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«La charte de bonnes pratiques ? Une posture»

Publié le 25 octobre 2010 à 14:58 par Magazine En-Contact
«La charte de bonnes pratiques ? Une posture»

Interview – Télécoms . Manuel Jacquinet, spécialiste des centres d’appels, revient sur les Assises qui se tenaient hier :

Par CATHERINE MAUSSION     l Économie 22/10/2010 à 00h00

Comment relocaliser les centres d’appels ? Après la polémique de cet été autour d’un projet de surtaxe des appels provenant de plateformes à l’étranger, Laurent Wauquiez, secrétaire d’Etat à l’Emploi, avait promis des Assises. Elles se sont tenues hier. Au terme d’une matinée d’échanges avec les professionnels du secteur, le secrétaire d’Etat a fixé sa recette, à base d’un label renforcé et d’une charte.

Manuel Jacquinet, spécialiste du sujet et rédacteur en chef de la revue En-Contact, réagit aux annonces de Wauquiez. En 2004, il s’était vu confier une mission par Jean-Louis Borloo, ministre de l’Emploi et du Travail, pour professionnaliser ces types d’emplois.

Le secteur s’est engagé à créer 11 000 emplois d’ici à mi-2011 en France. C’est tout de même une bonne nouvelle ?

Oui, c’est une bonne chose. Mais attendons de voir la liste ! Rappelons que ces dernières années, les emplois ont été surtout créés à l’offshore [en dehors du territoire, ndlr]. Téléperformance, le leader mondial de la relation client, a créé 3 000 emplois en Tunisie ces deux dernières années, et il est sur le point d’ouvrir un centre d’appels au Maroc. Parallèlement, il dégraisse en France. Depuis 2004, les emplois offshore sont passés de 10 000 à 60 000. En France, les emplois sont restés stables [250 000], mais au prix d’une réduction constante des emplois internalisés au profit de prestataires. SFR a «vendu» ainsi ses centres d’appels à Téléperformance et Arvato il y a trois ans. Or, les conditions de travail et le niveau des salariés sont nettement plus élevés dans les centres internalisés que chez les prestataires. D’ailleurs, les ex-salariés de SFR Toulouse viennent de gagner aux prud’hommes, la cession ayant été jugée illicite. Le plus urgent, c’est de donner envie aux gens de faire ce métier qui est mal payé [10% à 15 % en moyenne au-dessus du Smic] et avec des contraintes et une pression de plus en plus forte. On l’a vu chez France Télécom.

Laurent Wauquiez a annoncé un renforcement du label de responsabilité sociale. Ce n’est pas rien !

Parlons-en, du label ! C’est une décision de Jean-Louis Borloo qui remonte à 2004, mais il a fallu presque six ans d’efforts pour le faire aboutir. Aujourd’hui, on nous annonce que ce label va incorporer un objectif d’emploi. Il faut voir. L’entreprise labellisée qui créée des emplois à l’étranger devrait en parallèle en créer autant en France.

Et la charte de bonnes pratiques, censée encadrer les relations entre donneurs d’ordre et prestataires ? Wauquiez assure qu’elle sera suivie…

C’est une énième posture. Depuis dix ans que le métier se développe, les grandes entreprises donneuses d’ordres privilégient continûment les prix. Dans leurs appels aux prestataires, ils relèvent continuellement les exigences de qualité : décrochage de l’appel dans les trois secondes, disponibilité sept jours sur sept, voire 24 heures sur 24. Il n’y a toujours pas de critère social dans les appels. En 2008, le même Laurent Wauquiez s’était engagé à créer la mission nationale de la relation client et à signer un accord-cadre sur le développement de l’emploi et des compétences. 6,4 millions d’euros devaient être mobilisés. Mais la filière n’a pas vu encore un euro. On nous a dit ce matin que les premiers crédits allaient être débloqués bientôt. Attendons.

Une bonne nouvelle quand même ?

Oui, Orange s’est engagé sur deux choses : bannir totalement les enchères inversées dans ses appels d’offres – ce qu’il fait, dit-il, depuis déjà deux ans -, et mettre du social dans ses appels d’offres [temps de pause, rémunération minimum, équipement du poste…]. Il représente entre 15% et 20 % du secteur, c’est dire son fort effet d’entraînement.

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