Arnaque au faux conseiller bancaire. Rencontre avec Sylvie Noachovitch, l’avocate qui a fait condamner BNP Paribas

Arnaques téléphoniques au faux conseiller bancaire. Elles ont débuté et se sont industrialisées depuis 2020 et auraient concerné plus d'un million de victimes en France pour un butin d'un milliard d'euros. Un livre enquête sort sur le sujet, aux éditions Flammarion. Une avocate, une seule en France, a permis à son client, victime, d'être remboursée par sa banque, BNP Paribas.  

Pour la première fois, une banque est sanctionnée après qu'un de ses clients a été floué par un faux conseiller au téléphone à hauteur de 54.500 euros après cinq années de bataille juridique. Sylvie Noachovitch est l'avocate qui a remporté ce combat, pour son client. 

La persévérance est parfois payante. Près de cinq ans après les faits, la Cour de cassation a définitivement condamné le 23 octobre BNP Paribas à rembourser un client qui s’était fait piéger au téléphone par un faux conseiller bancaire.

La Cour a rejeté le pourvoi de la banque et a condamné celle-ci à rembourser la somme de 54.500 euros au client, victime de "spoofing téléphonique" (usurpation de numéros de téléphone), fait-elle savoir dans sa décision.

Ne vous fiez pas à la couleur flashy de ses vêtements, ni à l’adresse prestigieuse d’un de ses cabinets, Paris 16ème où s’installent plutôt des avocats en M/A et des prestigieux cabinets anglo-saxons, Maitre Sylvie Noachovitch est là pour combattre l’injustice. 

Depuis plus de trente-cinq ans, à Enghien, à Paris, dans l’Ain et sur M6 (où elle assiste Julien Courbet dans l'émission Ca peut vous arriver), Sylvie ne se laisse pas faire, ne laisse pas faire.

La pénaliste sort souvent de son couloir pour affronter les arnaques et les erreurs judiciaires, comme la célèbre affaire Omar Raddad. En 2022, elle oblige la cour à reconsidérer le meurtre d’une postière dans l’Ain. « Non, Mamadou Diallo n’est pas coupable », croit-elle.

Plus récemment, c’est à un véritable fléau qu’elle s’est attaquée : les arnaques par téléphone, en pleine expansion. A la Cour de cassation, Me Sylvie Noachovitch est parvenue à faire condamner BNP Paribas. À la suite d’une escroquerie, la grande banque a dû rembourser son client, ce qu’elle rechignait à faire.

« De nombreux avocats ont commenté cette décision historique, qui va ouvrir une jurisprudence majeure, mais peu de gens savaient que c’est moi qui ai remporté cette affaire. Mon client avait été trompé, les banques ne peuvent pas se défausser. »

Les Caméléons, le livre enquête
Dans Les Caméléons, qui vient de sortir chez Flammarion, le journaliste indépendant Thibaut Martinez-Delcayrou, qui a été lui-même piégé, raconte les réseaux et les techniques de ces “banquiers”, très disponibles et réactifs, contrairement à de nombreux conseillers bancaires classiques. Comme on peut le découvrir dans l'ouvrage, tous les types de clients des banques sont concernés et toutes les banques, même les plus prestigieuses, telle American Express. Le phone spoofing n'épargne personne et l'IA, qui permet de créer des voix très ressemblantes, va accélérer ce fléau. Le livre raconte, comme dans un thriller, les pratiques d'Emmanuel B., chef de clan, né à la fin de l'année 99, qui vit avec son frère dans un modeste appartement du 14ème arrondissement de Paris, un quartier que les gamins d'ici appellent le cul de Paris.

Nom: Strauss Kahn, carte : American Express. Pour obtenir toutes ses informations confidentielles, les escrocs n'ont plus qu'à payer une centaine d'euros (..) Ils entrent le numéro de la carte bleue de DSK sur le site et attendent de l'avoir au téléphone, pour déclencher la validation de l'achat. Mitch prend un téléphone au pif dans une sacoche, l'allume et insère une puce (..) Il active l'application de spoofing et fait apparaitre le numéro du siège d'American Express: le 01 47 77 30 00.

Monsieur Strauss-Kahn, c'est Monsieur Dupuy, du service sécurité d'American Express, nous vous appelons dans l'urgence (..) Strauss-Kahn valide la transaction. Mitch serre le poing et rassure DSK: quand bien même cet argent disparaitrait, il lui serait vite remboursé. La mission DSK n'est pas terminée tant que le bracelet Cartier, un modèle introuvable en France, n'est pas dans leurs mains (..) C'était donc si facile que ça de se faire un ancien ministre ? 

(Extraits page 60 et 61)

Lire la critique du livre, dans le prochain numéro d'En-Contact. 

Interview, dans son bureau, d’une résistante iconoclaste: Sylvie Noachovitch.