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A l’Elysées Lincoln, le petit poucet des exploitants réinvente l’expérience cinéma. Aux Champs-Élysées!

Publié le 04 octobre 2025 à 11:00 par Magazine En-Contact
A l’Elysées Lincoln, le petit poucet des exploitants réinvente l’expérience cinéma. Aux Champs-Élysées!

L'expérience spectateurs, salles de cinéma, est devenue un enjeu, un sujet rebattu une promesse parfois usurpée. Sur ce sujet et selon nous, Pathé déçoit. UGC déserte tandis que La Pagode se fait désirer*. MK2 fait preuve de réalisme et tente l'hôtel avec chambre. Réouvert hier, le célèbre complexe cinéma Elysées Lincoln fait-il la course en tête en matière de réinvention de l’expérience salles de cinéma, près des Champs-Elysées ? 

Exploiter une salle de cinémas sans perdre trop d'argent est presque aussi complexe désormais que de tenir un commerce de prêt à porter, à l'époque de Shein et d'Uniqlo. Certes, on peut, comme un certain Frédéric Merlin, PDG de la SGM, résoudre l'équation en encaissant le produit des ventes et en oubliant de régler la marchandise à ses fournisseurs, une pratique industrialisée au BHV Marais. 

Cette astuce mise à part, il faut plutôt songer à faire revenir le public en salles, notamment les jeunes et enraciner l'idée qu'un film visionné depuis le fauteuil d'une salle obscure demeure une expérience culturelle distinctive. Avant-hier, 1er octobre, on est allés tester la copie rendue par les exploitants de Multiciné, dans une rue perpendiculaire à l'avenue célèbre.

On a aimé
On a aimé : la décoration qui diffère des couleurs habituelles et la taille des fauteuils, en salle 3, avec un espace incroyable. Le maintien d'une équipe d'ouvreurs cordiaux, qui semblent aimer le cinéma et confèrent à l'accueil un caractère familial. La qualité de visionnage des films et la programmation, toujours éclectique. Et l'absence… de pop-corns enfournés bruyamment durant la séance. Il n'y en a pas à vendre.

On a apprécié également.. l'absence de communiqué de presse pour annoncer cette mutation, un communiqué de presse au fil duquel on nous aurait fait croire à une réinvention puissance N, alors que ce qui a changé est ce qui devait changer: le confort en salles et la qualité de projection. On a testé la salle 3 et sa configuration unique, qui permet à la salle de se transformer très rapidement en salle de réunion.  

Un peu d'histoire
En 1969, l’Élysées Lincoln est le premier complexe (établissement de plusieurs écrans) construit from scratch dans le quartier des Champs-Élysées et projette, lors de sa 1ère séance, More de Barbet Schroeder ! Classé cinéma Art et Essai, sa  programmation est qualitative. Après la mort de Boris Gourevitch en 1980, c'est sa fille sa fille Laura Pollak puis le gendre de cette dernière, Jean-François Merle, qui reprennent le flambeau. Un livre raconte cette saga. 

L’avenue des Champs-Élysées a perdu son prestige cinématographique, alors qu'elle a compté jusqu'à soixante salles, dont le mythique Balzac, plus haut dans l'avenue où Mister Schpoliansky a présenté jusqu'à la fin les films, micro en main. 

Aidé par l'atelier ABFM, l'équipe de Multiciné a été ambitieuse :  les trois salles sont plus confortables, égayées par des moquettes aux motifs floraux qui rappellent celles de l’hôtel de la Païva, des formes géométriques qui renvoient à Mondrian, fauteuils clubs, boiseries, appliques vintage et lumières diffuses… : le spectateur vit une expérience cinématographique inédite et chaleureuse. Sans oublier la qualité de la projection avec deux projecteurs 4K et un son performant. 

Les trois salles ont été renommées ( l’Audito, le Studio et le Club) et bénéficient chacune d’une décoration personnalisée. Si les deux premières salles sont dédiées au cinéma, le Club peut être transformé pour une utilisation B2B: séminaires, conventions et autres événements d’entreprises.

Grâce à la musique, au Jazz, à une voix ou un batteur, peut-on changer le cours des choses ? 

L’Audito (146 fauteuils), situé en sous-sol, conserve sa capacité d’origine tandis que le Studio au rez-de-chaussée (42 fauteuils) a réduit la sienne avec de larges fauteuils. Le Club, la salle la plus vaste, propose quant à elle 36 fauteuils extra-larges qui peuvent être retirés pour les événements et accueillir jusqu’à 200 personnes. Au-dessus de la nouvelle façade, un écran LED annonce les films à l’affiche de l’Élysées Lincoln, « le cinéma le plus instagrammable de Paris » selon Louis Merle !

La Palme d’Or du dernier Festival de Cannes Un Simple accident du courageux cinéaste iranien Jafar Panahi a inauguré ce le nouvel Élysées Lincoln. On y a pour notre part savouré un documentaire musical, évoquant le Congo, le Katanga, Patrice Lumumba..

Soundtrack to a Coup d'état
Jazz, politique et décolonisation s’entremêlent dans ce grand huit historique qui révèle un incroyable épisode de la guerre froide. En 1961, la chanteuse Abbey Lincoln et le batteur Max Roach, militants des droits civiques et figures du jazz, interrompent une session du Conseil de sécurité de l’ONU pour protester contre l’assassinat de Patrice Lumumba, Premier ministre du Congo nouvellement indépendant. Dans ce pays en proie à la guerre civile, les sous-sols, riches en uranium, attisent les ingérences occidentales. 2H30 pour se replonger dans la guerre froide et constater que le passé est présent. 

Les réglages à prévoir ( ce qu'on a moins aimé)
On a eu du mal à trouver les toilettes, mal signalées. Le film n'était pas sous-titré, probablement à cause d'une erreur de copie fournie par le distributeur. Une spectatrice s'en est plainte à la sortie. Mais, comme elle a pu échanger avec un ouvreur et non un distributeur automatique, la dame a reçu des excuses et une proposition, vite formulée, de venir revoir le film. De l'intérêt des échanges, à l'époque des agents IA. 

Affiche pour le film “More” de Barbet Schroeder

Voilà pour les petits réglages qui dénotent une fin de chantier pas complètement aboutie, ce qui survient souvent et sera vite résolu.  

More
Le quartier des Champs n'est plus celui du cinéma. En raison de la pression foncière et de la baisse de la fréquentation dans les salles, il ne reste quasiment plus de cinémas sur la plus belle avenue du monde. Les Champs-Élysées ont pourtant été longtemps la vitrine française du 7e art, avec une apogée dans les années 60 et 70. « Vous pouviez croiser tous les boss des grandes entreprises de cinéma, quasiment sur 300 mètres ! Si vous remontiez l'avenue, vous rencontriez à coup sûr quelqu’un travaillant dans le cinéma. Et dans tous les petits restaurants autour des Champs-Élysées, le midi, ça ne parlait que de cinéma ! » a un jour raconté Emmanuel Papillon, le directeur du Louxor-Palais du Cinéma. Il a en effet préalablement travaillé dans la distribution. 

Grâce à une très bonne idée (configurer les salles afin qu'elles puissent servir à générer d'autres revenus) les exploitants de Multiciné escomptent perdurer dans le métier, grâce à la trésorerie, un carburant essentiel dans le cinéma. On le leur souhaite. Et l'on attend, dans les autres salles de leur réseau, la suite des travaux !

Le spectateur peut devenir promoteur : UGC
Chez UGC, récemment, une autre innovation nous a marqués, la possibilité offerte de donner son avis sur le film vu, de façon simple et sans trafic de notes. On a détaillé ici les ressorts de cette nouvelle pratique. 

Avec cette rénovation, les frères Merle, héritiers par alliance des fondateurs de Multiciné, ont rendu une copie professionnelle, probablement couteuse : rénover un cinéma revient en moyenne à 3000 euros par mètre carré, hors investissement technologique.  

Grâce au travail et à l'implication de Sophie Dulac et, là aussi, des héritiers de celle-ci au sein de Dulac Cinéma, les Champs-Elysées perdurent comme lieu de destination pour aller voir More ou la dernière palme d'or. Chez MK2, les enfants sont également aux commandes. La distribution et l'exploitation des salles obscures semble, en France, une affaire de famille et d'héritiers. Quand il n'y en a pas ou qu'on a besoin de cash, on vend. Canal + s'est engouffré récemment dans la brèche, en rachetant UGC. Avec le soutien essentiel de Canal +, voilà ce qu'on va lire de plus en plus fréquemment sur l'écran.  

*En matière de nouvelles propositions d'expérience salles. 

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