing de relation client pèse environ 2,4 milliards d’euros en 2017 dont plus de 1,7 milliard d’euros sont réalisés par les 10 plus grands prestataires, quasiment tous membres du SP2C, le syndicat professionnel des prestataires de centres de contacts, désormais dirigé par Patrick Dubreil. Les acteurs de mid-market (qui réalisent de 2 à 40 ME environ) en réalisent le reste, c’est à dire environ 700 millions d’euros. Mais on compte encore plus de 60 acteurs dont le chiffre d’affaires dépasse les 2 ME. Si Approche sur Mesure, acteur spécialisé dans le secteur du luxe, affiche une croissance de 15 % chaque année depuis sa création pour avoisiner les 12 ME en 2018, d’autres acteurs, malgré tout leur professionnalisme, souffrent ou végètent comme en témoignent les difficultés récentes de IPG France (dirigée par Fabrice Pery-Kasza).
Le soutien de financiers belges, qui connaissent le métier (Koramic) ne semble pas suffire ou permettre de passer les périodes difficiles. Enfin, il est parallèlement délicat d’évoquer la rentabilité de ces acteurs, la quasi-totalité ne publiant pas leurs comptes et restant fort discrets sur le même sujet.
Des start-up existent-elles dans le secteur ?
NON, plutôt des PME.
(Dirigées par des patrons expérimentés, extrêmement réactifs et pragmatiques.)
L’argent ne coule pas à flot pour financer des entreprises de service telles que ces prestataires, et pour lesquelles les TRI (taux de retour sur investissement) ne font pas rêver les financiers. Ceux-ci soutiennent ou sont plutôt au capital des grands acteurs mondiaux ou européens du secteur ou des entreprises de technologie qui équipent les centres d’appels (iAdvize, Recast Ai, Nice, Vocalcom, etc.). ODiTY et Approche sur Mesure ont levé des fonds, tout comme Pro Direct Expérience, Tessi est une entreprise cotée en Bourse mais il s’agit bien d’exceptions et de levées de fonds ou d’apport en capital dont les montants ne se comparent pas aux sommes investies dans… la tech.
Qu’est ce qui réunit un Ahmed Belahsen (dirigeant et fondateur de MCC au Maroc, qui vient de conclure des contrats significatifs sur des marchés à la frontière du BPO), un Claude Briqué (ADM Value), un Charles-Emmanuel Berc (Vipp) ou l’équipe de management de Convers à Nice ? Leur goût avéré pour l’indépendance, leur vision et une « religion » : c’est l’Ebitda positif qui crée les conditions de l’indépendance et de la pérennité.
Un dernier constat semble évident : la majorité des dirigeants de ces structures ne sont pas de jeunes diplômés frais émoulus de l’école. La majeure partie affiche une quinzaine d’années de métier et d’expérience au compteur, en est parfois à sa troisième ou quatrième aventure professionnelle (création, acquisition de sociétés). L’équipe qui vient de reprendre Mezzo -et est en passe de réussir son pari- a du poil aux pattes, Benoit Vorilhon traine ses basques dans les centres d’appels depuis quelques années également et Ahmed Belahsen affiche, tout comme Gilles Guez ou Olivier Safin et Bertrand Aucagne (Satel) mais moins que ces derniers, quelques combats gagnés ou perdus sur le ring.
Qui les équipe ?
Vocalcom, inConcert, Manifone, Cross CRM, Diabolocom, Kiamo.
Sur la question de l’équipement en logiciels de télémarketing et gestion de campagnes, même si la suprématie de l’éditeur créé par Anthony Dinis est désormais moins évidente qu’elle ne l’a été, Vocalcom continue d’équiper en tout ou partie presque 55 % des prestataires de ce marché. Mais dans le peloton, des éditeurs tels que Nixxis, inConcert, ou dans une moindre mesure Diabolocom sont à l’affût et remportent des compétitions.
Les équipes en place de DSI ou de techniciens qui se sont formées sur les outils et Hermès (le logiciel de Vocalcom) ont appris à manier l’outil et son prédictif d’appels, ont développé des add-on et se sont ainsi construit leurs outils personnalisés, mais la place n’est plus inexpugnable. En témoignent les choix récents de inConcert par MCC Call Center ou de Nixxis par quelques autres prestataires.
La vraie révolution provient de l’opérateur Manifone que plus de la moitié des grands prestataires a adopté notamment pour sa gamme de services et d’outils innovants qui dopent la joignabilité et assurent la conformité avec les nouvelles législations.
Sur les questions clé de l’enregistrement des conversations à des fins de formation et de quality monitoring et des outils de planification, les suprématies semblent moins évidentes.
Quels sont les chantiers d’avenir, les incontournables ?
Sécurité des données et seniorisation des équipes
Gilles Guez (Pro Direct) les recense sans avoir trop besoin de réfléchir. « Se doter d’équipes de management capées et en capacité de discuter avec nos interlocuteurs de grands groupes, délivrer un service incontestable dans les délais et par sa qualité ; investir sur les certifications qui seront de plus en plus nécessaires pour gagner certains marchés ; la sécurité des données, les API à développer pour s’ouvrir à d’autres outils ou CRM clients font désormais partie de la palette des prestations à offrir.
Seule la croissance permettra de financer ces investissements RH et techno ou une agilité extrême : l’organigramme chez des acteurs tels qu’ADM Value, Vipp Interstis ou MCC Call Center se réduit à deux lignes. Le président encadre en direct les patrons de site et les fonctions opérationnelles clés : DSI, qualité. Pas trop besoin de directeur marketing : la qualité et le bouche à oreille font office de campagnes digitales et d’outils pour générer des leads. On travaille en appel entrants au service commercial…
Où sont les femmes ?
Presque partout à la direction des plateformes téléphoniques…
Patrick Juvet n’a pas encore remplacé en message d’attente Vivaldi sur les serveurs vocaux interactifs, mais ça ne saurait tarder. Sophie de Menthon a déserté les plateaux mais la religion du high-tech/high-touch (qui fût la devise de Sophie de Menthon), semble avoir inspiré quelques dirigeantes remarquables du secteur, discrètes ou pas.
Claire Fistarol dirige Tessi sans l’avoir créé, Anne Costa dirige Vivetic et désormais le pôle CRC de Pro Direct Expérience, en tant que dirigeante associée.
Anne Bendler (H2A), Pia Heitz Casanova (Euro CRM), Paola Fabiani (Wisecom), Marie-Eve Bensussan-Demauret et Véronique Darier (Mars Marketing) sont les représentantes les plus dynamiques et connues du secteur, si l’on met de côté Valentine Lambert, figure historique de l’accueil téléphonique (Agaphone).
Découvrez le TOP 50 des acteurs du mid-market.
Par Manuel Jacquinet