Le magazine indépendant et international du BPO, du CRM et de l'expérience client.

« J’ai aujourd’hui autant d’objectifs professionnels que d’ambitions artistiques » (Orange)

Publié le 01 juillet 2011 à 08:50 par Magazine En-Contact
« J’ai aujourd’hui autant d’objectifs professionnels que d’ambitions artistiques » (Orange)

Interview François Vanderstraeten/Alvin H., téléconseiller chez Orange, auteur des « Légendes Ksônes »

« Nous sommes des êtres de puissance, nés pour dominer. Nous avons des pouvoirs tels que nous pourrions vous anéantir tous d’une simple pensée. Mais il a été décidé que nous allions plutôt user de nos pouvoirs pour gouverner vos peuples, nous approprier vos songes et vos connaissances, afin de retrouver les traces enfouies de notre propre passé. Ensuite, nous verrons ce que nous déciderons de faire de vous ». Toute ressemblance avec des discours de management chez France Télécom Orange ne pourrait être que fortuite – l’auteur de ces mots nous l’assure.
Dans le civil, François Vanderstraeten est téléconseiller. Pour le public, il est Alvin H., auteur de romans de fantasy, Les Légendes Ksônes, pour le moment auto-publiées sur internet par l’intermédiaire du site lulu.com. Récit d’une vocation et des stratégies qui lui permettent, un peu comme ses personnages, de passer d’un univers à l’autre, sans rien sacrifier, tout en essayant de rester lui-même. Interview  croisée.

François Vanderstraeten, quelle est votre profession, quel a été votre parcours ?
FV : Je suis chargé de relation client dans le groupe Orange France Télécom. J’ai commencé en tant qu’intérimaire sur le site de Villeneuve d’Ascq, en novembre 2003, sur le plateau grand public du 3970, puis en juin 2010 en CDI, et en Avril cette année, je viens d’être transféré sur le plateau du 1016, le service aux entreprises. Auparavant j’avais travaillé dans le télémarketing dans le VPC pour Daxon, une marque de vêtements pour seniors du groupe La Redoute. Il s’agissait d’appeler des personnes âgées en profitant d’un jeu-concours plus ou moins bidon pour leur vendre nos produits. Cela me posait un problème de défendre des pratiques marketing avec lesquelles je n’étais pas d’accord.

Alvin H., quand et comment avez-vous commencé à écrire ?
AH : J’ai écrit mon premier récit à l’âge de 15 ans… avec le recul je le trouve bien insipide ! C’est le frère de mon meilleur ami, et ses amis qui m’ont mis sur la voie. Nous étions 5 à 6, nous écrivions à la main, on partageait nos inspirations, cela créait une émulation. Mes premiers récits « sérieux » datent de 1994-1995, c’étaient des thrillers, thrillers fantastiques dans le genre de ce que fait Stephen King. C’est en 1996 que j’ai eu l’idée des légendes, et d’écrire un vrai roman structuré, avec tout un univers créé de A à Z. Au début, je comptais écrire deux ou trois volumes, et cela s’appelait les Légendes Infinies, en fin de compte, c’est devenu les Légendes Ksônes et j’en suis à mon septième volume.

Quelle a été l’évolution de la trame narrative ?
AH : Il y a eu trois versions, en 1996, 2009 et 2010. J’avais au début des aspirations philosophiques, les légendes nourrissant une réflexion sur Dieu, les hommes… puis je me suis concentré sur le développement de l’univers, avec une base simple : des créatures redécouvrent peu à peu leur potentiel inconnu.

Qui sont vos auteurs références ?
AH : Dans l’univers de la fantasy, Tolkien, ou Lovecraft : le premier parce qu’il a le talent pour construire un tout hiérarchisé, cohérent, le second pour ses scénarios passionnants. Dans celui du thriller, Stephen King ou Clive Barker : c’est fascinant, ils parviennent à développer à partir de pas grand chose une histoire qui finit pas vous faire dresser les cheveux sur la tête.

Faisiez-vous partie de ces élèves dont on épinglait les rédactions au collège ou au lycée ?
FV : Oui, cela m’est arrivé ! J’étais bon en orthographe, j’aimais écrire, mes profs aimaient mes devoirs, mais j’étais alors assez timide, je n’ai pas eu avec eux de discussion qui m’ait amené vers l’écriture.

Pourquoi ne pas avoir cherché un métier plus « littéraire » alors ?
FV : J’ai essayé, j’étais bon en langues, je me suis inscrit à la fac d’anglais, langues, littérature et civilisation étrangère. Mais au bout de deux ans je m’ennuyais. Les cursus universitaires, on n’en voit pas le bout. Au McDo je voyais l’argent qui tombait, c’était concret.

Comment avez-vous partagé votre temps entre l’écriture et votre emploi ?
FV : J’arrivais sur le plateau  vers 9 heures, je me mettais à écrire, document Word sur mon PC de travail, je commençais ma prise d’appels comme prévu à 11 heures, à 13 heures j’avais une à deux heures de pause déjeuner, je recommençais mon récit, et puis je recommençais à prendre des appels jusqu’à 20 heures. Pour le dernier roman cela a duré trois mois et demi comme ça. Je préfère écrire avant ma journée de travail qu’après, précisément pour ne pas me faire influencer par l’ambiance de mes journées, les clients difficiles, les inconvénients du quotidien au travail, parce que je sais que lorsque l’ambiance de la journée a été pourrie, on n’a plus envie de faire grand chose après.

Cela devait être difficile de sortir de votre « monde » pour prendre le premier appel ?
FV : Je faisais attention. A un quart d’heure du début, j’entamais ma transition vers le travail, je prenais un café, une clope, je sortais prendre l’air pour éviter d’être surpris. Je ne voulais pas sacrifier l’un à l’autre.

Vous êtes-vous inspirés de vos collègues pour le caractère de vos personnages ?
FV : Non, car ils avaient été créés avant que je ne commence à travailler ici.

Comment vos collègues ont-ils réagi lorsqu’ils ont appris que vous écriviez sur le plateau ?
FV : Ils ont vite compris ! Ils savaient que je préférais terminer tard plutôt que de commencer tôt, puis il y a eu un changement brutal. En fin de compte, le bruit des conversations au bureau le matin lorsque j’écrivais à mon poste, ne me dérangeait pas, il m’aidait même à m’évader pour me concentrer sur mon récit.

Et votre direction ?
FV : Ma hiérarchie m’a dit qu’elle ne voyait pas d’inconvénient à cela tant que cela n’avait pas d’incidence sur mes résultats. Et mes résultats n’ont pas été affectés, en fait, ils ont même progressé. En mars 2009, puis 2011, la direction a organisé les « saison des créateurs » : tous les salariés venaient exposer leurs « œuvres » réalisées en dehors de leur travail. J’ai passé une demi-journée à parler du roman. Ca m’a permis de faire ma promo ! (rires) Beaucoup de collègues sont venus me voir pour me demander des conseils. J’ai compris que beaucoup aimeraient écrire.

Quel est l’avenir de votre dernier livre ?
AH : Pour le moment je le passe aux webzines spécialisés sur la fantasy, afin de récupérer des retours qui me permettront de réviser le manuscrit, jusqu’à ce qu’il soit mûr pour que je le présente à un éditeur, pour l’été j’espère. S’il est accepté, il ne sortira pas avant 2012, à compte d’auteur. Mais je travaille déjà au prochain !

Espérez-vous vivre de votre plume ?
FV/AH : Comme tout artiste, je caresse le rêve de vivre de mon art. Mais je sais que seuls 3% des auteurs à compte d’éditeur en vivent. Si ça m’arrive, je prends ma retraite de chez Orange ! Mais je crois que j’ai trouvé l’équilibre. J’ai aujourd’hui autant d’objectifs professionnels que d’ambitions artistiques. Encore une fois, je ne veux pas sacrifier l’un à l’autre.

Par Manuel Jacquinet
Photo tirée du film Opération 118 318, Sévices clients

A lire aussi

Profitez d'un accès illimité au magazine En-contact pour moins de 3 € par semaine.
Abonnez-vous maintenant
×