Jonathan Anguelov, conducteur du tracteur Aircall
Dans un portrait récent, publié en avril de cette année, Le Figaro a bien résumé l’inquiétude et le caractère atypique du co-fondateur d’Aircall. Jon, comme l’appellent ses amis, a connu dès l’adolescence un parcours de vie particulier, si on le compare à celui fréquemment emprunté par les élèves de l’Escp, la prestigieuse école de commerce qu’il intègrera après un Bac obtenu sans prestige. Et où il les côtoya. Lui est née alors une furieuse envie de prendre l’escalier…
Les trois fondateurs de l’entreprise Aircall, qui a récemment rejoint le club fermé des licornes françaises, Jonathan Anguelov, Olivier Pailhes et Pierre-Baptiste Béchu, ont un motto : on peut, on doit révolutionner la téléphonie d’entreprise et ce sont des français qui vont le faire. Pourquoi cet équipement, essentiel alors que la voix et les conversations apparaissent indispensables et cruciaux dans le commerce et encore plus depuis que le monde s’est confiné, devrait-il être compliqué, lourd à installer, financer, changer ? La téléphonie, dont personne ne sait d’ailleurs souvent citer la marque de l’équipementier qui la fournit, au sein d’une entreprise, comme le fait remarquer avec justesse le conducteur du tracteur Jonathan, passera demain par le logiciel. Les spécialistes appellent ceci le CCaaS. Jusque-là, les trois fondateurs ne se sont pas trompés. On est allés ce mois-ci dresser le portrait d’un certain Jonathan, avec lequel l’histoire des relations entre notre magazine et lui-même débuta par un mini clash, il y a quelques années. Portrait d’un conducteur de tracteur : Jonathan Anguelov. Ci-après, quelques extraits du portrait d’Elsa Bembaron paru dans Le Figaro.
De Sucy-en Brie aux beaux quartiers parisiens, le parcours d’un hyperactif
Ne dites pas à Jonathan Anguelov qu’il a réussi. À 34 ans, il a beau être à la tête d’une des plus belles start-up de la French Tech, Aircall, d’un joli patrimoine immobilier à Paris, il reste inquiet, taraudé par « la peur de tout perdre ». Pourtant Aircall se porte bien. Spécialisée dans la téléphonie pour entreprises, elle a vu son activité augmenter avec les confinements et offre suffisamment de perspectives de croissance pour être aux portes de Wall Street et faire « sonner la cloche », signe d’une entrée à la Bourse de New York. Un des rêves de Jonathan Anguelov. « Ma passion, c’est le business », coupe le jeune homme, qui confie consacrer ses semaines à Aircall et ses week-ends à Aguesseau Capital, son entreprise dans l’immobilier. « Il y a des gens qui parlent de foot, nous, on parle business et immobilier », confirme Gaétan Chebrou, qui cumule les casquettes d’associé de Jonathan Anguelov dans l’immobilier et d’ami. Il a aussi été son colocataire pendant douze ans. « Mais à 33 et 34 ans, nous nous sommes dit qu’il était temps de prendre notre indépendance. J’ai habité plus longtemps avec lui qu’avec ma petite sœur ! », s’amuse Gaétan Chebrou.
Hyperactif, passionné d’immobilier et pas oublieux
L’intéressé impute sa frénésie de travail à son enfance. « À 12 ans, j’ai tout perdu. » Sa mère, qui l’élève seule, est ruinée par des associés peu scrupuleux. Bulgare, elle maîtrise mal le français. Son fils unique est alors placé dans une famille d’accueil à Sucy-en-Brie. Le garçon est malheureux comme les pierres. « Je prenais le RER le week-end pour aller voir ma mère et je voyais bien que je n’aurai pas les mêmes chances que d’autres enfants », se souvient-il. Un an plus tard, il est changé de famille, direction cette fois Épinay-sur-Orge. Il décide que pour s’en sortir, il doit « faire des études ». Ce qu’il fait, enchaînant les formations jusqu’à un master en finance à l’ESCP à la clef. La voie royale. « Il avait un profil particulier », se souvient Philippe Thomas, professeur de finance à l’ESCP qui salue « un bon gars, le type populaire sans faire le pitre, sérieux et travailleur. Le profil type du fils qu’on aurait bien aimé avoir ». Quand d’autres font la fête, il préfère contracter des crédits étudiants, aux taux d’intérêt attractifs, pour acheter une chambre de bonne, puis deux… jusqu’à ce que les loyers payent ses études. Lire la suite de l’article du Figaro, ici.
La sagesse et l’opiniâtreté du paysan, qui remonte sur son tracteur
Pourquoi reprendre une grande partie de ce portrait ? Chez un autre individu, étant donné qu'il nous a relaté la même histoire, on songerait à un subtil et construit story-telling, ce genre de figures incontournables dans l’univers codifié des affaires aujourd’hui, des start-up, au sein duquel il faut disposer d’une histoire et d’un pitch habiles, rôdés, efficaces. L’histoire de nos relations avec Jonathan prouve le contraire tout comme l’évolution de l’entreprise. Voici cinq années, en 2016, à la suite d’un communiqué de presse émis par une agence de presse spécialisée, notre magazine publia un article critiquant la qualité annoncée et vantée du service Aircall. Tandis que le CP que nous avions reçu présentait Aircall comme une solution efficace et reconnue pour les centres de contacts, nous avions eu l’occasion de mesurer sa relative inefficacité dans un centre à Madagascar et du coup, le titre de notre article fût sans appel : Aircall solution miracle pour les centres d’appels, le Gartner a-t-il fumé la moquette ? La conversation que nous avons eue ensuite avec les deux co-fondateurs fût un peu vive, on s’en doute. Or, il se trouve que, de l’avis de tous les clients d’Aircall désormais, la qualité de l’offre et du service a largement progressé. On a mieux compris pourquoi, en interviewant Jonathan, cet été en plein mois de Juillet : « Je ne me reconnais pas en fait trop dans le portrait d’un start-upper qui a réussi parce qu’on a levé de l’argent et que l’on parle de nous comme une licorne. D’abord parce que je me rappelle d’où je viens et qu’on peut tout perdre, très vite. Je sais d’autre part que mon désir le plus profond, c’est de progresser : je vois l’existence comme un escalier, que tu empruntes en essayant d’aller le plus haut possible. En chemin, tu rencontres des gens différents, plus forts que toi et ce sont eux qu’il faut suivre et côtoyer pour aller plus loin. J’ai été un élève moyen, un peu turbulent mais je crois que tous les gens se souviennent de moi, parce que je ne tiens pas en place et que j’ai beaucoup d’énergie. Mais contrairement à l’image répandue dans le monde de la tech, où l’on évoque et convoque souvent la fusée, le décollage comme références, je me vois comme un conducteur de tracteur. Un tracteur, tu montes dessus, ça va lentement, ce n’est pas toujours sexy mais c’est inarrêtable. Tu sais, au début, quand on a voulu et quand on s’est dit avec Olivier qu’on allait révolutionner la téléphonie d’entreprise, on y est allés comme des cow-boys : on n’y connaissait rien, dans le logiciel, pas plus qu’en téléphonie. Mais on a été vite certains que la téléphonie était essentielle, le serait toujours dans la vie des entreprises ; et qu’on pouvait la révolutionner. »
La vidéo éloquente
Il est assis en face de moi, me parle « de service client qu’on pourrait améliorer grâce à la visio, du sentiment qui l’habite de n’être, avec son bébé Aircall, qu’à 10 % des fonctionnalités de ce qu’il rêve d’apporter dans le domaine ». J’ai branché la caméra de mon smartphone et j’ai laissé tourner. Lui, dos au mur, comme une vidéo d’un Che Guevara de la joignabilité téléphonique dans son antre secret. En la re-visionnant, j’ai pensé que ce grand gaillard au sourire franc était soit un formidable commercial, soit un authentique conducteur de tracteur. Et pour avoir été, moi également, un enfant un peu actif, du genre de ceux qu’on attachait, dans les années 70 à l’école primaire, sur leur chaise avec une corde, afin qu’ils soient plus silencieux ou moins en mouvement, j’ai pressenti. Que Jonathan disait vrai quand il raconte qu’un jour il a compris "qu’il voulait aller bien plus loin", que gagner sa vie ne lui suffisait pas.
Je lui ai proposé d’appeler ensemble le standard de son entreprise, pour tester son service commercial, comme de basiques clients mystère. Dring, dring ; il est d’un coup devenu tendu en découvrant que le Serveur vocal interactif (SVI) supposé orienter vers l’équipe des Sales ne fonctionnait pas trop bien. Il a pianoté sur son smartphone pour comprendre pourquoi l’appel aboutissait sur une messagerie. « J’ai compris, c’est le jour de clôture du Quart,** ils sont tous en train de rappeler les prospects qui n’ont pas signé. Mais l’on devrait tout de même décrocher ».
A le voir ainsi sincèrement obsédé, habité par le service client perfectible que son entreprise proposait ce jour-là, quelle qu’en fût la raison, j’ai songé que cette paire-là d’entrepreneurs, l’un à NYC et le second à Paris étaient bien partis pour aller loin, dans la téléphonie ou dans d’autres métiers. J’avais donc rencontré un conducteur de tracteur, un peu bulgare, qui n’aime pas être seul ; habité par deux obsessions : celle du client, et d’aller aussi loin que possible dans son champ de betteraves.
Voir la vidéo : elle fait 14 minutes mais pas de panique, elle vaut la peine !
Le point de vue du Vicomte, un ami cher de Jonathan
La première fois que j’ai vu Jonathan, c’était un été il y a 5 ans à Ibiza. J’avais organisé un asado, il ne connaissait personne, et est arrivé grand sourire aux lèvres et énergie d’enfer : on a eu un coup de foudre amical. Chaleureux comme si vous aviez élevé cochons, poules, et toute une basse-cour ensemble depuis 20 ans, Jonathan, avec ses grands éclats de rire et ses gestes grandiloquents, c’est ce grand type qui met l’ambiance dès qu’il arrive, et récolte tous les suffrages !
On a une foule de points communs : l’esprit d’entreprise, le caractère fonceur, le sérieux extrême dans le boulot... allié à un sens aigu de la fête dès qu’on s’autorise un lâcher-prise. Jonathan est vite devenu l’un de mes meilleurs amis. Projets pro, bande de copains, aventures farfelues… il n’y a pas grand-chose qu’on n’ait pas fait ensemble. Y compris se confiner ! En mars 2020, il est venu à la campagne chez mes parents, au fin fond de la Nièvre, avec 2 autres copains. C’est là que j’ai pris la mesure de sa puissance de travail. Il nous rejoignait quelques minutes à la pause-déjeuner avant de retourner à son poste, jusque tard la nuit, alors que nous autres avions pris l’habitude de finir la journée aux travaux agricoles. Mon père trouvait qu’il n’aidait pas beaucoup aux « foins » mais lui a pardonné lorsqu’il a vu en gros titre dans Le Figaro : « Jonathan Anguelov, confiné dans la Nièvre, lève 64 millions d’euros ». Arthur de Soultrait
L’histoire d’Aircall, en quelques dates
Depuis sa création, Aircall a pour ambition de révolutionner la téléphonie d’entreprise en la rendant simple, transparente et collaborative. C’est pourquoi Aircall a imaginé une solution de téléphonie logicielle facile à installer, à utiliser et à mettre à jour, qui s'intègre en quelques clics aux outils business (CRM, Helpdesk, ATS, etc.) des entreprises. Aircall estime que la voix est l’outil de communication le plus efficace pour échanger avec les clients, prospects, candidats et collaborateurs. Mais lorsque le système de téléphonie fonctionne en vase clos, les équipes perdent un temps précieux à enregistrer et à contextualiser les appels, au lieu de les aider à renforcer leur cohésion. Aircall est là pour changer cela.
2014- Aircall est créée à Paris.
2015- Les fondateurs d’Aircall s’envolent pour San Francisco pour y établir les bases du produit et du business model.
2016- Aircall annonce une première levée de fonds (Série A) de 8 millions de dollars auprès de Balderton Capital, FoundersClub et FJLabs.
2017- Aircall ouvre un bureau à New York et passe de 30 à 100 collaborateurs
2018- Aircall lève 29 millions de dollars (Série B) auprès de Draper Esprit, NextWorld Capital et Newfund.
2019- Aircall franchit le cap des 200 collaborateurs, partagés entre ses bureaux de Paris et de New York.
2020- Aircall lève 65 millions de dollars de Série C, dirigée par DTCP, avec la participation de nouveaux investisseurs Swisscom Ventures et Adam Street, ainsi que de tous les investisseurs existants.
2021- Aircall ouvre des bureaux à Sydney et Madrid, et lève 120M$ auprès de Goldman Sachs et ses investisseurs historiques, portant sa valorisation à 1.1 milliard de dollars. Et .. anime une Master Class remarquée et vivante sur le parcours qu'elle a accompli.
Actualisation du 27 Juin: Aircall annonce atteindre les 100 millions de dollars de revenus annuels ARR et approche de la rentabilité. Elle intègre le club des centaures, qui regroupe les entreprises dont l'ARR dépasse ce chiffre.
Par Manuel Jacquinet
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