Le magazine indépendant et international du BPO, du CRM et de l'expérience client.

Rue Vavin : "Grande distribution" et grande hypocrisie dans le chic VIᵉ arrondissement ? Des Start-Rite et Oxybul oui, Carrefour City non

Publié le 25 juillet 2025 à 10:00 par Magazine En-Contact
Rue Vavin : "Grande distribution" et grande hypocrisie dans le chic VIᵉ arrondissement ? Des Start-Rite et Oxybul oui, Carrefour City non

Dans le paisible VIᵉ arrondissement de Paris, l’opposition à l’ouverture d’un mini-Carrefour City rue Vavin se transforme en véritable clash de classes, sur fond de résistance élitiste contre les grands groupes. Des Start-Rite, Oxybul et le coiffeur de famille Simon Benbaruk, oui, la “racaille” et les livraisons liées à l'installation possible d'une énième supérette, non. 

Un micro-marché, un méga-scandale
Pendant que 2 millions de personnes meurent de faim à Gaza, et espèrent une distribution massive de nourriture, une pétition affichant près de 3 000 signatures conteste la transformation de l'ancien magasin Oxybul en Carrefour City, prévue pour la fin août 2025 au 19 rue Vavin, dans le VIᵉ arrondissement de Paris. Parmi les pétitionnaires, on compte des personnalités aisées du monde artistique, intellectuel et politique : l’ancien ministre de la Culture Jacques Toubon, l’essayiste Alain Finkielkraut, le chanteur Alain Souchon et sa famille, ou encore l’actrice Catherine Frot.  La Lettre A et un article de Stéphanie Marteau paru dans le Monde du 19 juillet, entaché d'erreurs, ont mis dans la lumière cette guérilla urbaine entre des “très chics opposants” et un certain type de commerce, d'expérience client.  

La pétition en question sur change.org…

Dans l'article du Monde certains noms étaient erronés : ni Ruth Elkrief, ni l’acteur Pierre Richard (le célèbre du Grand Blond) n’avaient signé – comme le rappelle un rectificatif du Monde. Parallèlement, un maire d'arrondissement ne donne pas une autorisation d'ouverture de commerce. Son avis est consultatif. 

Le cœur du mécontentement porte sur les nuisances attendues : bruit, accumulation de déchets, mendicité, flux de livraison, sans compter la crainte que cette grande enseigne ne tue les petits commerçants traditionnels du quartier. Tout cela relève d’un argumentaire que beaucoup jugent disproportionné : une authentique tempête dans un verre d’eau.

Une protestation de classe bien ancrée
Dans ce quartier qui côtoie les jardins du Luxembourg et La Rotonde, haut lieu apprécié des élites, cette agitation sonne comme un luxe bien français : la peur de voir s’installer une enseigne de grande distribution entre deux petits cafés et quelques librairies artisanales, un coiffeur de famille pour enfants et adultes, Simon Benbaruk, un spécialiste des chaussures Start-Rite, Le Lucernaire, café-théatre et cinéma..

Jean‑Pierre Lecoq, maire LR du VIᵉ arrondissement, n’y va pas par quatre chemins. Il qualifie les opposants de « village d’enfants gâtés qui croient que tout leur appartient », pointant du doigt une large présence de pétitionnaires issus du monde de la finance, coupables, selon lui, « d’avoir contribué à tuer les commerces de proximité les moins rentables »Il défend une vision pragmatique : mieux vaut un Carrefour City qu’un fast-food ouvert tard le soir, comme l’ancien McDonald’s qu’il avait refusé dans les années 1990.

Couverture médiatique : unidirectionnelle et sélective
La retranscription de cet événement dans les médias révèle une vision orientée. Le Monde titrait « À Paris, les très chics opposants à une future supérette », mettant l’accent sur le “chic” du quartier et renforçant la caricature élitiste.

Le traitement journalistique a amplifié les noms prestigieux et réduit les motivations à un caprice de bobos, sans creuser dans la diversité des points de vue.

Franceinfo et TF1 Info ont relayé l’affaire, insistant sur les slogans contre les nuisances et la mort des petits commerces, tout en titrant avec une tonalité sensationnaliste : « Une pétition s’oppose à l’implantation d’une supérette dans le VIᵉ arrondissement ».

Cependant, le torchon n’a jamais brûlé jusqu’à menacer l’emploi local, la sécurité des riverains ou l’environnement. Ni chiffres chocs, ni études d’impact, ni témoignages contradictoires venant de commerçants voisins : la couverture est restée à sens unique, en alimentant le feuilleton du "Quartier chic versus géant de la distribution".

Les signataires : entre stars, malentendus et retour en arrière
Parmi les visages renommés et connus on trouve
• Jacques Toubon
• Alain Finkielkraut : « Nous voulons juste préserver la beauté et la tranquillité de ce quartier » 
• Alain Souchon et ses fils
• Catherine Frot

… et quelques commentaires.

D’autres noms se sont révélés être des erreurs :
• Ruth Elkrief a fermement démenti avoir signé :
« Je précise que je n’ai PAS signé la pétition… Je regrette qu’il ait ainsi utilisé mon nom. » 
• Pierre Richard, l'acteur, n’a pas signé : seul un homonyme banquier apparaît sur la liste 

Denis Olivennes, mentionné parmi les signataires, a lui aussi rectifié : « Moi… je suis pour protéger autant que faire se peut l’esthétique des villes et l’équilibre entre petit commerce et grandes surfaces », mais dans le cadre d’un échange autour de la disparition du magasin de jouets, non d’un refus pur et dur de l’enseigne. L'homme de médias, qui conseille notamment Daniel Kretinsky, a publié sur X ses échanges avec la journaliste, afin de rectifier ce qu'il avait effectivement dit.  

Jean-Pierre Lecoq, le maire sort des rangs
À l’opposé, Jean-Pierre Lecoq assume son rôle pragmatique. Il rejette la hautaine posture des opposants :
« Une grande partie des pétitionnaires ont bossé ou bossent dans la finance. C’est un village d’enfants gâtés qui croient que tout leur appartient ».
Il défend également l’arrivée d’un Carrefour City plutôt qu’un fast-food de type O’Tacos, vraisemblablement en projet à 50 mètres de là. Pour lui, le contrôle d’un groupe établi est préférable à une restauration rapide, souvent agressive en terme de nuisances.

Une polémique symptomatique : entre conservatisme urbain et vanité médiatique
Cette opposition illustre une fracture urbaine contemporaine : les classes privilégiées investies dans l’urbanisme culturel défendent un idéal de charme, d’authenticité et d’élitisme urbain, et ce au détriment des principes de diversité commerciale et de mixité sociale. Face à eux, la grande distribution, incarnée par Carrefour, avance masquée sous le voile de la démocratisation de l’accès aux produits.

Les médias, quant à eux, jouent la carte du conflit de classes, réduisant le débat à une farce de bourgeoisie et magnifiant les erreurs de signatures pour nourrir un feuilleton sensationnel, tout en occultant un véritable débat sur l’aménagement du quartier.

Carrefour City, mais surtout un miroir social
Dépassant la simple ouverture d’un magasin de proximité, cette affaire semble révèler une posture élitiste qui confond charme local et mise sous cloche sociale, une couverture médiatique biaisée, plus soucieuse de créer le buzz que d’analyser les implications réelles. Mais également, une opposition politique locale lucide, assumant un arbitrage pragmatique contre un conservatisme, parfois ridicule ? 

L'actualité du retail et de la.. grande distribution 
La grande distribution d'informations, de produits défectueux, de nourriture :

Joints par nos soins, le Maire du 6ème arrondissement a regretté les imprécisions de l'article et sa correction tardive par le Monde. Denis Olivennes a ajouté, quand on lui a demandé ce qui expliquait un article peu rigoureux: c'est l'été. Dans les rédactions, on ne sait pas quoi raconter, l'été, ou bien peut-être manque-t-on de re-lecteurs et de rédacteurs en chef ?

Rue Vavin, dans le VIᵉ arrondissement de Paris

A Paris et dans de très nombreuses villes françaises, nous voilà cernés de supérettes, de magasins Picard, en raison de l'activisme des groupes dirigés par Alexandre Bompard ou Moez-Alexandre Zouari, par exemple. Même Ikea s'installe en centre ville. Et les batailles sont vives entre des franchisés Carrefour et leur ancien employeur. Tels sont les conflits et inquiétudes, en sus de la désertification des centre-villes, où des agences bancaires et immobilières se sont multipliées et refluent désormais. 

Decathlon, l'enseigne préférée des français, parait-il, peut provoquer le décès d'une mère de famille en vendant un tuba dangereux: après un long combat de plus de dix ans, une famille suisse a obtenu, le 15 mai, la condamnation de l'enseigne de la galaxie Mulliez dans la mort d'une mère de famille, au bord de la mer Rouge. Cette dernière était équipée d’un kit fabriqué par Decathlon, qui avait déjà fait l’objet de signalements avant le drame. Il continue d'être vendu* par l'enseigne.

Pour aller plus loin

*Selon la décision de justice, ce modèle de tuba a été retiré de la vente en 2019. Pourtant, R'Gomoove, un kit de snorkeling homonyme, appartenant à l'ex-gamme Tribord, à l’origine du célèbre masque Easybreath, est toujours disponible à l’achat sur le site internet de Decathlon et en retrait en magasin. Il semble présenter les mêmes caractéristiques, mis à part le design. L'Informé a détaillé toute cette affaire et obtenu une réponse de la direction du groupe. 

La rédaction d'En-Contact. 

A lire aussi

Profitez d'un accès illimité au magazine En-contact pour moins de 3 € par semaine.
Abonnez-vous maintenant
×