De 150 à 430 millions de prestataires, petites mains, data-workers entrainent l’IA dans le monde, selon l’OIT
Selon l'OIT, de 150 à 400 millions de data-workers entraient les IA et l'améliorent, dans le monde. Sont-ils les sacrifiés de l'IA, comme l'explique le documentaire d'Henri Poulain ?
Le documentaire Les sacrifiés de l’IA, réalisé par Henri Poulain, produit par Storycircus, explore les zones d’ombre du développement de l’intelligence artificielle, en s’intéressant aux travailleurs méconnus qui permettent aux algorithmes d’exister.
Alors que l’IA est souvent présentée comme une avancée révolutionnaire, capable d’automatiser de nombreuses tâches et de transformer en profondeur nos sociétés, le film met en lumière l’envers du décor : les conditions de travail précaires, l’exploitation économique et les conséquences environnementales liées à cette industrie.
Les travailleurs invisibles de l’intelligence artificielle
Contrairement à l’image futuriste souvent véhiculée, l’intelligence artificielle ne fonctionne pas seule : elle a besoin de gigantesques volumes de données annotées, triées et modérées par des humains. Cette tâche essentielle est confiée à une main-d’œuvre mal payée, souvent située dans des pays en développement comme l’Inde, les Philippines ou l’Afrique subsaharienne. Ces travailleurs passent leurs journées à effectuer des tâches répétitives et éprouvantes : étiquetage et annotation des images et des vidéos pour entraîner les IA à la reconnaissance visuelle. Classification et filtrage des contenus (modération de messages, suppression de contenus violents, pornographiques ou haineux). Transcription et correction de textes pour perfectionner les algorithmes de traitement du langage.
Le documentaire, passionnant, montre que ces tâches, bien que cruciales pour le fonctionnement des IA, sont souvent exercées dans des conditions déplorables. Les travailleurs sont recrutés via des plateformes de micro-travail comme Amazon Mechanical Turk ou Appen, et sont payés quelques centimes par tâche. Beaucoup témoignent de l’impact psychologique de leur travail, en particulier ceux chargés de la modération des contenus violents, confrontés quotidiennement à des images traumatisantes.
Un coût environnemental colossal
Le documentaire ne se limite pas aux aspects humains et soulève aussi les problématiques écologiques liées à l’intelligence artificielle. L’entraînement des modèles d’IA nécessite des ressources énergétiques considérables : les data centers qui stockent et traitent ces données consomment d’énormes quantités d’électricité et d’eau pour leur refroidissement. Les serveurs et infrastructures informatiques ont une empreinte carbone croissante, comparable à celle de l’industrie aérienne. Le film rappelle que derrière chaque interaction avec une IA – que ce soit une recherche sur Google, une requête à ChatGPT ou un deepfake – se cache une consommation énergétique invisible mais bien réelle.
Des solutions alternatives existent mais son peu mises en œuvre à date, ce qu’explique le documentaire.
Et en France ?
En France, une entreprise permettait de superviser le travail de ces data-workers, et a créé une communauté de 50 000 data-workers: Foule Factory. En 2018, elle a changé de nom et de modèle économique, pour se rebaptiser Wirk.io
Des outils, tel que celui d'Alcméon, permettent également de superviser le travail de ces petites mains, grâce à une plateforme omnicanale
Dans un livre passionnant, Les Caméléons, un journaliste qui a enquêté sur les fraudes aux faux conseillers bancaires a montré comment et pourquoi un KYC défaillant pouvait avoir des conséquences très préjudiciables. Lire ici.
KYC, l'abréviation du Know Your Customer, le process que les banques et assureurs doivent mettre en place pour recueillir des données vérifiées sur l'identité de leurs clients, assurés. Il peut être digitalisé, complètement mais des opérations d'enrichissement, de vérification de la conformité peuvent nécessiter le travail d'un être humain. En Inde, à Madagascar ou à Nanterre :)
