Qu’est-ce qu’un centre d’appels, par Toutatis ?
Le truc dont on n’a pas parlé au CES* mais qui est essentiel ? Un centre d’appels, par Toutatis ! Vélo en libre-service (mais au service client défaillant), obtention de la carte grise, surgelés pas livrés, Livebox ou Freebox en rade, on n’est pas près de se passer des centres d’appels. Mais comment ça marche docteur ? Un centre d’appels, c’est quoi ? 10 points essentiels pour remporter la palme du meilleur service client, grâce à un vrai bon centre de contacts, en 3 parties comme à Sciences-Po:)
1/ Les centres d’appels en 10 points
2/ Un sujet épineux pour les hommes politiques et les journalistes (sauf lorsqu’ils y ont débuté leur carrière)
Les centres d’appels en 10 points
Why call centers are not dead yet ?
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Les centres d’appels sont devenus une véritable industrie mondiale, au sein de laquelle, pour une fois, les français tiennent le haut du pavé : le leader en est Teleperformance, des groupes comme Sitel-Acticall se situant sur la 3ème marche du podium. Convergys, la médaille d’argent, est dirigée en Europe EMEA par un français.
Les classements du top 10 mondial sont délicats à obtenir, encore plus en Europe, quelques-uns des groupes n’étant pas côtés. Mais Webhelp ou Comdata ou Arvato en sont, sur le marché européen, des acteurs de référence, soutenus par des fonds d’investissement tels que Carlyle (Comdata) ou KKR (Webhelp).
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Les centres d’appels gèrent de plus en plus d’opérations complexes, des process élargis, ce que les spécialistes appellent désormais le BPO (business process outsourcing).
Comdata par exemple, acteur encore peu connu sur le marché français, réalise plus de 30 % de ces 750 millions de chiffres d’affaires en BPO.
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Certains pays ont fait le pari de cette industrie, tardivement mais avec bonheur.
Après l’Irlande qui a attiré dans la fin des années 1990 les premiers centres d’appels de Dell, Gateway etc., grâce à des incitations fiscales fortes, ce sont des pays tels que la Colombie, le Pérou qui croient en la filière ou les Philippines.
2000 : zéro centre d ‘appels ou presque aux Philippines.
2017 : plus de 1 500 000 de personnes travaillent dans des centres d’appels… aux Philippines.
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Pour créer un centre d’appels, il faut :
Des agents, des locaux, de la technologie et des logiciels, des câbles et une liaison pour le téléphone et la voix qui peut désormais passer par internet (Voip). Un peu de savoir-faire également vous diront les anciens… qui n’ont pas tort. Et un casque sur la tête de chaque agent. Plantronics et Jabra, les deux acteurs majeurs du marché se tirent la bourre depuis longtemps, “challengés” par des marques telles que Sennheiser en Europe et des marques exotiques, asiatiques. Les coûts liés au personnel avoisinent 65% du coût de revient d’une heure de travail d’un téléconseiller en moyenne.
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Voyance, sexe en ligne, modération d’annonces, aide aux sans-abri, recouvrement de créances, recueil de dons, abonnements, dépannages de votre box pourrie ou déblocage de votre carte SIM, de votre code PUK, tout se fait en ligne désormais. Y compris de grosses arnaques, légales ou non. Madoff était un trader véreux… tandis que le centre des impôts vous aide à bien remplir la douloureuse. On a donc tous besoin d’un centre d’appels. Même un président a besoin d’un agent de centre d’appels lorsqu’on lui pique son téléphone mobile. Euh non, lorsqu’un journaliste se fait piquer son téléphone mobile et que tout le monde dispose de ce fait de ses contacts sur le web et appelle le président. C’est arrivé, il y a peu de temps… en France.
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De nombreuses carrières de personnes célèbres ont débuté au téléphone.
On devrait s’en souvenir mais…
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Amazon, Apple etc. ont également des centres d’appels ainsi que Uber ou Netflix ou Canal plus ou Otis (les ascenseurs). Souvent, les anglo-saxons en confient la gestion à des prestataires spécialisés. Ils sont exigeants, mettent en compétition les prestataires… qui sont souvent des français. Le premier client mondial du leader mondial des centres d’appels a longtemps été à Cupertino… et à Lisbonne, c’est parfois un français qui vous répond en décrochant pour Netflix.
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Planification
Un agent français ou espagnol ou allemand parle parfois plusieurs langues, a des compétences élargies qui lui permettent de gérer différentes situations. D’autres au contraire ne peuvent assumer qu’un type d’appels. Afin que l’appel arrive à la personne adéquate, au bon moment, il faut donc gérer l’allocation des ressources et les priorités de routage au bon endroit, au bon moment. C’est le rôle et l’intérêt des logiciels de Workforce management (de planification). Si vous faites ceci avec Excel, c’est bien mais votre chef peut vous éviter de vous casser la tête… on dit ça, on ne dit rien.
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Productivité
En moyenne, sur une année pleine, un agent dans un centre d’appels bien géré peut parvenir à être en conversation active 42 minutes par heure. Au-delà, vous êtes un menteur, mauvais en calcul ou stakhanoviste. Ou les 3.
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Le juste prix…
De 4 euros de l’heure à 70 euros, quel est le bon et juste prix d’une heure de prestation chez un outsourceur ? Ça dépend du pays où votre centre est installé.
Mais le bon prix, c’est celui qui permet à tout le monde de vivre et au client d’être bien traité.
Alors, les call, c’est dead ?
Daniel Julien, qui ne dit pas que des bêtises, indiquait récemment dans un bon journal qu’il ne croyait pas du tout à la fin des call center… dans notre monde de plus en plus envahi par la technologie. (N°97 d’En-Contact) « La part de la pizza ne va faire qu’augmenter. » A-t-il dit. Vous lisez donc un journal sérieux, qui va un jour valoir plus que VICE. ?
Un sujet épineux
Les hommes politiques français s’intéressent-ils aux centres d’appels ? Et les journalistes de presse écrite ou de télévision s’y intéressent-ils vraiment ?
Les centres d’appels, leur économie et la localisation des services clients sont un véritable serpent de mer qui agite régulièrement la sphère politique. Le député de la France Insoumise, François Ruffin, a été sensibilisé ces derniers temps, on peut même dire interpellé, sur cette question. En effet, Engie mais aussi Canal plus ou SFR sont quelques-uns des groupes, côtés en bourse, qui ont choisi de faire gérer leur services clients par des prestataires, en offshore.
Ce que les syndicats de ces mêmes sociétés critiquent, dénoncent, en évoquant parfois des plans sociaux qui ne diraient pas leur nom. Ou en arguant d’une moindre qualité effective en cas de sous-traitance, dans des pays à faible coût de main d’œuvre.
Vingt ans après leur explosion, leur utilisation dans tous les domaines de la société civile ou marchande, les call center véhiculent encore quantité d’images d’Epinal, particulièrement en France.
Une constante cependant : régulièrement, des hommes politiques de tout bord décident de s’emparer du sujet, multiplient les annonces sur la localisation souhaitée de ces plateformes téléphoniques, en France. Messieurs Devedjian, Wauquiez, Montebourg, par exemple. Ou bien encore des producteurs d’émission de télévision, telle Elise Lucet, qui s’est intéressée récemment au fonctionnement des centres d’appels de Free.
Le signataire de ces lignes, qui a rencontré ou travaillé avec quelques-uns de ces ministres sur ces questions, l’a précisé au journaliste de Fakir qui prépare également un article sur ce même thème : les centres d’appels, ça crée des emplois, pas toujours où l’on voudrait, pas forcément ceux qu’on désire pratiquer au terme de quatre ou cinq ans d’étude. Mais on y apprend des choses ainsi qu’un véritable métier, selon moi. That’s the way it is*(notamment l’anglais, souvent)
Et les ministres s’en préoccupent tous, mais avec un horizon pas forcément compatible avec le calendrier de l’économie réelle. C’est le sens du courrier de réponse que nous adressèrent, du temps qu’ils étaient ministre, Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin, après que nous leurs avions suggéré quelques mesures pour cette filière.
Par la rédaction d’En-Contact
En savoir + sur diabolocom, ici.
*CES : Consumer Electronics Show
*That’s the way it is : La chanson et le titre, archi connus, qui firent connaître Bruce Hornsby, pianiste, chanteur qui a notamment collaboré avec Grateful Dead.
Un court extrait des paroles de la chanson : « Some things never change, that’s the way it is (…) Get a job. »