Plus de 30000 entrées en salles pour son 1er jour d’exploitation : Un autre monde a performé, notamment grâce à Linkedin et au choix audacieux de son distributeur Diaphana
On savait, on pressentait que la Covid 19 bouleverserait certaines pratiques et univers, le succès qui s'annonce de la sortie en salles du dernier film de Stéphane Brizé en donne un bon exemple : pour la 1ère fois à notre connaissance, un distributeur de films a choisi d’investir sur Linkedin pour toucher et sensibiliser une partie de son public captif. La campagne a été confiée et gérée par l’agence spécialiste en création d’audience digitale Les Années Folles, co-fondée par Clifford Mahu et a débuté en Janvier de cette année. « Il était naturel d’aller sur ce réseau car c’est là en partie que vivent et communiquent les cadres d’entreprise, dont le film parle et à qui il s’adresse en partie. Mais l’implication du réalisateur et du comédien ont joué beaucoup pour que le dispositif fonctionne » nous a confirmé le jeune dirigeant. “ C’est grâce à un appel entrant que tout a démarré, comme quoi il faut décrocher son téléphone. Nous n'avions jamais travaillé pour l'univers du cinéma, pour la distribution d'un film mais il faut un début à tout ! On nous a appelés et on fait des propositions, qui ont été retenues. Ce qui est très particulier dans la vie d'un film, contrairement à un lancement de produit, c'est que tout se fait en amont et cesse, à la sortie du film, contrairement aux secteurs pour lesquels nous travaillons d'habitude: fintech, banque, BtoB etc ”. La campagne et le travail réalisés par l'agence ne dépasseraient pas quelques dizaines de milliers d'euros pour 2 millions de vues en amont, 25 000 réactions et plus de 1500 publications et partages, d'après nos informations.
Mais c’est également parce que le film met en scène une ou des situations bien connues des cadres, parce qu’il va droit au but, que les salles ont probablement été remplies hier pour ce 3ème volet de la trilogie du réalisateur: couper sans arrêt dans les coûts, mener chaque année des plans de licenciement, devoir choisir entre sa carrière, la santé de son couple et ses convictions, tels sont les choix cornéliens sur lesquels le film s’arrête grâce à l’histoire d’un énième plan de licenciement que le héros du film, directeur fatigué d’un site industriel appartenant à un groupe américain, va avoir bien du mal à gérer. Doit-il trahir, mentir, rompre le pacte non écrit qu'il a écrit avec ses employés : il les défend tandis qu' eux s'investissent ?
Le cinéma peut-il aider à parler du réel, nous en soulage-t-il, aide-t-il à faire les bons choix professionnels ? Les salariés de Booking, qui vont prochainement changer d’employeur et rejoindre Majorel, reverront ou découvriront avec plaisir Outsourced, une comédie américaine de 2006, qui met en scène un directeur de service client, chargé d’aller externaliser son Customer Service en Inde. Tout ne va pas se passer comme prévu.
L'audace qu'on attend : qui aura le courage de raconter, pas seulement de liker ?
Voilà donc un autre film qui révèle l’arrière-boutique des pratiques managériales et leur impact sur la santé des protagonistes, comme l'avaient également fait Ken Loach (Sorry We Missed You) , Denys Arcand (La chute de l'empire américain) etc. Des cadres en entreprise qui ne se contenteraient pas de liker mais auraient également le courage de raconter leur propre expérience, sur Linkedin, de les dénoncer lorsqu'ils en sont les protagonistes, c'est à cette petite révolution qu'on a envie d'assister. Sur Linkedin et ailleurs. Tout ressemble tellement et souvent à Oui Oui et la voiture jaune sur les réseaux sociaux professionnels. Manuel Jacquinet