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« Je ne connais rien qui soit facile, mais si vous avez un projet hors du commun… »

Publié le 20 janvier 2017 à 13:34 par Magazine En-Contact
« Je ne connais rien qui soit facile, mais si vous avez un projet hors du commun… »
Quentin Sannié, avec Phantom

Je me rappelle : mon pick-up jaune, jaune d’or et de son haut parleur unique qu’il était difficile de trop éloigner du pick-up, de la platine Dual, cossue, noire, dont je regardais le bras descendre avec lenteur sur la première plage des disques ; c’est après seulement que je me sentais autorisé à monter le volume, comme si le saphir avait eu à craindre de souffrir. Le toccata et fugue en ré mineur pouvait succéder à Daniel (d’Elton John) et à Sympathy (de Rare bird), être écouté dix fois par jour, aussi fort qu’il fut permis.
Je me rappelle : comme j’ai été fier, ensuite, de pouvoir lire sur le carton de MA première platine se dégager le bleu sobre de quelques lettres – Technics.
Nous ne parlions pas, à l’époque, d’expérience client, ni d’avis clients, certifiés ou non. L’ « évangile » était constitué des brochures hi-fi de la Fnac, cent fois relues avant d’acquérir la chaîne la plus homogène dans la catégorie budgétaire que trois mois de jobs d’été nous autorisaient.

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Le laboratoire de la Fnac, dirigé par un barbu à lunettes – si l’on en croit les guides d’achat – c’était notre FB (Facebook) français, noir et jaune caca d’oie.
Vous ne serez donc pas étonné que le seul journal consacré aux centres d’appels et au service client, assez déjanté pour s’autoriser chaque mois une tribune sur une jazz woman ou le dernier opus de Blur, comme s’ils étaient aussi stratégiques que Salesforce, Oracle a effectué un voyage initiatique rue Réaumur – là où est situé le magasin parisien de Devialet.
Sur la devanture, une promesse : « ingénierie acoustique de France ». Eux, au moins, on sait qu’ils ont lu leur évangile selon saint-Montebourg.
Y loge une équipe de gugusses assez braques pour réussir à faire entrer leurs produits dans les Apple Stores. Angela (Ahrendt), la grande prêtresse du retail avait-elle fumé la moquette ce jour où elle les y a autorisés, ou s’est-elle laissée convaincre par quelques valises laissées là, remplies de « black » ? On en doute, car à 73 millions de dollars annuels de salaires et bonus, quelques dollars de plus ne font plus la différence… Et s’ils étaient vraiment bons, tout simplement ?
A vous d’en juger, ça ne vous demandera qu’un petit détour par le magasin showroom de la marque où l’on s’est payé une petite visite mystère, avant de rencontrer deux hommes clefs : le cofondateur, Quentin Sannié et le patron du service clients, Sébastien Faure.

Sept ans après la création de la marque, vos produits sont distribués dans les Apple Store, chez Colette, Harrod’s… Ça aide, pour développer une entreprise, d’avoir des actionnaires et associés puissants, de très bons produits… et du cash – et si oui dans quel ordre ?
Quentin Sannié : Je ne connais rien qui soit facile, et on n’arrive à rien par hasard, je crois. J’ai toujours été entrepreneur, et quand mon cousin designer, Emmanuel Nardin, (cofondateur de la marque) m’a parlé de sa rencontre avec Pierre-Emmanuel Calmel (l’ingénieur qui a travaillé sur la technologie brevetée depuis), on a foncé.

Vos levées de fonds ont été depuis le début significatives et médiatiques : y ont participé, entre autres, Jacques-Antoine Granjon, Marc Simoncini, Xavier Niel, Bernard Arnault… Comment cela se fait-il dans un métier qui n’a rien à voir, pour une fois, avec les start-ups digitales ?
Dès le début, nous avons eu je crois l’ambition d’un projet exceptionnel, de produire quelque chose d’exceptionnel, hors du commun. Si les gens croient à ce moment-là à votre histoire et qu’ils sentent votre sincérité, l’argent est plus facile à trouver.
Cela a fonctionné de la même façon avec Apple, avec qui nos philosophies sont en adéquation et avec qui nous avons trouvé un vrai, bon accord.

A propos de magasins, justement, estimez-vous qu’on puisse vendre des produits tels que ceux de Devialet en ligne, en se passant donc de l’expérience en magasin ?
Cela n’est plus un débat de savoir où on vend : les magasins, le web, les pop-up stores, tout se complète. Même si, évidemment, le passage dans une de nos boutiques pour vivre l’expérience du son est assez indispensable. Mais l’omnicanal est devenu une évidence. Ce qui est essentiel, je crois, c’est la cohérence que vous devez mettre entre tous ces canaux : c’est parce qu’il existe des boutiques que le client est rassuré d’acheter en ligne.
Quand nous avons ouvert un magasin, en l’occurrence un pop-up store, dans le centre Parly 2, nous ne nous sommes pas focalisés sur les ventes à court terme générées par ce point de vente. Nous avons rencontré des gens, présenté le produit, récupéré également des adresses e-mail et nous avons constaté que certaines des ventes que nous faisons à la boutique de la rue Réaumur ,sont finalement l’issue et le prolongement de rencontres initiées dans le magasin de Parly 2. Tout est lié.

A quoi vous attachez-vous précisément dans l’expérience client proposée dans les magasins ?
Au plaisir que nous apportons. Nous essayons de recruter d’ailleurs des vendeurs et des gens enthousiastes qui ne soient pas guindés. Je leur dis : « il n’y a pas de charte du discours, formaté, adresse-toi aux visiteurs et aux clients comme s’ils étaient le meilleur ami de la famille, avec tendresse et respect ».

Justement, en matière de service et d’expérience client, quel sentiment éprouvez-vous lorsque vous contactez des centres d’appels, par exemple lorsque vous achetez vos billets ?
Eh bien, je vais vous dire par exemple que je trouve que le service de vente en ligne d’Air France est exceptionnel. Leur application est bien faite, mais je trouve leurs conseillers en centre d’appels si pro, que je choisis souvent de faire ma commande par téléphone. Et ça n’est pas le cas partout : les hotlines des opérateurs téléphoniques par exemple sont savoureuses, dans le mauvais sens, empêtrant le client dans des formules toutes faites qui je suppose sont imposées aux opérateurs. Cela laisse le sentiment qu’on parle à des machines, des robots. Je ne comprends pas.

Je me suis rendu en boutique, j’en ai effectivement pris plein les mirettes, mais j’ai été étonné en sortant que l’entreprise n’en sache par plus sur le visiteur que j’étais, ni n’ait cherché à savoir. Avez-vous une « faille » en matière de connaissance client ?
Vous avez raison. La vérité, c’est qu’on a triplé le chiffre d’affaires en 2015, et qu’on a tellement de sujets….

Quelles sont vos priorités en matière d’expérience client ?
Nous en avons deux ou trois au moins : assurer une bonne disponibilité de nos produits, améliorer la connaissance ou la reconnaissance client, mais je ne vais pas vous mentir, ce matin par exemple, la question sur laquelle le DG en charge du supply chain et de l’expérience client est venu me solliciter, c’est celle du bon outil à choisir pour le système de paiement en ligne. Il nous faut quelque chose de simple, et qui fonctionne dans tous les pays.

On trouve beaucoup d’articles sur Devialet, sur l’histoire de la marque… Pensez-vous que le marketing est très important ?
Oui, ça l’est. Nous faisons de bons produits, voire des produits d’exception, reconnus et primés…

… oui mais Julien Gracq aussi il écrivait des livres d’exception, et on n’en parlait pas tant que ça ?
Justement ! Je dirais que c’était le roi du marketing. Il vous obligeait à lire des livres dont il faut découper les pages dans les éditions originales, parce qu’elles sont collées l’une à l’autre… Si ce n’est pas du marketing… ?!

Propos recueillis par Manuel Jacquinet

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