Avec Dialogg.ai et Calizy, Nixxis propose la Twingo du CcaaS
En Belgique, les Jacobs célèbres font dans la bande dessinée (Blake et Mortimer). Luc Francis Jacobs est belge lui aussi, mais il fait dans les dialer* et le multicanal. Nixxis, l’entreprise qu’il dirige après l’avoir achetée, est en train d’opérer une remontada impressionnante dans l’équipement des centres de contacts, où elle est parvenue, sur certaines consultations, à déloger parfois Vocalcom (la plateforme logicielle qui a longtemps fait cavalier seul sur les appels sortants), d'autres fois Diabolocom ou bien encore Talkdesk.
Connectée désormais à Calizy, un logiciel français de prise de rendez-vous, munie de sa propre IA générative, Dialogg.ai, l'éditeur CcaaS dispose et propose désormais une véritable Twingo: un véhicule fonctionnel, bien pensé, coloré. Où tout a été pensé, planifié: s'il s'est intégré à Calizy, via un connecteur, c'est parce que la prise de rendez-vous est une étape clé, souvent indispensable dans les parcours clients. On appelle une marque, un réparateur de pare-brise, un coiffeur, un restaurant pour prendre rendez-vous ou réserver. Offrir cette fonctionnalité n'est pas bête du tout.
Amicio, Comearth, Shurgard, NJJ Holding (Xavier Niel) ou bien encore Webhelp comptent parmi les clients de Nixxis, qui est bien décidé à s'installer plus en profondeur sur le marché français. L' IA n'a pas été oubliée dans les dernières versions des outils développés par l'éditeur belge. Portrait de son patron, atypique, grand voyageur, ex-Nokia, Luc-Francis Jacobs.
« Un Bruxellois, c’est un peu le mélange entre un Français et un Flamand… ». Il ne s’agit pas de la dernière histoire belge mais du constat rigolo et lucide d’un ex-cadre de Nokia, reconverti à l’approche de la cinquantaine dans l’expérience client multicanal. Luc Francis Jacobs a fait ses études d’ingénieur à l’École Centrale des Arts et Métiers de Bruxelles, l’équivalent de Polytechnique, en France. Cet ancien jeune informaticien et électronicien a découvert la micro-informatique en 1984 : « On jouait avec des PC, des Apple 2 E, Apple 2 C, Commodore, Z80… Aujourd’hui, tous ces engins sont dans les musées ».
Quand l’ingénieur se découvre « bon commercial » et excelle dans la vente d’infrastructures
Assez rapidement, Luc Francis commence à travailler et à se spécialiser dans la digitalisation des signaux de télécommunication. Nous sommes dans le milieu des années 80, lors des balbutiements de la numérisation, notamment avec la sortie des CD audio. C’est donc tout naturellement qu’il dévie ensuite vers l’Internet aux alentours de 1992. Dès la fin de son service militaire, effectué en tant qu’officier de réserve dans les troupes de transmission, ce passionné de technologie commence à travailler dans un laboratoire, où sont vite repérées ses aptitudes commerciales. « Tu es un bon ingénieur, mais tu es encore meilleur face aux clients pour vendre nos produits », lui indique son boss de l’époque. Le voilà donc occupé à vendre du matériel de transmission jusqu’en 1995, l’année où il croise la route du premier Finlandais qui commercialisait le matériel Nokia en Belgique.
A l’époque, une infime minorité des gens pouvait s’offrir un téléphone « transportable », à peu près 17 000 personnes dont évidemment de nombreux chefs d’entreprise. « J’ai travaillé avec Belgacom Mobile, qui s’appelait Proximus, en Belgique », ajoute notre professeur Tournesol. « On imaginait toucher et intéresser au mieux 250 à 300 000 personnes, au grand maximum (soit 3 % de la population), mais chez Nokia, en Scandinavie, le management savait déjà que le téléphone portable (le GSM) allait devenir un produit de masse, malgré son niveau de prix relativement élevé. Les batteries des GSM Nokia restaient chargées toute une semaine, c’était un véritable atout de la marque Nokia à l’époque. » Très vite, LFJ opère un switch et commence à vendre des infrastructures au sein de la même maison (de 1995 à 98). Il parvient à conclure la vente de l’ensemble du réseau des stations de base d’Alcatel, puis celles de Motorola puis celles de Philips : 100 % Nokia, objectif atteint ! Pas étonnant qu’on retrouve alors le sniper commercial chez Vodafone (qui était alors actionnaire de Proximus) et dont il devient le vice-président pour Vodafone Monde. « J’ai eu l’occasion de côtoyer Chris Gent, un des pontes de la multinationale britannique, qui venait de dépenser 6 à 7 milliards de livres pour acheter la licence 3G, à la fin des années 90. Ça s’est vendu cher d’autant que personne n’avait le contenu à y faire passer ou transiter : l’Iphone et ses applications ne sont arrivés que 6 ans plus tard en janvier 2007 ».
Quand on sent la nécessité de quitter sa zone de confort
S’il dit s’être amusé à vendre les infrastructures de téléphone Nokia, au sein du groupe Vodafone, jusqu’en 2001 et 2002, l’envie et l’intérêt se sont émoussés peu à peu. La courte période où il deviendra « investisseur » ne rallumera pas vraiment la flamme. « Une division a été créée au sein de Nokia-Ventures (branche de Nokia Venturing) qu’on m’a proposé de rejoindre au sein de l’équipe des investisseurs professionnels (les « ventures-capitalists »). J’y ai travaillé jusqu’en 2005, une année où j’ai, au total, investi environ 600 millions d’euros sur une quarantaine de dossiers, dont beaucoup n’ont pas donné grand-chose… Mais à l’époque, la boîte était très riche : on avait en caisse 11 milliards de cash, alors ça ne faisait pas de grande différence. On a tout de même réalisé de belles acquisitions, comme « Intellisync », par exemple, qui avait développé la synchronisation des calendriers (format d’échange des agendas numériques, encore utilisé aujourd’hui) ».
Au bout de dix ans, fin stratège, Luc Francis Jacobs pressent que ce confort est la grande menace qui pèse sur Nokia. Un des signes, pour lui, est que le CFO, responsable financier, est devenu le CEO, le PDG de la société. « Bref, ça n’allait pas dans le bon sens. Pour résumer, on m’a proposé de vivre de mes rentes, jusqu’à la fin de mes jours, avec mes stock-options, en 2006. De ce fait, je suis parti avec un bon paquet d’argent mais je ne me voyais pas passer ma vie à faire le tour du monde. Alors je me suis mis à investir dans un certain nombre de sociétés, à devenir consultant pour des fonds d’investissements jusqu’en 2007. Certaines vont bien, pour d’autres, on a perdu de l’argent mais ce sont les règles du jeu ».
Et puis, il y eut Nixxis, et la naissance d’une passion pour les centres de contacts
C’est en 2011 qu’arrive à ses oreilles, pour la première fois, le nom de Nixxis (éditeur de logiciels pour centres d’appel), propriété d’un certain nombre d’investisseurs d’origine française et candidats à la revente : « Avec un associé flamand, j’ai racheté la société, en 2012. Ça s’est fait sur un week-end. Plutôt que de fouiller dans les bilans comptables, je me suis demandé pourquoi ils avaient acheté ce produit. Les trois principaux clients m’ont tous raconté la même chose : « on ne sait pas précisément comment ils font, mais équipés du logiciel Nixxis, notre taux de productivité (temps passé avec les consommateurs) et de marge bénéficiaire ont augmenté de 10 à 15 %, voire parfois à 20 %. Je n’ai pas trop réfléchi, j’ai fait une offre qui a été acceptée et j’ai pu racheter la société, en 2012-2013. » Très vite, il réoriente les développements de l’entreprise vers la recherche d’une expérience client plus efficace et qualitative, convaincu que si les américains ont inventé les centres d’appels en mode taylorisme, comme dans Les Temps Modernes, il faudra vite passer à l’étape fidélisation des clients et des télé-conseillers. « Garder un client coûte moins cher que d’en acquérir un nouveau. Il faut donc travailler sur la loyauté et pour cela, il n’existe pas trente-six méthodes de la générer, une bonne expérience client et utilisateur s’impose. »
Quand Nixxis s’impose dans les centres de contacts, grâce aux performances de l’outil
L’année passée, Nixxis a remporté quasiment 50 % des consultations pour ré-équiper les centres d’appels dont ceux par exemple de VIPP-Interstis, Comearth, Unifitel (au Maroc), Groupe Crédit Agricole, etc. Dans chacun des cas, les directeurs des centres d’appels évoquent des benchmarks de performance sur la joignabilité des prospects, l’efficacité du prédictif d’appels et la performance globale.
Pour parvenir à ce niveau de performance, l’ex-ingénieur bon commercial a dû revoir ses plans : Luc Francis Jacobs confesse qu’il pensait que son acquisition de la société lui mobiliserait un jour ou deux par semaine, et que le reste du temps, il irait jouer au golf… Mais dans les faits, pour que ses clients parviennent à joindre leurs clients par téléphone, le président de Nixxis doit lui aussi être joignable. Ça doit être ça la symétrie des attentions !
Par Guillaume Chérel
et la rédaction d’En-Contact
*Outil de numérotation pour les appels sortants. Selon qu’il est efficace ou pas, les campagnes d’outbound calls touchent leurs cibles ; en résumé, c’est comme un Magnum Python 357.
Retrouvez + de Citizen Kane sur En-Contact, ici !