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Confiture Haute Couture : quand les mannequins qui défilent sont les fruits

Publié le 16 septembre 2021 à 10:01 par Magazine En-Contact
Confiture Haute Couture : quand les mannequins qui défilent sont les fruits

De bons fruits suffisent-ils pour fabriquer de bonnes confitures et fournir la Grande Épicerie ?

C’est une chose, comme des centaines de mamans, de confituriers du dimanche, de fabriquer et de prendre plaisir à confectionner ses propres confitures ; c’en est une autre d’en faire son métier et d'en vivre. Et de parvenir à une qualité de produits homogène, qu’il faudra assurer à des distributeurs ou revendeurs tel la Grande Épicerie, Hediard ou d’autres acteurs de la GMS. En-Contact prolonge sa série, entamée avec la Maison Perrotte. Un tour de France qui va vous emmener de l’Alsace, au Lot-et-Garonne en passant par l’Indre et l’Anjou. Christine Ferber et Stephan Perrotte, devenus célèbres dans cette matière, ont en effet inspiré des disciples. Qui ont parfois une parole libre ; tant mieux, car il n’est pas si aisé de distinguer la bonne confiture artisanale de l’industrielle, la confiture de la préparation aux fruits.

 Interview exclusive ( dérapages ? inclus) de  JEAN-CHRISTOPHE MICHELET, double champion du monde des confituriers et installé dans l'Indre.

Vous devenez confiturier après avoir fait goûter vos produits à vos amis du football, c’est bien cela ?
Exactement. Lors de ma première vie professionnelle, j’ai fait du commerce international de produits ménagers. Ma maman, restée en France, est tombée gravement malade alors je suis rentré m’occuper d’elle. Pendant ce laps de temps, un club de foot du village où habitait ma mère, dans l’Indre, a organisé une soirée. Ils s’apprêtaient à jeter de la marchandise, et comme je revenais d’Afrique où les gens meurent de faim, j’ai décrété que c’était hors de question. J’ai commencé à les transformer pour eux. Les joueurs, le staff, les familles et les amis des amis des amis ont goûté et apprécié mes produits et, poussé par leurs retours, j’ai continué. Au bout d’un moment, afin de m’inscrire dans le cadre légal, j’ai dû monter une entreprise et voilà comment je suis revenu à mes premiers amours : la gastronomie. Mon papa et ma grand-mère étaient passionnés de gastronomie, j’ai été marqué par ces odeurs, ces parfums, et ai décidé d’apprendre seul à cuisiner.

Vous produisez quels parfums ? 
J’ai la chance de pouvoir choisir, donc je fais une collection été et une collection hiver. On produit des classiques, fraises, abricots et parfois l’on se permet des parfums plus atypiques petits pois, cornichons…

Maison Perrotte - © DR

Toujours avec des produits de saison donc ?
Je travaille exclusivement avec des produits frais et de saison. Leur sélection me prend énormément de temps, chaque année je passe les producteurs en revue, et j’essaie d’en découvrir de nouveaux. C’est le test du palais : on goûte et on choisit ! 

Qu’est-ce qu’il faut d’autre pour faire de bonnes confitures ? 
Pour faire une bonne confiture, il vous faut des fruits au pic de leur maturité, ni trop peu mûrs, ni passés. Il y a un pic à trouver. C’est une énorme contrainte le fruit frais, il faut le peler, l’équeuter, le dénoyauter, le couper… cela demande du travail. Ensuite, une confiture traditionnelle, c’est un chaudron en cuivre exclusivement. Il ne faut pas dépasser les cinq kilos de fruits par marmite, sinon ils brunissent et caramélisent, vous perdez alors les goûts, les arômes et les couleurs. La confiture a une définition simple : le fruit est confit dans son sucre et éventuellement avec du sucre ajouté. On ne rajoute donc pas de gélifiant, comme le font les industriels et aujourd’hui… certains artisans. 
Un fruit est composé de 80 à 98% d’eau, le reste étant ce que l’on appelle de la matière sèche. Évidemment, vous n’allez pas gélifier la matière sèche, mais l’eau. Plus vous gélifiez d’eau, plus vous gagnez en poids et en volume, ce qui gonfle artificiellement le produit. Aujourd’hui 98% des « confitures » produites le sont avec du gélifiant alors que cela demande normalement une cuisson par osmose. On évapore l’eau contenue dans les fruits, de manière à équilibrer liquide et matière.

Cela doit vous limiter à de très petites quantités ? 
Sur mon poste de cuisson j’ai dix chaudrons, donc je fais cuire cinquante kilos au maximum par fournée. A trois, on ne peut pas faire des millions de pots c’est certain.

Maison Ferber - © Bernhard WINKELMANN

C’est donc impossible selon vous d’industrialiser une confiture de bonne qualité ?
C’est compliqué. Un industriel est obligé de gélifier, il ne peut pas cuire avec un chaudron de 1 000 litres, c’est impossible. Malheureusement, les artisans qui gélifient se font de plus en plus en nombreux pour satisfaire ce fameux Dieu dollars. Il en reste quelques un, mais ils se font rares. 
C’est long et difficile de travailler artisanalement. Il existe deux méthodes : la première, c’est la cuisson au bouillon. On mélange l’eau et le sucre, portés à 121 degrés, et l’on plonge les fruits dedans pendant 18 minutes, avant de mettre en pots. L’inconvénient c’est que la confiture n’est pas cuite, pleine d’eau, et que cela entraîne des problèmes de conservation après ouverture. Il y a également la méthode à l’ancienne, où vous allez équilibrer la matière, afin que le produit se gélifie naturellement avec les pectines contenues dans les fruits. Mais cela demande entre 45 minutes et quatre heures de cuisson, selon les produits.

Andrésy Confitures indique pourtant produire de la confiture artisanale, en industrialisant simplement la mise en pot, qu’en pensez-vous ?
Je ne dis pas ça pour leur nuire, mais le discours commercial d’Andrésy Confitures est nécessairement faux. Ils affirment produire de la confiture artisanale, mise en pot de manière industrielle. Lorsque vous travaillez avec cinquante ou soixante kilos de fruits dans une même bassine, c’est simplement impossible, vous êtes contraints de recourir à des méthodes industrielles. Il peut dire ce qu’il veut, je connais la famille Cassan ! Afin de réaliser des millions d’euros de chiffre d’affaires, il faut vendre des millions de pots et cela demande une batterie de chaudrons énormes, qui cuisent la confiture en 18 minutes. 
C’est exactement le même procédé qu’Andros avec Bonne Maman mais ces derniers l’assument. Les ingrédients, les méthodes et les résultats sont similaires. Tous deux utilisent un gélifiant quelconque, une quantité équivalente de sucre et de fruits, mais Andros est le numéro deux mondial, pas Andrésy, qui doit donc se démarquer. Lorsque Andros vend un pot de confiture Bonne Maman à 134, ce n’est pas une arnaque.

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Par la rédaction d’En-Contact 
et Numa Beltran

Pour aller plus loin :

Quelle est la qualité réelle des confitures que l’on peut acheter à la Grande Épicerie ou chez Hediard ? 

La qualité des produits et des services est le socle et la fondation souvent oubliée, de l’expérience client, patients. Le point de vue de Thierry Desforges, fondateur de Viavoo.

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