Pre-owned. Qui gagne de l’argent en revendant des Birkin et des Rolex ?

La liquidation de Vintega vient d'être annoncée, Monogram est en difficulté et Vestiaire Collective a différé son entrée en Bourse. La revente d'articles de luxe n'est pas un marché facile bien qu'il pèse 45 milliards d'euros au niveau mondial. Mais Catherine B. vient d'y faire le deal du siècle, le 10 juillet, avec l'aide de Sotheby's et d'un Birkin, pas n'importe lequel: the Birkin
Il ou elles s’appellent Catherine Benier, Pauline Catteau, Osanna Orlowski, Beverly Sonego, Antoine Derbois et s’agitent tous sur un même marché : celui des sacs, accessoires, tailleurs iconiques, déjà portés. Trois acteurs seulement gagneraient vraiment de l’argent, dont l'un dispose d'une petite boutique, les 3 Marches, rue Guisarde à Paris.

Faut-il une plateforme, une boutique, des relations sur ce marché que Bain estime à 45 milliards d’euros et qui attire donc quantité d’acteurs ou d’aventuriers ? En-Contact a recensé quelques-uns des acteurs de ce marché et tenté de répondre à la question de leur solidité financière, pas anodine. Pour éviter par exemple de laisser en dépôt chez un acteur qui va être liquidé ou disparaitre avec la marchandise, ou d'acheter un fake.
Monogram, l’ex-By Luxe, en grande difficulté
Beverly Sonego s’active.C’est une petite annonce discrète, parue dans un quotidien économique français mi-juin. Emise par La Clinique de la crise, elle fait état d’une recherche, pressante : L’entreprise Monogram, fondée et dirigée par Beverly Sonego, recherche un partenaire financier. Il y a trois ans pourtant, elle a levé trois millions d’euros, auprès de business angels habitués du monde des affaires. Et sa dirigeante se démène sur les réseaux sociaux, BFM, Instagram pour se faire connaitre, donner envie ou éteindre les incendies. Ceux que suscitent quelques affaires qui font tache dans ce milieu : Monogram Paris aurait vendu des sacs qui seraient des copies, aurait encaissé des sommes en espèces supérieures au montant légal autorisé, aurait vendu les pièces d’un client VIP sans son accord.
Que ces péripéties soient accidentelles ou le reflet d’une activité mal contrôlée, une chose est certaine : Beverly et Monogram ont besoin d’argent, rapidement car l’entreprise ne gagne pas d’argent et doit faire face à des échéances fixes importantes. Comme décrit ici, l’été est chaud pour la PME qui a investi dans une boutique, avenue Victor Hugo. Une boutique qui a été cambriolée à plusieurs reprises. Le CA estimé de Monogram s’établirait à environ 12 à 15 millions d’euros sur les deux derniers exercices.

Arlettie, très rentable, est à vendre mais doit investir
Dans son service client et le recrutement.
Dirigée par le tandem Thibaut Caillemer du Ferrage et Muryel Lanneau, Arlettie organise la vente évènementielle d'articles de marque, dont Hermès et LVMH, Tara Jarmon, Christian Louboutin.. Une longue file d'attente est visible chaque jour, avenue Raymond Poincaré où se déroulent ces ventes. L'entreprise serait à céder pour la rondelette somme espérée de 300 millions et aurait réalisé près de 90 millions d'euros de CA en 2024, avec un EBITDA proche des 12 millions d'euros.
Elle est devenue un acteur majeur de ce marché notamment grâce à un build-up d’acteurs similaires, concurrents, tel Catherine Max. L’entreprise vend majoritairement dans son espace dédié avenue Raymond Poincaré, à Paris 16, mais également en ligne. La qualité de son service client et l’amabilité variable et non homogène de son personnel sont parfois critiqués par des clientes fidèles. Peut-être faut-il investir en suivi et monitoring de l’expérience client ou collaborateurs proposées ?

Le boncoin ? incontournable, Tati des années 2000
Tati a trépassé mais le boncoin en est un digne successeur. On peut, si l'on est un connaisseur, réaliser quelques bons achats, en maroquinerie ou dans d'autres domaines où le vintage a de la valeur. Des consoles d'enregistrement mythiques, qui ont équipé de grands studios et sont désormais introuvables, y attendent parfois un nouveau propriétaire. Michael Jones, le guitariste de J.J Goldman, y a acquis une console utilisée dans l'un des studios français de légende.
Meta, enfin, l'ex-Facebook, est là encore incontournable, “soit grâce à des communautés de quartier, telle Mamans du 16* (Mums in the 16 ) ou grâce à Instagram, déclare une connaisseuse. Dans ce secteur, la clé et les marges se font grâce à la curation, aux achats. Dès lors que vous avez accès à des stocks de valeur, des pièces uniques, un compte Instagram un peu suivi et WhatsApp suffisent” (Mamans du 16 réunit plus de 14700 membres). On observe la même règle sur le marché des smartphones d'occasion, où l'accès aux stocks conditionne de bonnes affaires en aval, grâce à un écoulement rapide et des marges.
Catherine Benier, le deal maker de l’année 2025
Avec Sotheby’s et la vente du sac Birkin iconique.
Catherine B est une collectionneuse bien connue, passionnée de Carrés Hermès, de pièces Chanel, de sacs iconiques, qu’elle stocke, expose et revend dans une boutique du 6ème arrondissement à Paris, les 3 marches. Le New York Times décrit le lieu comme the Best Vintage secret in Paris.

En 2000, Catherine B parvient à faire l’acquisition du premier sac Birkin, qui date de 1984 et dont l’artiste s’était séparée lors d’une vente caritative, en 1994. Cette année-là, malgré son envie, la collectionneuse n’est pas en situation de l’acquérir, ce qui sera fait en 2000. Le 10 juillet, elle l’a revendu pour un montant record, 7 millions d’euros, bien loin de la mise à prix initiale de 1 millions d’euros. L’identité de l’acquéreur n’est pas connue. En 2022, The New Yorker décrivait sa boutique comme The Best-Kept Vintage Secret in Paris.
Collector Square serait rentable depuis l'année de sa création.
Co-fondée par Osanna Orlowski et son mari Nicolas, le PDG d’Artcurial, la PME réaliserait plus de 50 millions d’euros et serait rentable, depuis sa création, selon la communication officielle. Le Bon Marché l’a retenu comme partenaire pour attaquer ce marché de la revente d’articles de luxe.
Héritage
Est une boutique récemment ouverte, au One Nation Outlet et qui disposerait de pièces intéressantes. Sa dirigeante, Pauline Catteau (dirigeante de Catinvest) indiquait lors de son ouverture qu'elle avait consacré plus d'un million d'euros à se constituer un stock attractif et suffisant pour assurer ses premiers mois d'activité. Elle ne communique pas sur son CA ni sa rentabilité.

The Brand Collector
Fondé en par deux amis et associés Hippolyte Noton et Antoine Derbois, la start-up a grandi, discrètement, sans changer de locaux mais de stratégie, oui. Elle n'opère plus en CtoC, mais a muté en marketplace, qui met en contact les acheteurs professionnels avec les vendeurs, dont les sites de ventes aux enchères majeurs, situés en Asie. Elle aurait réalisé presque 20 millions d'euros en 2024 et est rentable.

The RealReal coté en Bourse, aux USA
La société n'est pas rentable à date.
Vinted, rentable depuis 2023
Bien sûr, l’entreprise estonienne n’est pas positionnée de la même façon sur ce marché mais des pièces, chaussures de luxe, Louboutin, s’y échangent.
Sotheby's bien sûr !
La célèbre maison de vente aux enchères a pris sa commission, évidemment sur la vente évoquée plus haut.
Vestiaire Collective. Entrée en Bourse et rentabilité différées
Bien que valorisé plus d'un milliard, Vestiaire Collective est discret sur son CA et encore plus sur sa rentabilité. Une entrée en bourse avait été évoquée voici deux ans, lors de la dernière levée de fonds qui ne semble plus au programme. Eurazeo, l'un des actionnaires est patient, combien de temps encore ?
Vintega
Créée par Lhoucine Idbourkha et Imed Biri, deux ingénieurs respectivement diplômés de Polytechnique et de Supélec, Vintega ne communique pas beaucoup d’informations, y compris à ses clients, qui se plaignent souvent de n’obtenir aucune réponse lorsqu’ils joignent le service client de la marque. On vient d’apprendre la mise en liquidation de la société, le 17 juillet.
Posséder des cartes Dialogic et des vieilles licences Hermes Vocalcom, en on-premise
Sur certains marchés, la clé de la rentabilité s'appellent le flair, le sourcing, la constance et la gestion du temps long. J'ai connu un patron de call-center un prestataire français spécialiste de télévente en BtoB, qui a pris la précaution de se faire un petit stock de cartes Dialogic bien particulières, afin d'être en mesure de “faire tourner et utiliser ses licences Vocalcom, en autonomie, même lorsqu'il n'y aura plus de stocks, et parce que parfois, leur hotline est trop débordée".
Manuel Jacquinet.