Teleperformance, leader mondial des centres d’appels et de l’intimidation ?
Le leader mondial des centres d’appels externalisés, entré cette année au CAC 40, multiplie les ukases, les menaces parfois- et les licenciements rapides de cadres- ces derniers temps, dès lors que les articles qui sont publiés sur l’entreprise, ses fournisseurs ou ses pratiques ne calent pas avec les messages corporate que l’entreprise entend voir relayés. Ou qu’on n’est plus raccord avec la ligne du parti.
Notre magazine a communiqué, l’an passé, sur des incidents qui se sont produits sur les plateaux de l’entreprise aux Philippines, puis ailleurs dans le monde, notamment dans le cadre de la collaboration qu’elle a avec Amazon et Ring. Appelé dans l’heure par le service communication, nous n’avons pas accepté de faire disparaitre l’article et les informations qu’il reprenait et que le FT (Financial Times) avait lui-même mentionnées. Parce qu’elles étaient vraies et vérifiées.
Voici quinze jours, le début de collaboration de l’entreprise avec le Ministère de la Santé, dans le cadre de la prise de rendez-vous pour les vaccinations, a donné lieu à un article qui a eu le malheur de déplaire à la filiale française. Même réaction. « Manuel Jacquinet, vous racontez des choses fausses ». Nous avions eu le tort de les valider avec le directeur de la communication du Ministère de la Santé. Elles étaient vraies.
Ces dernières semaines, différents partenaires de Teleperformance, dont des entreprises françaises, qui n’ont pas ménagé leur peine pour adapter leurs services ou mettre en place leurs équipements dans des délais resserrés, ont reçu les mêmes messages, voire des écrits; parce qu’ils osent mentionner dans leur communication pourtant très sobre, qu’ils collaborent avec les équipes françaises. Quoi de plus normal que de faire savoir qu’on est capable de travailler avec un leader mondial. Quel fameux secret des affaires devrait empêcher ceci ?
Parallèlement, de nombreux cadres expérimentés et reconnus dans le métier ont dû faire leurs bagages et leurs cartons, le rythme s’accélérant depuis la mi 2020. DSI, DG, Dir co etc, toutes les strates sont touchées, notamment en France.
Mon cher Daniel (Julien), à Miami, le pays où vous vivez s’est affranchi, démocratiquement et récemment, du sentiment de surpuissance que donne parfois, à un individu, un titre ronflant. Ne devenez pas comme les patrons des GAFA qui sont vos clients (Uber, Apple, Amazon…) un papi autoritaire, ce n’est pas digne de vos équipes, de votre talent, de la French Touch qui peut exister dans le beau métier qu’est la relation client. Vous avez le droit de supprimer brutalement, d’une année sur l’autre, les investissements publicitaires dans les médias qui n’ont pas l’heur de vous plaire ou d’écrire sous votre dictée. C’est votre droit. Et c’est le nôtre de publier, en toute indépendance, ce qui nous semble intéressant.
Mais, la prochaine fois que l’industrie des centres d’appels se fera tancer et humilier en place publique, avec malhonnêteté, parce qu’on relaye par exemple des pauses pipi chronométrées (il y a quelques années, la mise en place d’un outil de WFM, Work Force Management, avait déclenché ceci et de nombreuses émissions TV et Radio), vous serez bien seul. Chaque interaction compte et tous les Great Place to Work du monde ne masquent pas longtemps ce qu’on a mis sous le tapis.
Par Manuel Jacquinet