« Comme Keith Richards et Ronnie Wood, séparément, on est assez moyens, mais ensemble on est imbattables ! »
Marc Labarre quitte Konecta-Comdata. Publication prochaine de son 1er livre: The kid stays in the picture, saison 2
Annoncé discrètement sur les réseaux sociaux (la discrétion est une de ses marques de fabrique), son départ de Comdata-Konecta, quelques semaines après ses 60 ans est une bonne nouvelle. Pour lui, pas forcément pour le secteur :) On souhaite à Marc Labarre, qui a vendu, par téléphone: des collections, des livres,
fait répondre par ses équipes à des questions sur les crèmes de beauté Yves Rocher, oeuvré à satisfaire des comptes européens, aux injonctions contradictoires ( je veux de l'expérience mémorable et le tout pas cher, avec des planifications dont tu disposeras à J-7..) etc, etc, d'acquérir enfin son châlet à la montagne, si ce n'est fait.
En attendant la publication de ses confessions* du backstage du BPO, qu'on publiera volontiers, petit retour sur les confessions de la paire de rockers, du temps que CCA était à côté de BFM. Attention, c'était il y 5 ans, une éternité !
The kid stays in the picture est un chef d'oeuvre, un film. Lire le numéro 129 d'En-Contact.
Marc Labarre et Patrick Dubreil, Directeur général et Président – CCA International
Dans un secteur où la croissance vient désormais se chercher principalement à coups de fusions et d’acquisitions, CCA International a plus que d’autres tardé à avancer ses pions. Avec l’acquisition de Data Base Factory, réalisée intégralement en numéraire et validée au tout début de l’été, c’est désormais chose faite. L’ex-PDG de l’entité absorbée… et celui qui a proposé sa nomination en tant que DG de CCA International : respectivement, Marc Labarre et Patrick Dubreil sont deux grands « taiseux » qui ne se livrent qu’une fois les choses faites – et bien faites. Les 5 400 téléconseillers du nouvel ensemble le sont moins puisque leur métier consiste justement à prendre la parole au nom des marques, au téléphone, mais aussi sur les nouveaux canaux digitaux, en français, mais aussi dans plusieurs langues, depuis les centres européens du groupe. Et si le deuxième est un grand amateur de blues, de rock, le premier est tout de même capable de parler d’AC-DC ou de Genesis. Les amateurs du groupe de rock progressif savent que c’est à partir de l’album And then they were three que Phil Collins et ses acolytes connurent un grand succès. Pour ceux qui aiment les Rolling Stones, comme Patrick, rien de tel que l’attelage Mick+Keith… En clair, en voilà deux qui connaissent la chanson, et pour une fois, ce n’est pas le NME (New Musical Express) qui a eu l’exclu !
Quelle est la nouvelle configuration du groupe après l’acquisition de Database Factory ? Allez-vous continuer à communiquer sous les deux marques ?
Patrick Dubreil : Nous formons aujourd’hui un groupe de plus de 5 400 collaborateurs présent dans 10 pays, qui réalise 150 millions d’euros de chiffre d’affaires avec plus de 120 clients. Au-delà d’une taille critique qui nous confirme parmi les majors du secteur, le sens de ce rapprochement est celui d’une triple complémentarité : celle des métiers pratiqués – télévente et service clients-, de la diversité du portefeuille client et des références sectorielles, et enfin de l’étendue de nos implantations francophones et internationales – deux destinations off-shore, le Maroc et Maurice, ainsi qu’une couverture européenne étendue. Nous avons fait le choix de fédérer le nouveau groupe sous la marque CCA International, cela sera effectif au premier janvier.
Dans un contexte de l’outsourcing profondément modifié, quels éléments de l’offre de CCA international, de ses moyens techniques ou humains vous semblent particulièrement distinctifs et devraient selon vous être en mesure d’intéresser les grands clients, marques… ou des start-ups ?
Marc Labarre : Notre positionnement est clairement distinctif sur trois axes. Tout d’abord l’intégration du digital dans nos programmes d’expérience client, de « Customer engagement » comme disent nos managers anglais ; ensuite la réactivité et le niveau d’intégration de nos programmes paneuropéens à partir de nos six hubs Européens multilingues et enfin, le caractère innovant, « multi-sourcing » de nos différents partenariats clients avec notamment une expertise reconnue sur la reprise de centres internes.
Qu’avez-vous précisément envie de dire à ces marques : « We do exist » ? « We’ re back » ? « Connaissez-vous CCA international ? » ?
PD : Nous n’avons jamais cessé d’exister ! Ce rapprochement en est la preuve. Nous avons cependant l’intention de communiquer plus activement auprès du marché sur nos expertises et nos références, ainsi que sur le nouveau périmètre du groupe.
Une très grande marque de grande consommation vous confie ses relations digitales sur plusieurs pays, pensez-vous que cette gestion de la relation client digitale, des communautés soit l’avenir de votre métier ? Si oui, quels défis cela représente-t-il pour le management, les pratiques RH ?
ML : Il est effectivement très révélateur des changements de notre métier de voir que nous animons pour cette entreprise en Europe plus de 80 analystes et community managers rompus aux codes de la marque et disposant d’accréditations pour engager sa réputation sur les medias sociaux. L’expérience client « sans coutures » estompe les organisations rigides par canal et privilégie une relation client intelligente, le métier des conseillers évolue en conséquence et nécessite effectivement un pilotage managérial différent, certainement moins taylorisé car moins industriel.
L’un comme l’autre, vous êtes des pilotes expérimentés de tout type d’appareils : avions de chasse, porte-avions nucléaires… des généraux d’armée oserais- je dire (voir les biographies de Patrick Dubreil et Marc Labarre) : qu’est ce qui a changé sur « le champ de bataille » de la relation client externalisée ?
PD : La période est certes sélective, mais nous n’en sommes pas au champ de bataille, en tous cas… pas encore (sourire entendu). Il est vrai que notre profession sort d’une période de 15 années de croissance ininterrompue soutenue principalement par un secteur représenté par trois donneurs d’ordre. De fait nous sommes tous amenés depuis 2012 à revoir le caractère différenciant de nos positionnements et de nos options stratégiques. Qu’est-ce qui a changé concrètement ? La complexité des programmes externalisés, le recours croissant aux dispositifs digitaux et automatisés, la segmentation des programmes premium « versus » bas de marché qui en découle, le développement de l’offshore de seconde génération, la dimension de canal tactique de distribution réactive donné à la télévente, le niveau requis de sécurité des opérations… et il faut bien le dire, la difficulté de notre profession à valoriser correctement nos prestations sur le plan financier malgré toutes ces évolutions.
Comment vous partagez-vous les rôles dans le management du groupe ?
PD : Savez-vous que Martin Scorsese pose la même question à Keith Richards et Ronnie Wood dans Shine a light (ndlr : le documentaire sur la tournée de Rolling Stones de 2006) et Keith, magistral, répond : « Séparément, on est assez moyen, mais ensemble on est imbattables ! ». Plus sérieusement c’est une chance de pouvoir diriger ce groupe à deux ; il y a d’autres exemples réussis de binômes ou de triumvirat dans notre métier et j’ai moi-même pratiqué le duo managérial pendant longtemps. Concrètement, au quotidien, nous nous efforçons d’être tous deux disponibles pour nos clients de bout en bout sur leurs opérations afin de veiller à ce que nos équipes leur assurent le meilleur niveau d’engagement, d’expertise et de réactivité.
La chaîne Arte a retenu votre groupe, après appel d’offres, pour gérer la relation client avec les téléspectateurs, en allemand et en français, depuis le site de Metz-Freyming. La capacité à opérer des services multilingues va-t-elle faire le tri pour convaincre des grands groupes ?
ML : C’est effectivement une grande fierté d’avoir été retenus par Arte dont on connait l’exigence dans sa relation avec les téléspectateurs. Nous réalisons un quart de notre chiffre d’affaires à l’international à partir de nos hubs européens de Londres, Bruxelles, Paris, Barcelone, Monaco, et Athènes via des programmes multilingues pour de grands groupes d’envergure internationale. C’est à la fois une composante qui nous différencie de nos concurrents francophones proches et qui donne une dynamique d’ouverture supplémentaire à la culture de l’entreprise.
L’ouvrage récent d’un psychologue, Duarte Rolo, prenait encore en exemple le secteur des centres d’appels pour illustrer une théorie sur le mensonge au travail. Cette image d’Epinal n’a guère évolué dans notre pays ; est-ce préjudiciable pour attirer des bons profils ?
PD : L’ouvrage en question adresse, m’a-t-il semblé, plus particulièrement le sujet de la « schizophrénie » dans la vente, sujet qui n’est pas propre aux centres de contact, et qui est d’ailleurs une approche assez française du rapport au commerce ou au service. Le fait est que notre secteur a toujours été mésestimé du grand public de par sa composante consumériste et sociale alors que chaque jour des téléconseillers rendent tout simplement service à des centaines de milliers de consommateurs. Je dirai que les métiers de la relation client sont néanmoins aujourd’hui mieux connus, compris et reconnus : des filières de formations professionnelles qualifiantes débouchent sur des emplois évolutifs partout dans les territoires et le développement du digital modernise et valorise le regard sur le métier. C’est clairement un défi pour nos entreprises d’accompagner nos salariés dans cette évolution.
Et comme il faut finir précisément par de bonnes nouvelles, qu’avez-vous envie de dire à un jeune ou moins jeune, diplômé ou non, qui lirait cette interview ?
PD : Nous avons tous deux connu l’essor exceptionnel des années « télémarketing » qui a servi d’ascenseur entrepreneurial à la plupart des patrons de ce secteur et à des milliers de téléconseillers qui sont devenus par leur implication des managers professionnels recherchés. Je dirais que l’essor du digital et de l’intermédiation numérique en général redonne de la perspective à ce métier, surtout aux plus jeunes qui au travers leurs codes de « digital natives » sont naturellement les mieux placés pour nous permettre d’adapter notre profession à cette mutation. Nous les invitons donc sincèrement à nous rejoindre, ils sont les bienvenus.
Patrick Dubreil a rejoint CCA International en mai 2012. Acteur « historique » et reconnu de l’outsourcing, Patrick a développé une forte expertise dans ce domaine ; il a effectué une grande partie de son parcours chez Teleperformance, où il a évolué, dans un contexte de croissance soutenue, de Directeur de filiales régionales à Président de la principale filiale française. Puis, à partir de 2003 et jusqu’en 2008, il s’était vu confier le management de l’ensemble des activités francophones du leader mondial.
Marc Labarre a rejoint CCA International en juin 2015 à l’occasion de l’acquisition de Database Factory dont il était le Directeur général depuis 2005. Professionnel reconnu de la relation client, Marc dispose d’une expérience de 25 ans dans ce secteur, acquise à la fois chez le prestataire et chez le donneur d’ordre. Tout d’abord Directeur des opérations chez Phone Marketing puis Convergys, il a occupé les fonctions de Directeur de la relation client chez AXA Direct Assurances, puis de Directeur de la B.U Grand Public chez Cegetel-SFR.