Le magazine indépendant et international du BPO, du CRM et de l'expérience client.

« J’ai vécu deux chocs acoustiques aujourd’hui »

Publié le 23 août 2010 à 09:32 par Magazine En-Contact
« J’ai vécu deux chocs acoustiques aujourd’hui »

Angélique Monfraix

Téléconseillère du site CCA International de Carmaux

 

Comment allez-vous aujourd’hui ?
Psychologiquement, c’est difficile. Après l’année qu’on a vécue, on ne peut dire qu’on s’en soit remis. Et puis il y a cette mise en examen. Physiquement j’ai vécu deux chocs acoustiques aujourd’hui. Je vis avec des acouphènes, des migraines.

Depuis quand travaillez-vous dans le centre CCA de Carmaux et quelles sont vos fonctions ?
Je travaille sur l’activité recouvrement Orange, il est vrai que les clients ne ménagent pas nos oreilles ! Et d’ailleurs je remarque qu’ils sont de plus en plus agressifs…
Cela fait huit ans que je travaille ici. A l’époque des « faits » j’étais déléguée du personnel. J’ai été représentante syndicale jusqu’en juin 2010.

Quelle a été votre action en tant que représentante du personnel et représentante syndicale lorsque le problème est apparu ?
Nous avons mené une action surtout au niveau de l’écoute. Il était difficile de rassurer les collègues, comme le phénomène est inconnu. Nous ne mettions pas leur parole en doute, contrairement à la direction.

Quels ont été les conséquences les plus graves de ces chocs ?
Un salarié a fait une tentative de suicide. Il avait reçu plusieurs chocs, reconnus par le médecin du travail qui lui avait accordé des congés maladie, puis il a exercé son droit de retrait. La direction a fait pression pour qu’il revienne. Il a repris les appels, a subi de nouveaux chocs, la direction a mis sa parole en doute. Il a été déclaré inapte et licencié.

Combien d’incidents se sont-ils produits ?
Il y a eu plus de 100 incidents sur la seule année 2008. L’activité la plus touchée était la réception d’appels pour le 118 218. Aujourd’hui il est difficile de dire s’il en reste, il y en a moins, mais il y a aussi moins de communication à ce sujet. On ne connaît toujours pas l’origine de ces chocs.

Qu’est ce que la direction Direction a fait pour traiter le problème ?
Suite aux accidents, des limiteurs ont été mis en place. Ils sont arrivés de nuit, ont été mis en place dans l’urgence, non pas par des experts mais par des superviseurs qui ne savaient pas comment faire. Les accidents ont recommencé : certains limiteurs avaient été branchés à l’envers. Sennheiser et Jabra sont alors venus pour installer leur matériel correctement et nous expliquer comment l’utiliser. Des experts de Navigacom et de France Télécom sont aussi venus observer le problème. On n’a pas eu beaucoup d’informations.

Et ces limiteurs règlent ils complètement le problème ?
Les limiteurs bloquent toute sortie supérieure à 80db. Ils écrêtent le signal presque immédiatement, or les téléconseillers sont fragilisés par les chocs qu’ils ont reçu ici, la répétition de petits chocs suffit pour créer un traumatisme. Par ailleurs, il est difficile d’entendre clairement avec ces casques qui limitent tellement la sortie. On a eu du mal à s’habituer, et c’est très fatiguant car l’oreille travaille plus.

Pourquoi avez-vous décidé d’intervenir dans les médias, notamment avec ces article dans la Dépêche du Midi qui vous a valu une mise en examen pour diffamation ?
On pensait qu’en en parlant on pourrait protéger d’autres personnes du problème, que cela encouragerait d’autres centres d’appels à exprimer leur expérience. Et depuis j’ai d’ailleurs entendu parler d’autre cas, à la CPAM du Tarn. Des collègues m’ont aussi contacté pour évoquer les chocs subis dans un centre de la BNP à Paris.

CCA International aurait retiré sa plainte ?
Il faut savoir que CCA International a fait trois fois appel pour trouver un procureur qui veuille nous convoquer. Au début c’était une plainte contre X. Tous les salariés qui ont parlé à la Dépêche ont été entendus, mais c’était bien moi qui était visée. Il y a eu un appel, puis un deuxième classé sans suite, et un troisième cette fois en mon nom. Ce qui est d’autant plus surprenant que j’étais alors déléguée syndicale et que je n’avais pas parlé dans la Dépêche en ma capacité personnelle. L’appel a été accepté. Il y a eu une comparution en Mai. Et CCA ayant vu l’ampleur que l’affaire prenait a retiré sa plainte la veille de la comparution, alors qu’ils avaient fait trois fois appel pour l’obtenir ! La procureure leur a expliqué que ce n’étaient pas eux qui faisaient la loi et a refusé de laisser tomber la plainte. J’attends depuis la convocation pour l’audience, qui devrait me parvenir avant le 21 Août.

Estimez-vous que la direction a fait tout son possible pour protéger ses salariés ?
Non. J’estime que la direction aurait pu éviter les gros accidents s’ils nous avaient écoutés dès le début, s’ils nous avaient pris au sérieux. Nous n’avons pas été pris au sérieux suite aux chocs, jusqu’en décembre 2007.  A partir de ce moment là les salariés ont commencé à exercer leur droit de retrait, pour des périodes allant jusqu’à 8 ou 12 mois.

Une de mes collègues a perdu 80% de ses capacités auditives en un seul choc, son oreille a saigné pendant des heures. Tous ses collègues autour de la marguerite ont entendu le choc, à travers son casque à elle. Cette collègue aujourd’hui ne supporte plus les rires de ses enfants.

A lire aussi

Profitez d'un accès illimité au magazine En-contact pour moins de 3 € par semaine.
Abonnez-vous maintenant
×