«Les basiques de l’expérience client ne sont pas respectés, même chez des marques récompensées sur ce sujet»

A l’occasion de la sortie du Bottin En-Contact, 5ème édition, diverses personnalités qualifiées ont été sollicitées pour partager leur point de vue, leurs découvertes sur ce qui améliore l'expérience client, le service, l'hospitalité. Car l’ouvrage a cette ambition.
Après Xavier Monmarché, Frédérick Derrien, un autre expert témoigne : Cyril Fontaine, ex-Canal+, consultant chevronné et désormais directeur des opérations chez Nextalk.
Moins de SVI, plus de Callity
As-tu repéré des sociétés, éditeurs, prestataires dont les produits, services, logiciels permettent d'améliorer l'hospitalité, l'accueil, le service ou l'expérience client, à 360 degrés ? Lesquels, et quels pain points résolvent-ils ?
Cyril Fontaine : En tant que client ou comme consultant en relation client à distance je fais déjà le malheureux constat que les basiques de l’expérience client (l’accessibilité, la disponibilité) ne sont toujours pas acquis dans beaucoup de sociétés de renom, y compris parmi celles récompensées régulièrement. Qui peut encore croire qu’en appelant votre fournisseur d’électricité, télecom et dans beaucoup d’autres secteurs, le client apprécie de passer 2minutes 30 à appuyer sur les touches de son clavier sans compter l’attente, pour trouver un interlocuteur capable de décrocher et répondre à ses attentes ? Oui, je sais, beaucoup me diront : notre secteur est complexe et je souhaite ainsi l’envoyer sur la bonne compétence technique ou commerciale ou sinistre ou etc…». L’accueil, le service, l’hospitalité sont possibles quand on se donne les moyens de fournir un décroché immédiat avec une remontée de fiche permettant le « Bienvenue M. Fontaine chez la Société X, comment puis-je vous aider ? » et cela sans SVI (clavier ou formulations vocales).

En procédant ainsi, on limite l’effort client et dès le début de l’appel c’est l’humain qui prime. Ce double effet Wahou du décroché flash combiné à la mention du nom du client -sans qu’il ait besoin de se présenter- permet déjà de poser un climat favorable à l’entretien. Arrêtons de spécialiser à outrance les équipes par compétences car les conseillers aiment la diversité qui rend leur métier plus riche et plus varié.
Des outils de process automation (ex : Djinn by Sereneo et d’autres) permettent simplement, grâce à un questionnement du conseiller sur des sujets divers (techniques, commerciaux, administratifs etc..) de faire remonter d’une base de connaissances le bon process et la bonne réponse. Certes, le projet de tout processer dans ce type d’outil est long mais pas plus que la mise en place d’un CRM, d’un ERP.
Bien d’autres outils s’avèrent utiles tels ceux de Quality Monitoring, Callity par exemple. Ils permettent finalement de gagner du temps en interne pour l’évaluation des appels, pour repérer des alertes liées à la rétention, à l’utilisation d’arguments commerciaux non adaptés. Je m’étonne que les entreprises ne se saisissent pas plus de ce type d’outils, fonctionnels et à impact quasi immédiat et bénéfique.
Chez Guerlain, à la Madeleine.
Ma meilleure expérience récente et à 360° pour l’accueil, l’hospitalité, le service, est sans conteste celle vécue au magasin Guerlain de la Madeleine à Paris. Je me présente devant la porte. Le vendeur a anticipé et m’ouvre celle-ci avec un « bienvenue » souriant et accueillant. J’indique venir acheter du parfum pour mon épouse ; on m’installe sur un petit canapé en me proposant un café ou thé. Ensuite je suis accompagné vers les produits dont on va me raconter l’histoire. Tout le parcours est impeccable. On est dans le luxe certes mais ce service d’une extrême qualité fait du bien.

La planification des flux et le WFM au cœur de l’expérience. On peut s’y former
CF : La prévision, la planification, le dimensionnement des équipes sont des éléments essentiels pour les prestataires mais également dans les centres de contacts internes et désormais dans le retail . Il existe différents outils de WFM mais ce n’est pas l’outil qui fait la bonne structure WFM. D’ailleurs, beaucoup de très gros prestataires de BPO font encore ce travail sur Excel et cela fonctionne très bien. Mais l’IA permet aujourd’hui d’aider ce type de service à affiner les prévisions et même à les anticiper.
Lors d’une expérience récente que j’ai eue dans le secteur industriel (dans le BTP au x S&OP (Sales & Operations), j’ai bénéficié d’une formation dispensée à Centrale Supélec. Dans l’un des modules, le travail consistait à établir une prévision des ventes prenant en compte différents paramètres (commerciaux, marketing, la saisonnalité, le marché et nombre d’autres métriques) pour fournir à 14 usines en France un estimatif des besoins de productions sur de multiples références, pour les prochains mois. Je faisais cela en plus de mes activités de Directeur Relation Client. Cette formation m’a énormément appris.
Sur ces sujets, les senior ont de l’avenir.
Je constate, après plus vingt-cinq ans de métier, que nous disposons en France de très bons profils WFM très expérimentés, issus de cursus et d’expériences diverses (Data analyst, data scientist, data miner, manager de production reconvertis, etc…)
Le WFM est un outil puissant mais, dans les centres de contact, le meilleur moyen d’avoir une équipe efficace sur le sujet c’est l’accompagnement terrain : le suivi pendant plusieurs semaines par un consultant senior en WFM est idéal. Ce type de profil est capable de « challenger » les outils mais surtout les paramètres de prévision, planification, dimensionnement, et la vigie. Il permet en sus de faire monter en compétences chaque membre de l’équipe WFM.
Cyril Fontaine est un visiteur régulier d’ECTFF, le forum de référence sur l’expérience client, à la Baule.
Voir ici la vidéo qu’il y a tournée.