Piloter un centre de moins de 20 positions
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Contrairement à l’image médiatisée – et parfois stigmatisée – des outsourceurs, qui pilotent des plateaux de centaines de personnes, la majorité des centres d’appels Français compte moins de 20 positions de travail. La différence entre les géants de l’offshore et les petits centres d’appels régionaux est presque aussi importante que celle qui existe entre les Très Petites et Moyennes Entreprises et les grands comptes. Autant dire que les images d’Epinal véhiculées par la presse généraliste, pointant du doigt les grosses machines industrielles, pour ne pas dire tayloriennes, sont souvent loin de la réalité. En Contact est parti ce mois-ci à la rencontre de quelques uns de des milliers de centres français aux activités diverses : Quels sont donc les services proposés par les centres de moins de 20 positions ? Quels sont les outils utilisés ? Les libertés, mais aussi les problématiques des petites structures ? Quel est le profil idéal du télé-opérateur d’un petit centre ? On découvrira que l’organisation physique des plateaux, des ressources ou de la stratégie adoptée par l’entreprise, souplesse, adaptation, polyvalence et rapidité semblent les qualités essentielles à la survie comme à la croissance des centres de moins de 20 positions.
Regle n°1
La Caisse Primaire d’Assurance Maladie, SOS Amitié, Canal+ Horizons, Bouygues Immobilier… toutes les institutions modernes sont désormais dotées d’un centre d’appels en service. Qu’il s’agisse d’un call center intra muros, d’un service externalisé ou d’une association fédérale, les centres de moins de 20 positions sont aussi variés que les situations qui font appel à eux. Leur premier point commun semble être leur celui que leur l’histoire a rendu absolument nécessaire – à gérer avec des moyens réduits une palette très large d’activités.
Les centres internalisés
Bouygues Immobilier
Fondatrice et responsable du centre d’appels de Bouygues Immobilier, Armelle Granié nous explique qu’elle a d’abord dû convaincre sa hiérarchie de la nécessité de créer un call center en 1999. En effet, le promoteur-constructeur avait besoin d’un centre de débordement efficace pour servir les 400 programmes immobiliers proposés sur le territoire français. La tâche de ce centre internalisé ? Diriger les appels vers les bureaux de vente pendant les heures ouvrables. Elle précise : « En huit ans, nous sommes passés de 4 à 16 positions. Actuellement, 13 personnes prennent les appels entrants, 3 passent les appels sortants et toutes sont aidées par un superviseur. Au début, j’ai recruté essentiellement en interne, des gens qui connaissaient bien les produits Bouygues Immobilier. Aujourd’hui, je cherche plutôt des jeunes gens motivés, qui connaissent bien les métiers de la téléphonie ou du call center. » Armelle Granié rappelle cependant que travailler dans un centre d’appel internalisé, c’est faire partie de l’entreprise à 100%. Les télé-opérateurs sont des employés Bouygues Immobilier à part entière, ils connaissent sa culture et ses objectifs. Etant donné que la société est régie par la convention du bâtiment, les horaires et les contrats de travail ne sont d’ailleurs pas toujours adaptés à la stratégie du call center.
Editions La Rivière
Il en va de même pour le centre d’appels des Editions La Rivière. Ses 12 positions sont dédiées à l’accueil des clients, la vente à distance et la vente par abonnement des revues professionnelles et magazines de loisirs. Directrice du call center La Rivière, Isabelle Iken explique : « L’activité varie en fonction du trafic des appels, nos pics d’appels correspondent aux périodes de livraison de nos revues, soit la deuxième quinzaine du mois. L’équipe de réception doit à la fois savoir renseigner, gérer les appels conflictuels, voire imprévus, et vendre. Notre atout : une excellente connaissance de nos clients, qui sont des pros ou des passionnés, et une réponse à chacune de leurs demandes.»
Canal+ Horizons
Le service clients de Canal+ Horizons a pour vocation d’être l’interface entre le client, le fournisseur et l’entreprise. Les abonnés, répartis sur 22 pays d’Afrique subsaharienne francophones, peuvent avoir des exigences très différentes les uns des autres. Patrick Hensperger raconte : « La particularité du centre d’appels, c’est qu’il doit concilier à la fois l’esprit Canal et une offre adaptée aux pays africains. Avec plus de 1000 appels entrants et une moyenne de 1300 saisies par mois, notre effectif ne compte que 4 personnes : 3 conseillers clientèle et un superviseur. Il s’agit donc d’innover, de faire du nouveau avec des produits déjà en vente en France et une clientèle qui n’est précisément pas française. »
Les centres externalisés
SIST
La chambre professionnelle des métiers de l’Accueil téléphonique, aussi connue sous la dénomination du SIST, regroupe 60 centres d’accueil téléphonique sur le territoire français, 8000 hôtesses d’accueil téléphonique, 150 millions d’appels traités par an, 40 millions d’appels sortant, 150 000 clients répartis entre les professions libérales, TPE, PME et grands groupes nationaux et internationaux pour un chiffre d’affaires de 280 millions d’Euros. La société Atoocall offre, par exemple, des solutions de standard à distance, accueil bilingue, gestion de la Relation Client, tandis la société GETELA propose de la gestion d’agendas, d’urgences et du secrétariat téléphonique. Enfin, Contactel représente la permanence téléphonique, la cellule de crise ou le service consommateurs de plusieurs professions libérales. Dans ces centres qui comptent très rarement plus de 20 positions de travail, c’est donc l’entreprise cliente qui définit et paramètre la mission. Encore inconnus de beaucoup d’entreprises, les centres d’appels et sociétés adhérentes au SIST offrent une palette de métiers et une expérience des problématiques de service client qui devraient attirer de nombreuses demandes dans les années à venir.
Les centres régionaux
SOS Amitié
Célèbre pour son humanité, l’association de SOS Amitié n’est pas un centre avec un numéro vert accessible partout en France. Ses 50 lieux d’écoute sont, en fait, des centres régionaux qui ont adopté la même charte de valeurs, la même éthique que la société mère créée en 1960 à Boulogne-Billancourt. Au départ, l’association avait déjà pour but de recevoir les appels des personnes en situation de solitude, de détresse morale ou affective. Par la suite, des règles déontologiques se sont imposées, telles que l’anonymat des conversations, l’espace libre et aconfessionnel d’écoute, la non-directivité des conversations. En 48 ans, l’association a connu un développement considérable, voire inattendu, puisqu’elle est aujourd’hui une fédération de centres régionaux qui se réclament des mêmes principes et de mêmes valeurs. En 2007 ses 50 lieux d’écoute, se trouvent principalement dans les grandes et moyennes villes, ont accueilli entre 1 700 et 1 800 « écoutants » (voir notre interview du mois) et reçu près de 724 000 appels.
Regle n°2
Disposer d un staff polyvalent et réactif
20 positions, une trentaine d’employés qui tournent en permanence, plusieurs pôles de service : cette addition permet beaucoup de possibilités. Les structures sont légères, mais elles sont nécessairement compensées par de fortes personnalités, des profils commerciaux et communicatifs. Exploration de la famille des petits centres d’appels.
Des télé-conseillers « multi taskers » :
Il n’y a pas réellement de portrait type du télé-conseiller. Les profils commerciaux (BTS ou Bac+2), les secrétaires bilingues et les « accros du téléphone » sont évidemment toujours bien reçus. Mais qu’il s’agisse de l’accueil téléphonique, du service après vente ou de la prospection, les collaborateurs des centres de moins de 20 positions sont de véritables acteurs qui s’adaptent en permanence et en temps réel à chaque appel. Patrick Hensperger décrit ainsi l’activité du centre de Canal+ Horizons : « La multi-compétence est une nécessité car nos conseillers doivent impérativement faire face à toutes sortes de tâches : appels entrants, back office, télémarketing… Les conseillers du pôle entrant peuvent renforcer celui de la vente et vice-versa, ce qui permet une certaine flexibilité, une meilleure gestion des campagnes et une plus grande efficience. » Armelle Granié nuance cependant ce qu’elle appelle « la mixité des cellules » chez Bouygues Immobilier. « Si les préposés aux appels sortants sont parfaitement capables de prendre les appels entrants, l’inverse n’est pas toujours vrai. Certes la motivation et la ténacité sont des qualités essentielles, mais certaines compétences doivent rester séparées afin de garder un certain niveau de qualité de service. Il faut éviter autant que possible l’intrusion des données et le dérangement des spécialistes, je pense notamment aux opérations de vente. »
Un chef de plateau, chef d’orchestre
Tout comme les collaborateurs, les superviseurs se doivent d’être polyvalents. Mais leur légitimité vient certainement du fait qu’ils doivent avoir une vision globale et grand angle de l’entreprise. A Canal + Horizons, on ne peut accéder au poste de manager que si on est capable d’effectuer absolument toutes les missions du pôle entrant et du pôle sortant, tout en dirigeant les équipes en parallèle. La métaphore du chef d’orchestre n’est pas erronée, puisqu’elle illustre la position centrale et vitale du chef de plateau qui connaît ses ressources et ses compétences, comme un chef d’orchestre sait conjuguer et harmoniser les cuivres avec les instruments à vent. Humanité, convivialité, dynamisme, mais aussi rigueur, autonomie et charisme sont les qualités requises pour les chefs de plateau. Gille Mercié, PDG de Contactel, explique : « Nos superviseurs, responsables qualité/production et commerciaux assurent l’interface avec les clients et se chargent de l’informatique pour faire fonctionner les outils. Ils sont donc sur tous les fronts ! Ce qui est important pour nous, c’est de capitaliser sur un noyau de personnes fidèles, capables de faire monter en compétence l’équipe qui les entoure. L’embauche de personnes handicapées ou la réinsertion de travailleurs seniors peuvent être extrêmement motivants pour un chef de plateau, animé par un souci d’humanité».
Des outils et des process au service des équipes et du client :
Chez Bouygues Immobilier, on est verni parce qu’on dispose sur place de logiciels faits maison, de techniciens, d’informaticiens spécialement attachés au centre d’appels, ainsi que d’outils solides, (Alcatel 4400). Même son de cloche chez Canal+ Horizons, où l’on est pourvu d’Hermes Pro, CGAweb, Web distributeur, Scoring, Modalisa… Mais si les petits centres des grandes sociétés disposent de ces ressources technologiques, la plupart des plateaux de moins 20 positions se contentent de la téléphonie sur IP et du suivi des performances réalisé par un ACD ; c’est le cas des Editions La Rivière et de Canal CE. D’autres s’adaptent à la demande du client et adoptent des outils qui ont fait leurs preuves. Pascal Jansen d’Adexium explique ainsi : « Même si le prix est supérieur, ils nous faut du fiable et du bon, des outils au service des équipes pour la qualité comme pour la satisfaction du client : Windows, HP, Dell, Brother, Logiciel ABM, Ericson, Oléane etc. » D’autres, comme Contactel, possèdent leurs propres outils de gestion de bases de données et développent eux-mêmes leurs scripts. Nicolas Petit, PDG de GETELA, persiste et signe : « L’outil informatique de gestion d’appels idéal n’existe pas. Alors nous partons de ce qui existe sur le marché et nous l’adaptons à la demande du client. Là aussi, la compétence de l’équipe est primordiale et permet de pallier un certain manque lié à l’outil. »
Regle n°3
Apprécier les contraintes et les avantages caracteristiques des petites structures:
Visiblement, les centres d’appels à visage humain, cela existe. Mais par delà l’aspect convivial des petits centres, il existe des challenges de recrutement et de coût que doivent relever les chefs d’équipe et les patrons d’entreprise. Car qui dit « petit » ne signifie pas nécessairement « économique ».
Le problème du staffing pour les opérations à gros volumes
Pour les «petites entreprises» adhérentes au SIST, qui proposent un service d’accueil téléphonique, les difficultés sont structurelles : le problème chronique est souvent d’atteindre une taille critique qui permette de bénéficier d’un encadrement solide et durable. Dans la même lignée, les centres de grandes entreprises, comme Canal+ Horizons, affrontent souvent un problème d’effectifs. Patrick Hensperger explique : « Sur la partie des appels sortants, la difficulté demeure le staffing des équipes car nous avons des opérations ponctuelles importantes en volume et des opérations récurrentes avec des volumes plus modestes. Pour cela, nous faisons appel à des intérimaires.
Nous rencontrons alors des problèmes de rendement. Car les intérimaires, aussi bons soient-ils, ne connaissent pas nos process ni nos produits. » De fait, si les agences d’interim Adecco ou Manpower peuvent se vanter d’être à l’origine de nombreuses embauches dans le secteur de la Relation Client, l’intégration d’un nouveau collaborateur est longue et son temps de formation n’est pas toujours rentable pour l’entreprise. Enfin, Alexandra Ben Salem, responsable du centre d’appels de Canal CE, souligne une donnée de base non négligeable : « L’absentéisme sur de très petites équipes peut très vite avoir un impact sur la qualité de la prestation au client, surtout en ce qui concerne les appels entrant. »
Les coûts impactant le prix de vente
Soulignant la nécessité de recourir à des intérimaires ou à des salariés à temps partiel, quand le staff permanent ne peut assurer la totalité des opérations, Patrick Hensperger de Canal+ Horizons a ouvert la brèche non négligeable du coût des campagnes ponctuelles, des formations individuelles et du rendement variable. Le retour sur investissement n’est pas toujours au beau fixe dans les centres d’appels où chaque position, donc chaque travailleur, compte. Nicolas Petit, de la société GETELA, a d’ailleurs clairement insisté, en nous écrivant : « L’accueil téléphonique est un véritable métier qui comporte beaucoup de complexité et dont le professionnalisme permet d’accueillir en toute transparence les clients de nos clients. C’est à comprendre par les candidats : ce n’est pas un job de quelques semaines. C’est à comprendre par les clients : ces services ont un coût qui correspond à des salaires. C’est du travail partagé qui fait que ces services sont nettement moins chers qu’un salarié en interne. Mais si un client cherche un prix « à tout prix », il risque de lui en coûter des désagréments sur sa clientèle. C’est pourquoi à ce jour, il n’y pas de centre d’accueil téléphonique professionnel off shore. »
L’humanité, la convivialité et la garantie d’un service de qualité
« Convivialité, chaleur humaine, cohésion, souci du client, qualité du service… »
Parmi la vingtaine de responsables interrogés, il n’en est pas un qui n’ait exprimé sa fierté et sa satisfaction de diriger un centre de moins de 20 positions. Tous citent l’autonomie, voire l’auto-gestion de leur personnel ; un personnel où chacun est reconnu, peut faire part de ses besoins et de ses envies, un personnel où la solidarité existe, un personnel qui n’a pas l’impression d’être du bétail élevé en batterie. Tous se félicitent d’avoir des chefs de plateau fiables, qui sont certes motivés par les primes et l’envie de réussir, mais qui sont aussi mus par un attachement à l’entreprise. Cette attitude renforce évidemment l’efficacité du service. Isabelle Iken des Editions La Rivière raconte : « Nous avons un faible turn over, ce qui nous permet de proposer une bonne qualité de service par une bonne connaissance de nos produits et des problèmes que l’on peut rencontrer. Ce faible turn over nous permet de maintenir une formation continue en interne ou en externe. La direction nous donne les moyens humains et informatiques pour répondre à son exigence d’assurer une grande qualité d’écoute et de service auprès de notre clientèle. »
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