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REPORTAGE EXCLUSIF : LES «TP» DE PANTIN NE VEULENT PLUS ETRE DES MARIONNETTES

Publié le 08 avril 2010 à 12:51 par Magazine En-Contact
REPORTAGE EXCLUSIF : LES «TP» DE PANTIN NE VEULENT PLUS ETRE DES MARIONNETTES

Le site de Teleperformance de Pantin, en Seine Saint-Denis, fait partie des 4 sites menacés de fermeture par la direction française du groupe, avec ceux de Montigny-le-Bretonneux (Yvelines), Firmin-Gillot (Paris) et Lyon (Rhône). En tout, 585 emplois sont concernés par les plans de départs volontaires, dont 183 à Pantin.

Le site de Pantin, ouvert au milieu des années 1990 par Techcity, a été repris quand cette société a été rachetée par Teleperformance. Les salariés sur place sont donc soit des ex-Teleperformance, soit des ex-Techcity. En 2009, Techcity et les contrats qu’elle gérait sont totalement intégrés à Teleperformance France.

Dès l’entrée sur le plateau, les « coupables » sont tout désignés par les grévistes : non seulement l’employeur Teleperformance, mais les clients principaux. Si SFR n’est plus traité sur ce site, Orange représente toujours l’essentiel des appels.

Une ambiance étrange règne dans les locaux qui n’ont pas été abandonnés par les salariés, qui font grève « sur place » depuis près de 9 mois, refusant de quitter les lieux. Sur les 183 salariés, seuls 40 avaient accepté le plan de départ volontaire proposé par l’entreprise avant la date limite du 6 Avril. Pour les autres, l’incertitude est totale.

Les salariés nous disent qu’ils ne croient pas à la mobilité vers les sites de province du groupe, notamment à Villeneuve d’Ascq, Guyancourt ou Orléans – selon le client traité – comme proposé par le groupe. « Nous savons que rien n’a été préparé pour nous accueillir là bas, et au même moment, Teleperformance ouvre un nouveau site au Maroc et un en Tunisie ». L’ancienneté même du matériel sur le site de Pantin semble indiquer que son sort était décidé de longue date.

Les clients de l’outsourceur sont la cible des grévistes, comme le montrent les mannequins et les actions passées, au siège de Vivendi et de SFR. Mais les attaques sont moins directes qu’il n’y paraît : « Nous cherchons surtout à faire pression sur les clients. Orange est de loin le principal client ici. La direction justifie la fermeture du site en nous annonçant qu’ils avaient perdu le contrat. Or nous avons récemment appris qu’ils ont renouvelé. Le problème, c’est que la direction nous parle de contrats qu’elle refuse de nous montrer, et dans lesquels sont souvent stipulés le site sur lequel la prestation doit être effectuée. »

« A quelque chose malheur est bon » glisse un peu embarrassé un salarié. « Les suicides chez Orange ont rendu la direction extrêmement soucieuse de notre santé. Au moindre bobo, à la moindre angoisse, le médecin du travail est convoqué et des congés nous sont accordés sans discussions ».

Le site est désormais le domaine des salariés syndiqués, et sert plus comme dépôt de matériel de manifestations que de site de travail. Sud Teleperformance est de loin le syndicat majoritaire sur place.

Autre élément clef de la mobilisation et des actions syndicales, les articles de presse sur les actions des grévistes, qui commencent à se multiplier, sont épinglés aux quatre coins du plateau.


 

« Quand nous avons commencé ici, le site était une vitrine de Teleperformance, pour la technologie et pour la qualité de service. Nous étions la base de recherche du SAV d’Orange et nous avons même développé des outils de CRM pour eux. Aujourd’hui, on ne demande plus au technicien de dépanner. Tout est imposé dans des scripts. On nous demande aussi de vendre à l’excès. On est systématiquement incités à demander au client de nous rappeler à ses frais, sur un numéro surtaxé ! Ou de lui refiler une intervention à domicile payante alors qu’on saurait parfaitement résoudre son problème au téléphone en dix minutes. »

« C’est tout le métier qui change. Peu d’entre nous repartiront dans le secteur. Ou alors, il faudrait partir au Maroc… il n’y a plus que là bas qu’ils ont besoin de nos compétences. »

Les salariés s’astreignent à prendre « environ un appel toutes les heures » se « loggent » le matin et le soir, pour être enregistrés comme présents et disponibles. Pour le client final, aucun différence : les appels sont routés vers d’autres sites.

Au quotidien, le représentant de la direction est disponible, à l’étage supérieur « C’est un intérimaire. Il ne connaît rien à l’entreprise, il n’a pas de marge de négociation. Il a été nommé il y a un mois et demi, pour fermer le site. Il nous vise les arrêts maladie, c’est tout. »

Cependant, le stress généré par cette situation d’incertitude et l’étrangeté de ce quotidien est mal vécu par certains salariés. A la question posée à un représentant syndical « Mais que font les salariés donc de leurs journées ici, s’ils ne travaillent pas ? » Une réponse, lapidaire, tombe : « Ils boivent. Sérieusement, oui, c’est parfois le cas. Certains font leurs trajets tous les jours comme si de rien n’était juste parce qu’ils ont honte d’annoncer à leur famille qu’ils vont être licenciés et que le site va fermer ».

Les salariés ont envoyé une lettre au Président de la République pour les alerter sur leur situation. Qui les a renvoyés au Ministre de l’industrie. Qui les a renvoyés au Préfet.
Qui n’a jamais accepté de les recevoir en 6 mois. L’intersyndicale a donc organisé une opération surprise à la préfecture de Bobigny. Objectif : s’enchaîner sur place pour obtenir un rendez-vous avec le Préfet. La préfecture les accueillera-t-elle ?

Or en guise de comité de bienvenue, c’est la Police qui attend les manifestants et bloque l’accès au bâtiment juste avant qu’ils aient pu rentrer.

A l’extérieur, une quarantaine de salariés manifeste, devant les caméras de télévision et la presse.

A l’extérieur, une quarantaine de salariés manifeste, devant les caméras de télévision et la presse.

A l’extérieur, une quarantaine de salariés manifeste, devant les caméras de télévision et la presse.

Un sit-in est organisé devant l’entrée. L’organisateur de l’action , assis de face, n’est autre que le directeur des opérations du site de Pantin « le n+3 ».

Après une heure de manifestations, une délégation sera reçue par le sous-préfet. Elle en ressortira « déçue », n’ayant obtenu  « aucun engagement sur le financement de formations de reconversion ».

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