«Nous allons vers la merde, mais je ne sais pas encore en quelle compagnie.»
Edito du numéro 128 d'En-Contact, le magazine sur le BPO, les call-centers et l'expérience client. On évoque dans ce numéro les concurrents français de Genesys, dont ViaDialog, Kiamo, Diabolocom.. Romain Gary et un film coréen sur les call-centers: About Kim Sohee. Et pourquoi RS Components collabore avec Myopla.
De l’hospitalité.
Je dois vous l’avouer, je suis un grand amateur de La Soupe aux Choux, des romans de René Fallet et je mets au plus haut, dans mon panthéon personnel, les mimiques de Jacques Villeret, dans quantité de ses films et notamment et évidemment dans Le Dîner de Cons.
Il m’arrive parfois de me demander ce que la Denrée* aurait à nous dire, s’il débarquait de sa soucoupe, en 2023. Je crois qu’il regretterait que Airbnb saccage Saint Malo, qu’il se foutrait comme d’une guigne de ChatGPT et qu’il nous dirait que ce qui est unique, c’est l’hospitalité. Savoir accueillir l’autre, lui faire une place et lui consacrer du temps, un sacré programme.
Instants et emplettes mémorables
Dans ce numéro 128, vous trouverez donc quelques nouvelles de ceux qui ont décidé, en France, en Tunisie, à Paris, à Marrakech, à Orsay, de rendre, avec leurs équipes ou leurs outils, quelques instants de nos vies mémorables. On y parle également d’emplettes incroyables, celles que font en se répondant l’un à l’autre, quelques grands acteurs mondiaux du BPO, tels Concentrix, Webhelp, Teleperformance, Majorel. D’un grand mensonge, celui qui concerne les avis clients, trafiqués comme tant d’autres choses. Et de quelques éditeurs français qui ont décidé qu’ils étaient en mesure d’être une alternative crédible à Genesys. Vous voilà, le temps de la lecture de ce magazine en bonne compagnie, je l’espère !
Qui vous accompagne, la bonne et seule vraie question
Lecture conseillée pour l’été ? Romain Gary. « Dans le monde aujourd’hui, les masses de réalité socio-économiques, ethniques et géographiques sont d’une telle puissance que les « grands patrons » capables de faire autre chose que de porter des diagnostics et de suivre le processus évolutif de plus en plus rapide, n’ont pratiquement plus d’initiatives. Nous sommes en fin de queue d’une civilisation, il y a quelque part un enfant-civilisation qui donne déjà des coups de pied mais qui n’est pas prêt à sortir et on ne sait encore rien de lui. Une confuse gestation. Chez les femmes, on sait, ça dure neuf mois, mais chez les civilisations... Si tu prends la diplomatie française aujourd’hui, tu vois un homme qui court au plus pressé, Jobert, mais qui n’a absolument aucune action sur les éléments, qui s’efforce de veiller au confort des passagers français pendant un parcours dont la direction lui échappe complètement... Ce qu’il y a en effet de frappant dans « l’accélération de l’histoire » que nous vivons, c’est que cette vitesse vertigineuse à laquelle le monde court vers l’avenir s’accompagne d’une absence de contrôle sur la direction de marche. Dans ce voyage à l’aveugle du passager français, on a réussi à escamoter entièrement la question essentielle, celle de la destination, et à la remplacer par celle du confort matériel à 1’intérieur du véhicule... Personnellement la direction ne me dit rien qui vaille. Pour parler franchement et brutalement, pour parler le langage des origines de cette langue et de l’époque de sa grande santé, je crois que nous allons vers la merde, mais je ne sais pas encore en quelle compagnie. »
Manuel Jacquinet.
La nuit sera calme, Romain Gary, « L’air du temps », 1974 Gallimard.
* Le nom du personnage du martien, incarné par Jacques Villeret, dans La Soupe aux choux.