Une autre pratique du métier d’outsourceur est possible : Teletech l’a démontré
L’entreprise qu’il dirige et lui-même se sont faits plus discrets depuis quelques années, après avoir dans les années 2000 à l’instar de B2S et d’autres outsourceurs occupé le devant de la scène.
Une fois passé les prises de paroles médiatiques et les réactions qu’elles ont pu susciter, reste Teletech International, une entreprise qui a, à de nombreux titres, innové et cherché une troisième voie :
Les premiers centres d’appels en milieu rural, l’attention portée au bien être des salariés et à leurs conditions de travail, la réflexion sur le télétravail ( qui s’était même incarnée dans un magazine du même nom ), c’est eux. Quinze ans après ces démarrages, quel bilan Emmanuel Mignot dresse t’il de cette période et de ces expérimentations ?
En 1993, TELETECH International a lancé en France le concept de call center. Dès l’origine, l’entreprise s’est engagée dans la revalorisation de l’espace rural, passant pour la plupart pour une utopie : pas d’infrastructure télécom, ce qui obligeait à pré construire les capacités nécessaires et donc à les financer. Pas non plus de bassin d’emplois étudiants, qui constituait et constitue encore souvent le principal des ressources humaines des centres d’appels. Enfin, pas d’offre immobilière adaptée, d’où l’obligation de créer soi-même ses bâtiments.
Comme il n’y a plus en France d’organisme pour financer les investissements en milieu rural, cela limitait forcément les moyens disponibles pour construire de grands espaces de production.
Bien sûr, il n’y avait pas non plus de grand donneur d’ordre à proximité pour pallier tous ces handicaps.
Tout cela explique que quinze ans plus tard, TELETECH International reste le seul prestataire qui se soit engagé dans l’ouverture de centres d’appels en milieu rural.
Il faut se souvenir qu’en 1993, la quasi-totalité des call centers qui se sont montés l’ont été à Paris intra-muros, puis en petite couronne. C’est bien des années plus tard que sont apparues les implantations dans les grandes villes de province, avant d’atteindre, tout récemment, les villes moyennes.
Qu’en est-il donc, seize ans plus tard, de Teletech International ?
C’est la question que m’a posée Manuel Jacquinet, qui faisait ainsi suite au diagnostic de Maxime Didier dans les colonnes du numéro de janvier du magazine En Contact, prédisant la disparition des outsourceurs de taille moyenne, la survie précaire des petits et le succès grandissant des grandes structures (telles que la sienne).
Il ne s’agit pas particulièrement de la santé financière du groupe, qui au demeurant est très bonne et dont la progression apparaît comme très favorable, en dépit d’une conjoncture générale plus que morose. Il est davantage question de porter un regard sur notre expérience originale et disons-le, nettement décalée.
Bien entendu, on ne s’implante pas dans un village de l’Yonne pour y créer un call center de cent personnes par hasard. Ni sans être conscient des obstacles auxquels il faudra faire face.
Il y a dans cette décision un fondement idéologique essentiel : démontrer que les call centers peuvent jouer un rôle majeur dans l’aménagement du territoire, en dépit des échecs de toutes les politiques en la matière, puisque rien n’a pu arrêter l’exode rurale. Le monde rural devient un désert et il est plus difficile de réussir dans un désert qu’au cœur des grandes cités.
Le pari était de créer un nouveau modèle, fondé sur la formation, initiale et continue.
Il n’y avait pas de bassin d’emplois d’étudiants bien formés et acceptant la précarité. Nous allions nous engager dans la formation des personnels résidant à proximité de nos plates-formes. Pour cela, il nous fallait disposer de plus de temps : la fidélité de nos conseillers ne pourrait s’obtenir qu’en contrepartie de conditions de travail agréables, de contrats longue durée, et d’un travail intéressant.
Cela nous a conduits à rechercher des contrats longue durée, à bonne valeur ajoutée, avec des clients prêts à s’engager dans cette voie vertueuse à nos côtés.
Il fallait pour cela leur proposer un niveau de prestation supérieur, à des conditions attractives, tout en conservant des marges nous permettant d’investir dans des infrastructures et des moyens qui manquaient à notre environnement immédiat.
C’est donc en programmant chaque année des formations continues pour 10% du temps de travail que nous avons pu garantir à nos clients des prestations en constante progression.
Les premiers à nouveau, nous avons incité nos conseillers à faire valider les acquis de leur expérience, via des diplômes en VAE (Validation des acquis de l’expérience). Tous nos candidats ont été diplômés dès la première fois !
Mais au-delà, nous avons été les premiers à nous engager dans la réduction du temps de travail de façon volontaire et généreuse, et ce dès 1997.
Optimisation des coûts techniques
En nous dotant dès 1996 de notre propre SSII interne, nous avons acquis la totale maîtrise de nos moyens techniques, ce qui nous permet encore aujourd’hui de faire profiter nos clients d’un coût d’équipement inférieur de moitié à ceux de nos confrères.
Et finalement, la fidélité de nos collaborateurs (4,5% à 6,5% de turn-over en moyenne depuis quinze ans, et 2,8% cette année) nous fait économiser des frais de recrutement et de formation qui sont souvent des postes lourds dans nos métiers. Mais surtout, leur professionnalisme est un facteur clé de succès pour les dossiers les plus complexes. Nous avons souvent réussi là où bien d’autres avaient échoué et surtout, bien plus rapidement.
Bien sûr, comme les autres, nous avons ressenti la pression accrue sur nos prix de vente, en particulier à l’occasion des procédures d’appels d’offres en enchères inversées. Cela nous a contraint à mesurer les salaires de nos collaborateurs, bien au-delà de ce qui est juste, en particulier au regard de la qualité et de l’engagement des équipes de nos call centers.
Les conditions de travail
Si nous avons parlé procédures de sélection rigoureuse, formation continue régulière et contrats de travail de longue durée, nous n’avons pas oublié qu’au quotidien, les conditions de travail sont aussi une question d’environnement et d’ergonomie.
Nous avons porté un soin particulier au choix de nos implantations : un environnement champêtre sans doute, mais accessible, à quelques dizaines de kilomètres d’une agglomération, un bon niveau d’enseignement secondaire et si possible un bon BTS ou un bon IUT.
Surtout, le lieu doit être agréable, reposant au premier coup d’œil et exempt de toute nuisance.
Le foncier ne coûtant pas cher, nous avons choisi de ne pas restreindre l’espace. Ainsi, nous avons doté chaque collaborateur d’un espace de 7 m2 environ, d’un poste de travail spacieux et complètement adapté à sa mission.
Comme nous ne pouvions pas nous résoudre à l’achat des solutions « Vache qui rit », où seul l’ordinateur a de la place, nous avons créé dès 1995 un département Aménagement et Ergonomie, dirigé par un designer, Régis Träger, qui le pilote encore.
Aujourd’hui, TELETECH propose la quatrième édition de sa ligne de mobilier, Innowork, qui a également été retenue par EDF-GDF, Le Crédit Mutuel, Usinor et bien d’autres.
En la matière, nous avons, là aussi, pris une direction opposée à celles de nos confrères, lancés dans l’économie de mètres carrés.
En préservant leur espace personnel, en les dotant d’un poste de travail inspiré des salles de marché, en investissant dans les solutions les plus avancées en matière d’isolation phonique, en proposant des sièges très ergonomiques, en respectant toutes les recommandations en matière d’éclairage, et bien d’autres mesures, nous avons démontré du respect pour nos collaborateurs.
Pour conclure, avec nos trois centres en milieu rural sur les cinq ouverts en France, on peut dire que l’expérience de TELETECH International a permis de démontrer qu’une autre manière de pratiquer ce métier d’outsourceur était possible. De nombreux groupes de premier plan nous ont choisis et confiés des prestations très sensibles. Au fil du temps, plusieurs d’entre eux nous ont renouvelé leur confiance, parfois pour dix années, ce qui n’est pas habituel dans notre secteur.
Souvent, cette préférence s’est manifestée alors que nos prix n’étaient pas du tout les plus bas, en reconnaissance de la qualité du travail de nos collaborateurs.
Mais on peut dire que nous avons de temps à autre l’impression de souffrir plus qu’en ville de l’image dégradée de notre profession. Nos bassins d’emplois ne sont pas immenses et nous nous devons d’adopter un comportement exemplaire, sinon irréprochable. Nous faisons de notre mieux, en relation étroite avec nos clients, pour travailler dans le bon sens.
Emmanuel MIGNOT
Président Directeur Général