Sitel Group acquiert Sykes Enterprises et poursuit son rêve américain
Sitel Group, l’un des leaders mondiaux des centres de contacts et de l’expérience client externalisée, a annoncé vendredi dernier, le 18 Juin, le rachat de la société Sykes Enterprises, cotée au Nasdaq. Un énième épisode de la guerre pacifique déclenchée par un gang de français émigrés à Miami ou une escarmouche, à 2,2 milliards de dollars tout de même ?
Mondial, le marché de l’expérience client externalisée se joue désormais à l’échelle de la planète : il faut servir de façon homogène des clients exigeants, dans toutes les langues. Il convient donc d’être localisé partout où l’on peut gérer de façon efficace des conversations, au bon prix. Disposer par exemple de centres de contacts localisés aux Philippines permet de répondre aux clients américains ou australiens, l’être à Lisbonne ou Braga permet de dépanner un client européen de Netflix, par exemple. Depuis des années déjà, les key players que sont Alorica, Concentrix, Sitel, Teleperformance ou Webhelp etc acquièrent, via des rachats, des capacités de production, sur les continents ou dans les pays où des “usines” à gérer du contact sont installées ou peuvent l’être. A ce titre, le rachat de Sykes Enterprises par l’ex Acticall, devenu Sitel en 2015, procède d’une logique évidente : disposer de davantage de positions de travail, pour servir en plus gros volume les grands donneurs d’ordre. 155 000 postes de travail, ça commence à chiffrer. Et 4 milliards de dollars de CA en perspective pour le nouvel ensemble, voilà de quoi mieux négocier peut-être quelques postes d’achat quoique Sitel, une entreprise économe de culture, soit déjà efficace en la matière.
RPA, BPO ? L’important, c’est d’inventer
Rachetée 2,2 Milliards de dollars, l’entreprise Sykes Enterprises dirigée par Chuck Sykes, le fils du fondateur, est une entreprise bien gérée et efficace. Et elle possède en son sein un greffon, petit accélérateur de croissance, son logiciel de RPA Symphony, qui pourrait peut-être aider Sitel à migrer et élargir- encore plus vite- son business model vers des prestations et métiers de BPO à plus forte marge. Ce qui sera nécessaire pour gagner l’autre bataille, celle de la profitabilité : à Miami est en effet installé un autre groupe français, qui a entamé son aventure américaine bien avant 2005 : Teleperformance. Valorisé 60 fois son résultat, le leader mondial est encore identifié par les analystes comme la société la plus performante financièrement, ce qui explique cette valorisation et lui donne ainsi un coup d’avance pour d’éventuelles acquisitions judicieuses. (A titre de comparaison, Sykes est valorisé 20 fois son résultat 2020)
Sitel, dont le principal actionnaire est Creadev (le fonds d’investissement de l’AFM, l’Association Familiale Mulliez), poursuit donc logiquement son expansion mondiale, de façon appliquée ; démontre que les entrepreneurs français ne sont pas fâchés avec l’expérience client : ils la produisent, la peaufinent et la délivrent pour les plus grandes marques mondiales, aussi bien voire mieux que leurs homologues anglo-saxons auxquels ils n’ont rien à envier. Mais il reste au binôme qui dirige l'entreprise désormais, Laurent Uberti (voir photo de Une, - © Edouard Jacquinet) et Olivier Camino (Arnaud de Lacoste, dernier membre du trio des co-fondateurs, a quitté le groupe) à sortir des coups de génie pour rafler, sur le podium mondial, la place au Frenchie Daniel Julien. Ce dernier, amateur d’histoire et des aventures de Marco Polo, aligne plus de positions de travail, demeure plus rentable et valorisé. Les hypermarchés, qui ont été inventés en France, ne représentent plus guère l’avenir absolu du commerce, selon les experts de la distribution. Grossir pour mieux acheter ne suffit plus. C’est peut -être au contraire et en sus dans des associations pertinentes avec des acteurs, éditeurs complémentaires que se trouve l’avenir de ceux, nombreux, partis à la poursuite du leader mondial. En embarquant le callbot de Zaion au printemps, la filiale française de Sitel Group et TSC ( son agence digitale) ont permis par exemple de traiter avec efficacité les millions d’appels de patients français, sur la ligne d’info dédiée à la Covid-19. Elle sait donc discerner les side-men efficaces, collaborer avec eux.
Le rachat de Sykes Enterprises par Sitel Group ? Un appel du 18 juin, un message qui démontre que la résistance française à la suprématie mondiale de TP est vivante, nombreuse, backée financièrement (ici par BNP Paribas). Mais il va probablement falloir imaginer un vrai « débarquement » pour concrétiser le rêve mondial d’une place de numéro 1. On remarquera enfin que d'autres groupes, pourtant en embuscade pour prendre place sur le marché US ( Comdata, Intelcia, filiale d'Altice, Webhelp ) ne semblent pas s'être positionnés sur ce deal. Ou n'avoir pas été convaincus de la nécessité de débourser 2,2 Milliards de dollars.
C'est à savoir : Sykes Jr ( Chuck ) et les actionnaires du groupe de BPO cèdent, en cash, leurs actions à une valeur supérieure de 31% par rapport au cours de la veille. Il faut entre 4h et 5h pour relier Miami à Tampa, les deux sièges des sociétés, en voiture. Mais des vols existent entre les deux cités, à partir de 60 dollars. La Floride est l'Etat où la probabilité de devenir le numéro 1 dans le business du “crafting engaging experiences* ” pour le compte de tiers (la baseline d'un des concurrents de Sitel) est la plus forte. Mais les statistiques…
Le CA Teleperformance en 2020: 5, 732 Milliards d'euros. Les perspectives 2021 du nouvel ensemble Sitel Group et Sykes : 3,2 Milliards d'euros.
Par la rédaction d’En-Contact