Monsieur le Président, avez-vous déjà écouté Darkness on the Edge of Town ?
I believe in the love that you gave me,
I believe in the hope that can save me
I believe in the faith
And i pray, that someday it may raise me
Above these badlands
Badlands, from Darkness in the edge of town, Bruce Springsteen
Il y quarante ans sortait l’album dont cet extrait est tiré. 1er morceau, face 1.
Quand Bruce et le E Street Band l’entament, en concert, ce qu’il fait encore, il y a quelque chose que vous ressentez qui monte des cœurs et des corps qui écoutent et qui ne ment pas. Il suffit aux gens qui sont là, qui ne parlent pas tous anglais, d’écouter le riff de guitare, la mélodie pour savoir de quoi ça parle et qui est sur scène.
Il y a, dans Candy’s Room, la batterie de Max Weinberg qui doit jouer un même beat tranquille, avant que ça n’explose. Parait-il, le Boss lui fit enregistrer des centaines de fois cette séquence au risque de le rendre fou. Bruce désirait que ça reste le même tempo, que ça n’explose pas. 4ème morceau, face 1.
Men walk throuh these gates with death in their eyes (…) It’s the working, the working, just the working life. Cette chanson, Factory, est un hommage à son père et à tous ceux qui s’y cognent chaque jour, à la vie d’ouvrier. 7ème morceau, face 2 du disque.
Il y a également le piano de Roy Bittan dans Racing in the street. Ce morceau, fin de la face 1, évoque les gens qui prennent leur voiture, leur CX, leur Corsa « tunée » ou leur Camaro pour aller tourner sur la route, le périph, pour se laver la tête. Font la course contre d’autres. Tout au long de l’album, le nouvel arrivant dans le groupe place ses arabesques derrière le mur du son et les bagarres de guitare. Après d’ailleurs que ce pianiste a démontré ce dont il est capable, Mark Knopfler appelera Roy pour jouer sur Making Movies, premier album de Dire Straits quasiment sur lequel on entend souvent du piano. Il y aura ensuite des claviers et du piano sur tous les albums du groupe, je crois. J’ai bien l’impression que chez les grands, on appelle celui qui sait, avec lequel on a envie de jouer. Je me suis toujours demandé comment ils se procuraient les 06 des uns et des autres.
Il y a des colères sourdes que quelques génies parviennent à transformer en disques, tableaux ou graffitis merveilleux. On peut donc les transformer en de jolies choses, qui résistent au temps.
J’ai écouté Darkness des milliers de fois, sur ma platine (Dual, à l’époque). Elle était noire.
Un article dans Télérama m’avait incité à le découvrir, racontant que c’était un putain de disque. Merci Télérama.
Merci Bruce et Max et Roy et les autres.
Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre, avez-vous déjà écouté Darkness on the Edge of town ? Si ce n’est pas le cas, je vous l’envoie. De temps à autre, ce qui amène les gens dans les salles, dans la rue, ou leur fait acheter des disques… mérite d’être entendu.
L’album dure 43 minutes 02. Si ça se trouve, sur un seul déplacement en province, comme il y a parfois des embouteillages, vous pouvez l’écouter plusieurs fois. Je vous assure, c’est un sacré disque !
Par Manuel Jacquinet
Manuel Jacquinet est éditeur et rédacteur en chef du magazine En-Contact.
Il travaille en ce moment à l’écriture d’un livre : Les studios d’enregistrement de légende en France. Que sont devenus nos Abbey Road ?
Sortie avril 2019.