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La prostitution sans modération ? L’affaire Vivastreet…

Publié le 01 juin 2018 à 13:54 par Magazine En-Contact
La prostitution sans modération ? L’affaire Vivastreet…

Droit de réponse

À la demande des avocats et conseil de la société W3 Ltd., qui exploite le site Vivastreet, nous apportons à notre article du 1er juin 2018 la correction suivante :

La société n’a pas déjà été condamnée au Royaume-Uni, comme nous l’avons mentionné. Elle a été mentionnée et le site d’annonces classifiées impliqué dans un trafic et exploitation de travailleuses du sexe. Un jugement a été rendu devant la Preston Crown Court en décembre 2017.

Condamnation d’un gang pour exploitation de sex workers roumaines

En décembre 2017, un réseau organisé de trois trafiquants roumains a été démantelé et une partie de ceux-ci condamnés à des peines allant jusqu’à 22 ans par la cour de Preston Crown, Lancashire. Le juge Robert Altham a prononcé le jugement. L’enquête a démontré que ce réseau utilisait des travailleuses du sexe et passait régulièrement des annonces pour recruter des clients sur le site VivaStreet.

Le juge a ajouté que : « The women’s services were advertised on Vivastreet, a general classified ad website which has an escort classification. The services were blatantly prostitution. No one, including those who make a profit from Vivastreet, could have been left in any doubt prostitution services were being offered. »
(« Les services proposés étaient annoncés via Vivastreet, un site internet de petites annonces classifiées comportant une section “escorte”. Les services relevaient ouvertement de la prostitution. Personne, y compris ceux tirant un profit de Vivastreet, n’aurait pu avoir un doute sur la nature des services de prostitution offerts »)

Un porte-parole de Vivastreet a indiqué que « Vivastreet constantly reviews its services to ensure that it complies with relevant laws. »
(« Vivastreet vérifie constamment ses services afin de s’assurer que tout est conforme aux lois en vigueur. »)


(C’est bientôt le bac Philo et les vacances) 
Le site de petites annonces Vivastreet, visé depuis quelques heures par une information judiciaire pour proxénétisme aggravé, pourra-t-il longtemps rester sur la ligne de conduite que traduit le communiqué de presse adressé ce matin ? « On ne savait pas, les gens font ce qu’ils veulent. »

Communiqué :
« Vivastreet est une plateforme de petites annonces qui permet à des utilisateurs de déposer des annonces pour des biens et des services dans une grande variété de catégories. Nous sommes une plateforme généraliste, certaines annonces sont gratuites et d’autres payantes.
En tant que gestionnaire de plateforme responsable, nous respectons les lois locales de chacun des pays où nous opérons et nous avons une relation continue et constructive avec différentes administrations, notamment en traitant l’ensemble des réquisitions judiciaires que nous recevons. 
L’ouverture d’une information judiciaire est la suite logique du dépôt d’une plainte et de la première phase d’enquête. Il s’agit de continuer les investigations, sous l’autorité d’un juge d’instruction, ce qui est tout à fait classique. Nous allons bien sur coopérer avec la justice. »

L’éclairage à cette réponse se trouve en partie dans le livre de Marc Simoncini, publié récemment et, à quelques heures de vol de Paris, à Madagascar. Là-bas, dans quelques centres d’appels spécialisés notamment en BPO (business process outsourcing), des équipes spécialisées, dotées des outils adéquats, consacrent leurs journées à rechercher et « modérer » les annonces illégales, c’est à dire celles dont on peut penser qu’elles cachent de la mise en relation pour des prestations sexuelles, tarifées. Et ils décident de les supprimer. Ou pas. Selon les consignes que leur donnent leurs clients.

Cedric Brochier, DG France chez Vivastreet – © DR

Ce que font d’autres sites d’annonces, d’autres Plates-formes de rencontres :

Si Meetic et d’autres n’ont jamais eu à souffrir de plaintes telles que celle qui concerne aujourd’hui l’entreprise dirigée par Yannick Pons (voir photo en une), le fondateur et propriétaire du groupe W3, c’est que les process et consignes sont très clairs : « dès lors qu’un profil suspect, une personne désire s’inscrire sur notre site et que des éléments indiquent qu’on a affaire à un faux profil, ou que la personne pratique une activité illégale, nous prenons les dispositions nécessaires », indique JLB, un des spécialistes de ce métier, ancien de Meetic, parti monter son propre centre d’appels à Antananarivo.
Des algorithmes très développés crawlent le web, les photos et détectent des visages qui sont déjà présents sur d’autres sites de rencontres. Les textes d’annonces sont ensuite régulièrement vérifiés, la décision ultime de stopper une parution restant parfois entre les mains du directeur de production (voir notre reportage effectué sur l’île).
Dans son livre, le fondateur de Meetic relate précisément les précautions qu’il choisit de prendre, dès la création de l’entreprise, afin d’éviter ce type de mésaventures qui auraient condamné le site et son essor, encore plus une entrée en bourse. (à lire dans le prochain numéro d’En-Contact). Des sites tels que AlloVoisins, leboncoin, consacrent des moyens importants à la modération, souvent sous-traitée.

Vivastreet déjà avertie :

Déjà impliquée au Royaume-Uni dans une affaire jugée en 2017 (lire ci-dessus) ou mentionnée suite à des campagnes de publicité, Vivastreet, par ailleurs championne du service client (l’entreprise a souvent gagné la distinction Élu Service Client de l’Année, dans sa catégorie), a semble-t-il méconnu et négligé les avertissements qui se sont multipliés depuis deux ans. A Berlin, où il est annoncé la semaine prochaine pour une conférence sur le digital, Yannick Pons aura peut-être à répondre à une question pertinente : « ne pas savoir, ne pas vouloir savoir est-il plus grave que de résister à la tentation de faciliter des activités illégales ? ».
La question, vieille comme le monde, passionne moins certains entrepreneurs que les valorisations des entrées en bourse, les techniques d’acquisition, de conversion. La loi précise que favoriser la mise en relation de deux individus pour des relations  sexuelles et y trouver un intérêt financier est constitutif de proxénétisme. Le slogan de mai 68, jouir sans entraves, perdure, inspire et a donné lieu à l’explosion de quantité de sites, de revues et d’applications. La modération s’impose parfois.

La direction de Vivastreet, contactée par nos soins, a répondu par le communiqué officiel cité en début d’article.

Les conseils de la rédaction pour aller plus loin, cet été :

Kant et son impératif moral, un concept à découvrir ? Rasant mais nécessaire.
Sans modération, un spectacle de Laurent Gerra, en ce moment.
Modernité et modération dans l’émission Répliques par Alain Finkielkraut.

Par Manuel Jacquinet


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