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Avis clients : ils provoquent des incendies pour vendre leurs extincteurs

Publié le 26 mai 2023 à 13:50 par Magazine En-Contact
Avis clients : ils provoquent des incendies pour vendre leurs extincteurs

Stéphane Alligné est l’un des rares spécialistes français de l’avis client en même temps qu’un combattant : il a attaqué en justice et gagné contre Trustpilot, l’un des acteurs du secteur. Il partage son point de vue sur la bonne façon de gérer la e-réputation et les avis clients ainsi que les contributions des experts, comme chez ManoMano.

Les avis clients sont-ils dignes de confiance et si ce n’est pas le cas, sur quels sites et plateformes le sont-ils plus ?

Oui, les avis clients sont fiables dans la mesure où la collecte de ces avis est effectuée auprès d’un pourcentage représentatif de la clientèle de l’entreprise concernée. Le sujet des avis clients est plus complexe qu’il n’y paraît : lorsque l’entreprise ne sollicite pas ses clients, dans leur ensemble afin de leur demander un avis, seuls les clients déçus s’expriment au travers d’un avis négatif. D’une part, car un client satisfait n’a pas lieu de trouver cela exceptionnel d’avoir obtenu le produit ou le service souhaité. Par conséquent il s’abstient de communiquer sa satisfaction si on ne le sollicite pas directement à ce sujet. D’autre part, car un client mécontent n’a nul besoin d’être sollicité pour exprimer son insatisfaction au travers d’avis client. Bien au contraire, certains clients usent d’ailleurs de cette possibilité afin d’effectuer un chantage commercial auprès du marchand concerné en cas d’insatisfaction.

Souvent, les plateformes d’avis clients qui affichent des avis majoritairement négatifs à propos d’une entreprise, n’ont tout simplement pas interrogé les clients satisfaits de l’entreprise, mais laissé les clients mécontents s’exprimer afin de générer un contenu putaclic à des fins mercantiles.

Naturellement, le consommateur est trompé par ces sites d’avis qui présentent ainsi une image parcellaire de l’activité réelle de l’entreprise concernée.

Pire, cela crée une concurrence déloyale entre l’entreprise qui a souscrit aux services (généralement payants) de la plateforme d’avis clients afin d’adresser des sollicitations d’avis à l’ensemble de sa clientèle pour connaître leur satisfaction, et les autres.

Le véritable problème réside dans la création arbitraire de pages d’avis d’entreprises par certaines plateformes d’avis clients à l’instar de Trustpilot.

Dans les faits, l’entreprise découvre généralement par inadvertance une page créée sans son consentement et qui regroupe la plupart du temps des avis négatifs (les clients satisfaits n’étant pas sollicités). Contactée, la plateforme d’avis clients explique au marchand qu’il doit souscrire une offre commerciale payante afin de rééquilibrer les avis négatifs avec des avis positifs en contactant simplement l’ensemble de sa base de données clients avec leur outil.

Au-delà de la question du RGPD sur l’utilisation de ces données, cela pose des questions éthiques et économiques : éthiques, car les méthodes commerciales employées sont proches du chantage. En effet, créer une page à l’insu d’une enseigne pour y ajouter ensuite un contenu putaclic à son sujet, non-vérifié, souvent mensonger, afin de vendre ensuite des services pour corriger la situation, revient à lui vendre l’extincteur pour éteindre l’incendie qu’on a soi-même allumé. Économiques, car si une multiplicité de plateformes d’avis clients, peu scrupuleuses, agissent ainsi et créent des pages arbitrairement concernant des entreprises, ces dernières doivent consacrer davantage de temps à la gestion de ces multiples pages d’avis au détriment de leur activité principale. En outre, la plupart des entreprises disposent déjà d’une page d’avis clients créée par leurs soins auprès d’un tiers de confiance.

Or, une page d’avis clients est déjà coûteuse dans sa gestion quotidienne (les salariés d’une entreprise en charge de cette mission ne sont pas bénévoles) et notamment lorsqu’une offre commerciale a été souscrite. De surcroît, pour le consommateur déposer un avis clients négatif sur une plateforme d’avis qui n’est pas reconnue par l’entreprise concernée, implique de ne pas voir son problème solutionné, ou d’obtenir une réponse. Je le répète, les plateformes qui créent des pages d’avis à l’insu des entreprises concernées sont similaires à des pyromanes qui allument un incendie pour ensuite se présenter comme pompiers afin de l’éteindre moyennant un abonnement, payant bien entendu.

Mieux, certaines d’entre elles incluent dans leurs conditions générales, des juridictions étrangères en cas de contentieux, réduisant ainsi à néant l’accès au juge pour une TPE ou une PME. Comment un petit restaurateur pourrait-il défendre la réputation de son entreprise et de ses salariés à Copenhague où à Londres comme Trustpilot l’impose actuellement en créant des pages d’avis client à leur insu ?

Selon moi, pour le consommateur, seule la plateforme d’avis clients officielle de l’entreprise concernée devrait être considérée comme fiable.

Vous avez bataillé contre Trustpilot pourquoi ? Quelle a été l’issue de cette bataille juridique ?

En effet, au regard des méthodes déloyales et illégales précédemment citées de certaines plateformes d’avis clients qui se prévalent (injustement) d’être garantes de l’intégrité des entreprises auprès des consommateurs, nous avons assigné au tribunal de commerce de Paris la société Trustpilot. Naturellement, au regard des griefs à leur encontre, et compte tenu de la non-conformité de leur site Internet, Trustpilot a été condamné. (Ordonnance du 29 Janvier 2021 du TC de Paris.). De surcroît, cette condamnation a motivé d’autres TPE et PME d’aller dans cette voie pour faire respecter l’équité entre les droits des consommateurs et ceux des entreprises. Différentes procédures sont en cours dans tout le pays. En outre, certaines plateformes ne modèrent aucunement les contenus qu’elles publient laissant accessibles des propos orduriers et calomnieux sans aucun filtre, au détriment des salariés des entreprises concernées. Ce n’est pas acceptable. La liberté d’expression s’arrête là où commence la calomnie.

Les Cahiers de l'Expérience Client n°7 bientôt disponible

Des marques, telles BlaBlaCar, Fnac-Darty, ManoMano animent, mobilisent des communautés d’experts, de passionnés comme elles les appellent pour répondre aux questions des prospects, internautes. Qu’est- ce que cela vous inspire ?

L’animation d’une communauté pour répondre aux questions des prospects n’a pas de lien direct avec la gestion des avis client corrélatifs à des ventes effectuées. Mais cela permet de tisser un lien en amont avec le consommateur qui sera sans doute moins enclin à déposer un avis négatif en cas d’insatisfaction après avoir échangé précédemment avec des ambassadeurs de l’enseigne ou bien directement avec des salariés de l’entreprise.

D’une façon générale, l’économie digitale, des start-up et des licornes vous semble-t-elle coutumière de pratiques étranges pour ce qui relève de leur e-réputation?

Lorsque la loi est respectée par les plateformes d’avis clients il est tout à fait possible de transformer la contrainte d’un avis client négatif en opportunité marketing ou commerciale. Un exemple : en 2022, l’enseigne de fast-food Burger King utilisait les avis clients négatifs déposés à son encontre pour en faire un argument marketing :

https://www.cbnews.fr/marques/image-burger-king-recrute-avec-pires-avis-71209

Retrouvez cette interview dans Les Cahiers de l'Expérience Client n° 7, ainsi que les best practices de 14 grands fabricants français.

 

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