Métier : planificateur de centre d’appels
On évoque assez peu, et c’est dommage, les professionnels des centres d’appels, directeurs, planificateurs qui permettent aux grands gagnants du concours élu Service Client de l’Année… de gagner. Chez les outsourcers, la guerre fait rage pour se les attacher, d’autant qu’il faut quelques années souvent pour devenir un vrai pro de la réponse à tout, vite, sur tous les canaux et la maitrise d’outils techniques.
Portrait d’Aïcha Diab-Rijo de la Cruz, Directrice Groupe Prévision-Planification-Vigie (PPV) chez Intelcia.
En-Contact : Vous avez beaucoup voyagé dans le métier, par nécessité ou par attrait pour l’étranger ?
Aïcha Diab-Rijo de la Cruz : Je suis passionnée par les voyages, que ce soit à titre personnel ou à titre professionnel. J’ai visité 17 pays dans le monde. Le pays qui m’a le plus marqué… les Iles Caïman. Il y a des banques absolument partout, alors qu’il n’y a même pas de routes ! Je suis quadrilingue français/espagnol/arabe/anglais : il faut dire que je suis de père algérien, de mère espagnole, née en France et mariée à un Dominicain !
Ce profil très multiculturel a du beaucoup vous servir dans votre carrière ?
Oui. J’ai notamment travaillé chez B2S au Maroc, c’était ma première expérience chez un outsourcer ; je gérais dans ce pays la planification de tous leurs sites là-bas. Même si les murs de leurs plateaux ont tous des pancartes « interdiction de parler arabe », les collaborateurs continuent à employer l’arabe entre eux, même assis à leurs postes de travail. Comme c’est ma langue paternelle, et qu’en plus ils croyaient que j’étais marocaine, les équipes me prenaient pour « quelqu’un de chez eux » ; et dans le même temps, comme je suis française, la direction à Paris me considérait aussi comme « quelqu’un de chez eux ». Mais je me suis fait respecter par la qualité de mon travail plus que par ma nationalité. Et cela s’est très bien passé – à la fin je gérais la planification sur 3 sites et la paye pour 1 200 personnes. J’ai eu plus de problèmes en Algérie, paradoxalement.
Quels problèmes et que faisiez-vous là-bas ?
Après cette expérience chez B2S j’ai été embauchée par Webhelp en tant que responsable des ressources humaines au moment où ils lançaient leurs sites en Algérie. Les Algériens ont quelques appréhensions vis-à-vis de ceux qui retournent au pays en venant de France, en tant qu’« expatriés ». L’environnement de travail était spécial. Tout était à faire, et dans l’urgence ; il y avait beaucoup de travail, mais aussi beaucoup d’effervescence. Les collaborateurs étaient alors payés en liquide : on revient de loin ! Je n’ai pas eu de difficultés dans mes rapports avec les administrations, tout se faisait en bonne intelligence. Par-contre, la liaison internet était peu fiable, avec une bande passante très aléatoire, et pour faire bouger Algérie Télécom, qui a un monopole, c’est un enfer…
Si on compare l’Algérie et le Maroc, où trouve-t-on les meilleures ressources humaines pour travailler en centre d’appels ?
Indéniablement, en Algérie ! Les Algériens parlent vraiment français tout le temps, et étant donné le taux de chômage dramatique sur place, je recevais des CVs très impressionnants au regard des postes proposés. Par-contre, bien plus qu’ailleurs, pour obtenir un job, c’est le règne du piston. Au Maroc, le problème, c’est le turnover, avec des salariés qui partent du jour au lendemain pour quelques dirhams de plus. Disons qu’en tant que RRH (responsable ressources humaines) en Algérie, on fait de l’acquisition, et au Maroc, on fait de la fidélisation.
On a du mal à comprendre l’attitude des outsourcers vis-à-vis de l’Algérie…
Le problème c’est que tout le monde veut se positionner mais que dans le même temps ceux qui y sont ne veulent pas en parler… Il faut du temps pour faire évoluer les choses, notamment parce que lorsqu’une société européenne arrive, il lui faut un partenaire local, et le faire évoluer. Webhelp a mis trois ans là-bas pour évoluer vers l’identité : Webhelp Algérie.
Pourquoi avez-vous quitté cet emploi ?
Webhelp désirait renégocier mes conditions d’expatriation une fois sur place et ne me proposait qu’un aller-retour tous les 15 jours vers la France, alors que ma fille a deux ans et qu’il était initialement prévu qu’elle m’y rejoigne au bout de 2 mois avec mon mari ! Et après le problème de la prise d’otages à la raffinerie, je ne voulais pas la faire venir ici avec mon mari.
Quelle est votre vision de ce métier de planificateur, quelle est l’utilité des outils et quels sont les meilleurs que vous avez testés ?
Lorsque j’ai été embauchée comme responsable de la planification chez b2s au Maroc, par exemple, il s’agissait d’une création de poste. La société venait de décider de décentraliser cette opération sur place pour ce qui concerne ses sites marocains. Il est important de prendre en compte les spécificités locales, comme les problèmes de transports, les exigences du ramadan… Et puis c’est un métier humain, il faut conserver une dimension de contact quel que soit l’outil utilisé. Depuis 2013, je suis Directrice Prévisions, Planification et Vigie chez Intelcia. Je gère toute cette partie pour tout le groupe.
Vous avez également travaillé dans des centres internes et pour des outsourcers : pour les mêmes missions, ces univers sont-ils vraiment très différents ?
Oui. Je travaillais notamment pour Dartybox, le FAI de Darty à l’époque. Je suis partie lorsqu’ils ont vendu leur parc clients à Bouygues Telecom. Je gérais les 3 prestataires qui prenaient en charge les appels sur 5 sites : Webhelp, Armatis et B2S. Il y avait une vraie culture de service client. Lorsque le parc a été vendu, nous sommes devenus prestataires de Bouygues, et on a imposé aux téléconseillers des durées moyennes de traitement strictes, de faire de l’acquisition. Alors qu’à l’époque de Darty, le plus important, c’était le taux de résolution au premier appel. Ça change tout.
En dehors du travail, quelles sont vos passions ?
Outre le voyage, la bachata ! Je sais la danser, et mon mari est chanteur latino ! Je l’accompagne comme manager/booker, j’appelle des organisateurs de concerts pour leur proposer ses services, et ceux de ses collègues. J’ai pu l’envoyer chanter à Bruxelles, à Paris, à Lyon et même à Madrid.
Les conseils d’Aïcha* pour les outils de planification :
En ce qui concerne les outils, Teleopti est de loin le meilleur que j’aie été amenée à utiliser, mais il est méconnu en Europe et en Afrique. Il est facile à connecter à nos autres outils internes ce qui le rend plus riche (ACD, Outils de Paye, Intranet) et permet d’automatiser les flux d’information. Planexa est deuxième sur la liste mais le service client d’Holy-dis, son éditeur, pour ses utilisateurs, est très décevant.
Phenicia de Diags que j’utilisais chez Europcar est bien pour une planification mono-site, e-workforce management est bien trop complexe.
Propos recueillis par Charles-Henri Fondras et actualisés par la rédaction en janvier 2018
Publié en février 2018
*qui n’engagent qu’Aïcha.
Photo de Une : 4ème édition de l’événement Best-In organisé par Intelcia – © Edouard Jacquinet