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Droit du travail, organisation du service client… Free se permet-il beaucoup de liberté dans ses centres d’appels ?

Publié le 05 avril 2013 à 15:05 par Magazine En-Contact
Droit du travail, organisation du service client… Free se permet-il beaucoup de liberté dans ses centres d’appels ?

Si Gérard Filoche célèbre inspecteur du travail qui ne dédaigne pas les caméras, a un jour besoin ou envie de sortir de sa retraite bien méritée et envie de s’attaquer à un gros morceau, aura-t-il le courage d’aller à Colombes ou à Vitry, dans les centres d’appels de Free ? Ceux-là même où l’on n’a pas beaucoup vu jusqu’à présent l’Inspection du travail, alors même que des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour révéler et décrire des pratiques très éloignées de ce que tolère l’Anact ou tout simplement le droit du travail. Le 3 mars, un article du « JDD » – voir ci-contre – décrivait dans le détail ces agissements. Ils nous ont été confirmés, sous couvert d’anonymat, par un ex-responsable de centres d’appels de Free, licencié après qu’il a essayé de se conformer à la législation en vigueur et alerté sa hiérarchie sur les graves dysfonctionnements qui lui semblaient compromettre le bon fonctionnement du site qu’il dirigeait. Sont-ils pour autant véridiques ?  

Car rien n’est tout à fait normal quand il s’agit de Free, une société capable d’acquérir 5 millions de clients en 1 an, de commander des rapports à des économistes pour confirmer qu’elle crée de l’emploi plus qu’elle n’en détruit, d’attaquer des journalistes pour diffamation (Solveig Godeluck), d’avoir placé à la tête de sa direction des services clients depuis plus de 10 ans une jeune femme. Des services clients et centres d’appels quasiment tous internalisés – Dossier complet : 

– le témoignage exclusif d’un ex-directeur de centre d’appels Free Mobile 

– l’article du JDD du 3 mars 2013 

– la réponse d’Angélique Berge. 

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1 – le témoignage exclusif d’un ex-directeur de centre d’appels Free Mobile 

Vous avez dirigé l’un des centres d’appels de Free, en France, au moment du démarrage de Free Mobile. Qu’est ce qui vous a étonné à votre arrivée, et pendant cette expérience ?
En premier lieu, l’absence complète de professionnalisme, et l’amateurisme généralisé de l’organisation des services clients, alors que nous étions très attendus et que tout le monde sait qu’en phase de démarrage, il faut être parfaitement prêt, avec les bons outils. Nous n’en avions pas, et tout à été fait à la va-vite, alors que l’entreprise dispose de moyens significatifs et se préparait depuis longtemps à ce lancement. En deuxième lieu, qu’on s’assoit copieusement sur le droit du travail chez Free. C’est presque une tradition, et on en est fier.

 

Par exemple ?
La réglementation incendie, la protection des salariés, les horaires de travail, la signature des contrats de travail, la forme de la rupture des périodes d’essai, les conventions collectives utilisées… tout ou quasiment tout est en infraction avec le code du travail. J’ai informé à l’époque l’inspection du travail mais personne n’est venu.

 

Comment peut-on assurer du service client dans de telles conditions ?
C’est simple, il y a une variable d’ajustement avec les sites du Maroc qui représentent en tout près de 1 800 personnes, recrutées à la va-comme-je-te-pousse quand on a besoin de personnel pour gérer des pics d’activité. On staffe, et quand on n’en a plus besoin, on dé-staffe tout aussi rapidement, sachant que les gens sont à peine formés. C’était à peu près la même chose en France : on n’avait pas de logiciel pour gérer la normalisation des adresses, un encadrement très réduit, et des process pas du tout aboutis.

En fait, c’est simple : chez Free Mobile en tout cas, la qualité du service client, on s’en fout. Les gens donnent leur RIB, on les prélève et on gère à la marge ceux qui crient un peu plus fort que les autres.

 

Avez-vous alerté votre hiérarchie ?
Oui, et c’est ce qu’on m’a reproché. Tout ce système fonctionne parce qu’une petite équipe a la main sur tout, gère les problèmes importants, comme celui d’ailleurs de se débarrasser de tous ceux qui ne sont pas dans « la ligne du parti ». Lorsque je suis parti, la direction générale de Free, Maxime Lombardini en l’occurrence, m’a reçu. Il est parfaitement au courant de ce qui se passe, mais personne ne touche à Angélique Berge, grande prêtresse qui a la mainmise sur toute la relation client.

 

On va vous accuser d’être un détracteur de Free, payé par les concurrents…
Je ne suis payé par personne, je dis ce que j’ai vu. J’ai une longue expérience des centres d’appels dans l’univers de télécoms, du montage de site lors de la création de services, et ce que j’ai vu chez Free est absolument unique, y compris la façon dont on vous menace de façon à peine voilée lorsque vous partez, pour vous inciter au silence.

 

Propos recueillis sous couvert d’anonymat en mars 2013 par Manuel Jacquinet.

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2 – l’article du JDD du 3 mars 2013 

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« Freeture » dans les centres d’appels

Le  3 mars 2013
par Matthieu Pechberty – Le Journal du Dimanche

Licenciements et départs brutaux se multiplient. Les salariés décrivent une ambiance délétère, la direction invoque des cas particuliers.

« On vient ici par plaisir. » En lisant cette déclaration du patron de Free, Xavier Niel (Le Point, septembre 2012), nombre de salariés des quatre centres d’appels du groupe ont failli tomber de leur chaise. Depuis plusieurs mois, licenciements et ruptures de contrat se multiplient sur les sites de Colombes (Hauts-de-Seine) (600 salariés) et Vitry (Val-de-Marne) (400), ouverts lors du lancement de Free Mobile, il y a un an. L’opérateur se vante d’avoir recruté 1.500 personnes mais reconnaît du bout des lèvres licencier une quinzaine de personnes par site chaque mois. Sans compter des dizaines d’interruptions de période d’essai. Selon le responsable CFDT, Akrem Karoui, « il règne une atmosphère de pression et de peur ».

Humiliations et insultes

Après une altercation avec son supérieur en novembre, Thomas Madeira, 23 ans, a subi humiliations et insultes : « “T’es mort, je vais te n… ta mère”, m’a lancé mon responsable avant d’ajouter : “fils de p…” Il n’était pas loin d’en venir aux mains. » Angélique Berge, présidente des centres d’appels de Free, peine à masquer son malaise et assure que ce responsable a quitté l’entreprise. Mais elle n’éprouve aucune gêne à avoir congédié Thomas Madeira, après quinze mois d’arrêt maladie, pour des retards injustifiés. « J’ai vu plusieurs salariés être mis dehors sur le champ, sans explication », ajoute Thomas Madeira qui compte saisir les prud’hommes. Il illustre l’ambiance délétère par « des gens qui vandalisaient des fauteuils en inscrivant “fuck free” ».

Carla Mendez*, 45 ans, en a aussi souffert. Après un passage chez Bouygues Telecom, elle entre chez Free en juin 2012. Ses débuts se passent bien mais elle observe. « Ils gèrent la masse salariale comme une machine. Ils font du low-cost avec les gens. » Alors qu’elle postule à une promotion, le directeur du centre de Colombes (Mobipel), Ebrahim Mellal l’écarte : « Ils ont débarqué sur le plateau et m’ont dit : “tu prends tes affaires, tu t’en vas”, deux jours avant la fin de ma période d’essai, raconte-t-elle. Ils l’ont fait pour des dizaines de personnes. » Pas d’explication, de préavis, ni de délai de prévenance, le patron de Mobipel lui a lâché : « Je préfère virer les gens et aller aux prud’hommes plutôt que de respecter la loi. »

L’inspection du travail alertée

Angélique Berge n’en démord pas : « Nous sommes fiers de nos conditions de travail. Nous avons mis en place un nouveau système de primes motivant. » Le problème vient-il de ces jeunes des cités avoisinantes, sans diplôme, parfois difficiles à gérer ? « Nous favorisons la diversité et donnons leur chance à chacun, quel que soit son niveau de formation », explique cette proche de Xavier Niel. Une langue de bois dont elle se départit pour charger Akrem Karoui, le responsable de la CFDT, qui fait de quelques cas son fonds de commerce. Pourtant, la secrétaire fédérale Laurence Barma voit défiler mails et plaintes de salariés. « Je n’ai jamais vu ça. Chez les autres opérateurs, il y a des problèmes et de la pression, note-t-elle, forte de ses 15 ans d’expérience dans le secteur. Mais pas à ce point. »

Les relations tendues avec les syndicats n’étonnent pas dans les centres de Marseille et Bordeaux, rachetés en 2009. « Nous avions déjà des syndicats qui nous protègent, explique le responsable CFDT, Christophe Scaglia, mais Free nous considère comme l’ennemi. » Un sentiment partagé par Gilles Touitou, la quarantaine. Licencié en janvier, il se prépare aux prud’hommes. Parmi les meilleurs téléconseillers de Mobipel, Free pointe pourtant ses retards et dépassements de pause pour le débarquer. Selon lui, parce qu’il voulait se présenter aux élections syndicales. « Les gens ont peur, lâche-t-il. Ici c’est marche ou crève ».

Chez Free, les centres d’appels sont des sociétés indépendantes pour ne pas dépasser le seuil de 1.000 salariés qui déclenche une panoplie d’obligations sociales. L’entreprise justifie ce « saucissonnage » pour « un meilleur pilotage de centres à taille humaine ». Ces dérapages inquiétent l’inspection du travail. « Nous avons été alertés et ça a l’air sérieux, explique son représentant Michel Vergez, on fera des contrôles dans les semaines à venir car il y a une rotation des effectifs plus élevée qu’ailleurs. » De son côté, le maire socialiste de Colombes, Philippe Sarre, suit la situation mais « souhaite surtout que le centre reste à Colombes ». Pour l’emploi.

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3 – La réponse de angélique berge
Directrice des relations clients de Iliad et de ses filiales 

angélique berge

Y a-t-il eu lors du lancement de Free mobile des « dérapages » en termes de gestion des ressources humaines comme ceux qui ont été repris dans la presse : rupture fréquente de période d’essai sans formalisation de celles-ci, etc sachant que plusieurs ex salariés les décrivent de façon très détaillée ?
Sur les plusieurs centaines de personnes recrutées en un laps de temps extrêmement  court, nous ne pouvons effectivement pas nier qu’il y a eu quelques cas épineux, mais en nombre très limité et fort heureusement aucun ne s’est soldé par un contentieux ainsi que vous pouvez le vérifier auprès du Conseil des Prud’hommes ; je fais parfaitement confiance à l’équipe de Direction aujourd’hui en place sur ce site pour faire en sorte que ces problèmes soient définitivement derrière nous. Le sondage social prouve que c’est bien le cas. Par ailleurs, nous avons tiré tous les enseignements de ces difficultés passées que nous avons prises très au sérieux et nous sommes justement en train de déployer auprès de tous les managers de tous nos centres d’appels un cursus de formation élaboré sur mesure pour leur donner toutes les clés de la gestion de leurs équipes. C’est un investissement très important à tous les niveaux et dont nous attendons beaucoup. Il est évident que trouver des Managers en nombre pour accompagner le lancement du mobile n’a pas été simple et nous avons dû énormément compter sur la promotion interne (politique maison) avant de faire appel à des candidatures extérieures.

 

Que souhaitez vous apporter comme commentaires à l’article du Jdd : avez-vous été sollicitée par Matthieu Pechberty, et si cet article est erroné, voire diffamatoire, pourquoi aucune réaction juridique n’a-t-elle été lancée par ILIAD qui n’hésite pas à attaquer médias et journalistes ,lorsque le groupe estime être victime de propos ou articles mensongers ?
Au regard des réponses que l’inspecteur du travail nous a fournies dans le cadre de cet article, c’est davantage à lui de s’interroger sur une procédure en diffamation. Quant à moi, je peux juste déplorer que mes propos n’aient pas été relayés, c’est le choix du journaliste et qu’il m’ait qualifié en situation de malaise alors que j’étais particulièrement à l’aise sur l’ensemble des sujets abordés, c’est aussi un point de vue certes contestable mais d’une importance moindre… Je n’accorde pas plus de crédit à ce type d’article, mes équipes sont avec moi, soudées et nous savons bien ce que nous accomplissons au quotidien à la fois pour nos conditions de travail que pour nos Freenautes.

 

Tous les centres d’appels de Free et de Iliad sont utilisés pour le groupe, pourquoi les contrats de travail  font ils référence à la convention du SYNTEC et pas à celle des télécom ; n’est ce pas celle-ci qui devrait s’imposer ?
La Syntec s’applique depuis la création du plus ancien de nos centres de contact du Groupe. Les centres de contact ex-Alice ont conservé leur CCN Télécom après leur entrée dans le Groupe.
Par ailleurs, nous avons bien un client hors Groupe, et ce de façon historique.

 

Êtes vous en procès avec l’un des ex directeurs qui fut en charge de la création  du centre d’appels de Colombes, devant la juridiction prud’homale ?
Nous sommes en effet devant le CPH dans un dossier qui nous oppose à notre ancien Directeur de site, à son initiative. Nous avons mis fin à cette collaboration dans le cadre de la période d’essai. Le dossier n’a pas encore été jugé. Les audiences étant publiques et la procédure orale, vous êtes libre d’y assister et ainsi de forger votre propre conviction. Ce seront les membres du Conseil qui trancheront et il ne m’appartient pas en l’état de développer davantage ce sujet.

 

Propos recueillis par Manuel Jacquinet.

 

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