Loving vs Virginia
Quelques très bonnes raisons d’aller voir Loving, le merveilleux film de Jeff Nichols, que vous soyez ou pas un professionnel du service client…
Synopsis : Mildred et Richard Loving s’aiment et décident de se marier, mais il est blanc, elle noire et nous sommes en 1958 dans l’état ségrégationniste de Virginie. La police les poursuit en justice et condamne le couple à une peine de prison sauf à quitter l’état.
1964, alors que le couple est revenu vivre en Virginie en enfreignant la loi et s’est secrètement installé dans une ferme du comté de King and Queen, la requête de leur avocat auprès du juge Bazile est rejetée : « Dieu tout puissant a créé les races blanche, noire, jaune et rouge et les a placées sur des continents séparés […] s’il a ainsi séparé les races, c’est parce qu’il n’avait pas l’intention qu’elles se mélangent ».
En juin 1967, les sages de la cour suprême rendent le célèbre arrêt « Loving vs Virginia » qui déclare anticonstitutionnelle l’intégralité des lois interdisant des unions mixtes.
C’est en 2008 que Mildred s’éteint 33 ans après la mort de son mari. En 2009, Colin Firth, comédien oscarisé s’intéresse à un documentaire déjà réalisé sur cette histoire, mais c’est en 2011 après avoir monté sa société de production (Raindog Films) qu’il se consacre activement au projet. Sur les entremises de Martin Scorsese, Jeff Nichols sera recommandé aux producteurs et choisi alors qu’il ne s’est engagé au départ à n’écrire que le script. Sarah Green, productrice raconte : « Il m’a appelé un jour pour me dire : Je crois que je sais comment je vais m’y prendre, mais ce sera un récit intimiste. Je ne suis pas sûr que cela corresponde aux attentes, mais c’est la manière dont je veux raconter l’histoire. » Il déclare dans une autre interview : « Je voulais que la tension soit palpable mais sous-jacente, il fallait que les bombes n’explosent pas et que les incendies ne se déclenchent pas. Le couple est pris dans un tourbillon qui le dépasse, mais il vaque aussi à ses occupations quotidiennes dans cette région rurale. Dans plusieurs films que j’ai produits, les personnages tentent de trouver leur place. Dans Loving, les deux protagonistes ne cherchent donc par leur place mais cherchent à la réintégrer puisqu’ils en ont été chassés. »
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Si vous allez voir ce film ( quand vous irez voir ce film ? ) vous découvrirez, j’espère :
• Que l’histoire de gens simples qui se battent pour un droit qu’ils estiment normal n’a pas toujours besoin d’effets spéciaux pour aboutir à un grand film, tout en retenue et que le seul bruit du vent dans les arbres de Virginie peut faire une bande son merveilleuse.
• Que les grandes œuvres nécessitent parfois, comme on le voit plus haut, à l’occasion du montage et de la production de ce film, quantité de recommandations, de mises en contact par des gens qui s’apprécient ou se reconnaissent.
• Que du temps, de longues années sont parfois nécessaires pour que des projets prennent forment et que justice se fasse. Cette histoire m’a rappelé la belle conclusion du Diable au corps – « Je compris que l’ordre, à la longue, se met de lui-même autour des choses » Raymond Radiguet – 1923.
Mais si vous êtes un professionnel du service client et des centres d’appels, vous serez encore plus sensible à quelques aspects de l’œuvre :
• Les photos et de bons articles pouvaient à l’époque aider à sensibiliser l’opinion (voir l’article et les photos que fit Grey Villet dans Life Magazine, article qui contribua à médiatiser l’affaire Loving).
Leçon n° 1 : soignez l’accroche, illustrez votre propos, utilisez désormais les médias et la visio-conférence ?
• Les argumentaires les plus simples et les plus inspirés demeurent les plus efficaces : celui de Richard Loving avant l’audition à la cour suprême se résumait à ce propos confié à son avocat : « Dites au juge que j’aime ma femme et qu’il est injuste que je ne puisse pas vivre avec elle en Virginie – Tell the court I love my wife, It’s just unfair that i can’t live with her in Virginia. »
Leçon n°2 : superviseurs de centre d’appels, simplifiez vos argumentaires. Télé-vendeurs, travaillez votre USP (Unique Selling Proposal) !
• Défendre et soigner ses clients nécessite souvent de prendre des risques mais peut vous permettre de rentrer dans l’histoire, comme ce fût le cas de Bernard Cohen (avocat de l’ACLU) et Philippe Hirschkop (avocat spécialisé dans les droits civiques) qui défendirent pendant 4 ans leurs clients, avant ce fameux arrêt de la cour suprême.
Leçon n°3 : l’opiniâtreté et la constance dans le service client ça rapporte, inscrivez-vous à Elu-Service-Client-De-L’année avant la date de clôture (fixée au 10 mars 2017).
Il donc faut aller voir Loving et on peut dans le même temps rester simultanément circonspect et très admiratif de ce qui nous vient des Etats-Unis : dans quelques jours, les Oscars seront décernés : on parle beaucoup d’Isabelle Huppert mais dans un autre genre d’histoire. Pour ma part, je ne sais pas si l’activisme et les dollars de Harvey Weinstein produiront leurs effets mais je suis :
• réconforté quand nous viennent des Etats-Unis des films aussi divers que Sully (voir notre article : nous voulons de l’amour, pas des robots), Moonlight ou Loving : dans le premier, Clint Eastwood nous raconte que les robots ne font pas aussi bien que les pilotes, dans le deuxième Barry Jenkins que le trafic de drogue ne mène nulle part et que vivre et assumer son homosexualité ne coule pas de soi à Miami dans les quartiers pauvres ; Jeff Nichols, enfin, que l’amour peut triompher au bout du compte.
• amusé qu’une entreprise comme Snapchat soit valorisée, avant son entrée en bourse, quelques 25 milliards de dollars…
De temps à autre, on songe un peu ironiquement qu’on vit une époque pas si formidable que ça. Mais un film tel que Loving nous rappelle opportunément qu’une femme noire et un homme blanc ne pouvaient pas vivre ensemble en 1967. C’était il y a cinquante ans…
La rédaction d’En-Contact
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