On peut reconnaitre un menteur au son de sa voix
Publiée ces derniers jours dans une revue scientifique de référence, les travaux de chercheurs français du CNRS et de l’Ircam devraient intéresser les traders, les SAMU mais également et surtout les particuliers, si souvent démarchés à domicile; les électeurs qui vont, après un an de discours ininterrompus sur une certaine pandémie, devoir se coltiner les débats faussement contradictoires entre des candidats qui ne s’engagent sur aucun programme.
Publiée le 8 février dans la Revue Nature Communications, une étude menée par les chercheurs* Jean-Julien Aucouturier et Louise Goupil (CNRS, Ircam et Sorbonne) démontrent que l’on peut reconnaitre un menteur au son de sa voix. Nous décidons, lorsque nous écoutons un interlocuteur qui nous parle, qu’il est fiable et honnête si sa diction est rapide, l’intensité forte au milieu des mots et que la hauteur de son propos descend en fin de mot. Ces éléments qui constituent et forment la prosodie sont en effet ceux qui nous inspirent confiance ou qui dénotent au contraire un caractère mensonger ou incertain dans le cas opposé. Les chercheurs ont également prouvé que cette signature vocale était perçue de la même façon dans différentes langues et que notre jugement sur ce caractère fiable était traité en mode automatique par notre cerveau. Même lorsqu’ils n’ont pas à juger de ce caractère, les individus le font inconsciemment et mémorisent dans ce cas les mots de façon différente. La prosodie véhiculerait donc des informations sur la valeur de vérité ou la certitude d’une proposition. La suite des travaux sera encore plus passionnante, puisqu’elle concerne la manière dont les locuteurs produisent cette prosodie en fonction de leur intention.
Dans les services d’urgence ou de police ou ce qu’on dénomme la téléphonie sociale, tous les professionnels se battent, avec difficulté, contre les appels polluants, ceux qui sont émis par des blagueurs, des adolescents en mal d’occasions de rire. Ils seront intéressés par ces résultats. Mais les particuliers qui sont appelés, quotidiennement, des milliards de fois chaque année, parce qu’on désire leur proposer une nouvelle SCPI, des fenêtres isolantes, des abonnements électriques moins cher peuvent donc, en sus de Bloctel ou de la Do Not Call List (et toutes les listes d’opposition au démarchage téléphonique qui existent dans le monde) peuvent donc s’entrainer à reconnaitre… l’honnêteté et la vérité d’une offre alléchante.
Au Samu de Strasbourg, en 2017, si l’assistante de régulation avait écouté Naomi Musenga, peut-être après avoir été formée sur ces sujets, ou si elle avait bénéficié de Quality Monitoring (double écoute des appels, en direct ou en différé afin de mesurer la qualité, le respect des scripts d’entretien et de leur forme), l’appel n’aurait pas été considéré comme celui d’une jeune femme qui mentait.
Reconnaitre ou pressentir celui qui ment au téléphone, un sacré bon sujet. Reconnaitre ou distinguer un taux de mensonges supérieur à la moyenne dans les interventions télévisées, radiophoniques, voilà un outil fonctionnant sur du deep learning sur lequel des start-up devraient investir.
Pour information et pour aller plus loin :
Les américains ont reçu l’an passé plus de 48 milliards d’appels émis par des sociétés de télémarketing ou des Robocalls. Durant l’année de confinement, dans le monde entier, les centres d’appels ont eu à recevoir des appels en quantité largement supérieure aux volumes habituels mais surtout, les campagnes d’appels à des fins commerciales ont profité d’une forte joignabilité des foyers et consommateurs, sur les marchés grand public. Plus de 55% des interactions entre les marques et leurs clients sont encore faites en mode vocal et conversationnel, pour les interactions menées à distance.
L’usage de la technologie dans le traitement des conversations vocales a franchi cette année un cap important. Lire ici ce qu’ont réussi à faire, par exemple, Calldesk, Alta Voce ou Zaion.
Un jeudi sur deux, dans En-Contact, le résultat de travaux menés par des chercheurs, dans le monde, sur les sujets de service et d’expérience client, sur l’engagement client ou le commerce vocal.
Par la rédaction d’En-Contact
Photo de Une : VATICAN, LES FEMMES DU PAPE FRANCOIS. Rome, Italie, 19 novembre 2016 – Les sœurs responsables du “centralino”, le standard téléphonique du Vatican. De g. à d : Les Soeurs Maria Hilaria (Pologne), Maria Clara (Corée du Sud), Maria Rachele (Italie), la supérieure de la communauté Maria Lucis (Italie), Maria Grazia (Italie) et Maria Peter (Philippines) – © Éric VANDEVILLE