Le manuscrit du «Manifeste des Jeux Olympiques» vendu 7,9 millions d’euros
Le Manifeste des Jeux Olympiques est un manuscrit dont la vente aux enchères est racontée dans un livre passionnant : Pierre de Coubertin, l'homme qui n'inventa pas les Jeux Olympiques, d'Aymeric Mantoux. Le 19 décembre 2019, il fût vendu 7,9 millions d'euros, un prix de cession neuf fois supérieur à l'estimation la plus haute réalisée par la maison de vente internationale. Pourquoi ce prix, pourquoi cet acquéreur ?
On a apprécié la lecture du livre qui déconstruit en grande partie le personnage de Pierre de Coubertin et révèle quelques dossiers intéressants sur le CIO et certains manuscrits. Interview de l’auteur, Aymeric Mantoux.
Qu’est-ce qui vous a incité à vous lancer dans le projet de rédaction de ce livre ?
AM : Il y a quatre ans, j’ai eu l’occasion de visiter le musée olympique de Lausanne et j’ai été frappé par le contraste entre le portrait de cet aristocrate bien mis et aux idées assez arrêtées et l’esprit olympique du CIO d’aujourd’hui, très inclusif. Trop peut-être. Cela m’a mis la puce à l’oreille et j’ai lu tout ce que j’ai pu trouver de Coubertin et sur lui, pour me rendre compte assez vite que très peu de choses journalistiques avaient été publiées sur lui. Pas d’enquête, que des portraits hagiographiques. J’ai donc entrepris de trouver, souvent à l’étranger, des biographies ou des historiens qui pourraient m’en apprendre davantage. Et l’idée de ce livre m’est venue naturellement.
Après les recherches faites, quels sont les grands étonnements qui vous ont marqué, maintenant que vous connaissiez mieux le personnage Pierre de Coubertin ?
AM : J’ai été très surpris de constater que si PDC était un grand lobbyiste, au point d’engloutir toute sa fortune dans la promotion de son projet, il n’était pas l’inventeur des jeux modernes, ni de l’idée, ni des slogans, ni de l’esprit. Il a été un opportuniste qui a tout sacrifié à son oeuvre, un diplomate, un intellectuel, mais ce n’est pas lui qui a posé les bases de l’olympisme tel qu’il est pratiqué aujourd’hui. Il était pour l’amateurisme, contre l’argent... J’ai été très surpris de constater à quel point Coubertin avait remis l’esprit des JO à Hitler et aux nazis, sans état d’âme ; également de voir qu’on ne savait presque rien sur sa vie privée, ses rapports avec sa femme, ses enfants, ses amis, comme si cela n’avait jamais existé. Coubertin est largement un personnage mythologique, éthéré. Pendant des années personne ne s’est intéressé à qui il était vraiment.
Le CIO est devenu une machine influente, qui n’a à répondre de rien, payant peu d’impôts, ouvrant peu ses archives. Mais nos existences parisiennes, de citoyens sont et vont être impactées fortement par ce barnum. Qu’est-ce que ça vous inspire ?
AM : Je suis parfaitement d’accord avec vous. Le CIO n’a plus rien à voir avec l’esprit originel de Coubertin. C’est une machine de guerre, secrète, qui abrite ses importants revenus dans un pa- radis fiscal et pour lequel le sport n’est qu’un paravent. Coubertin, lui, militait pour l’éducation par le sport. Il n’aimerait pas et ne comprendrait pas le CIO ni les JO d’aujourd’hui. Pour le reste, en tant que parisien, nous sommes affectés par plein d’autres sujets, comme la venue de chefs d’état ou autres. Mais c’est au gouvernement de décider qui il accueille et pourquoi. A titre personnel je ne suis pas du tout opposé aux Jeux de Paris, ou au principe même des Jeux Olympiques. Mais qu’on se réclame de l’esprit d’un mort pour s’essuyer les pieds dessus, m’insurge. C’est un pied de nez à la vérité, une escroquerie historique. Et tout le sens de ma démarche est de rétablir certaines vérités. Même si elles sont désagréables à entendre.