Le magazine indépendant et international du BPO, du CRM et de l'expérience client.

Getaround et Turo, ex-OuiCar, les flibustiers de la location de voitures en auto-partage?

Publié le 02 octobre 2024 à 03:30 par Magazine En-Contact
Getaround et Turo, ex-OuiCar, les flibustiers de la location de voitures en auto-partage?

Les deux plateformes d’auto-partage leaders en France et dans le monde, Getaround et Turo (ex-OuiCar) multiplient les facturations abusives notamment lorsque survient un sinistre, selon hôtes et invités. Tardent à gérer les dossiers de sinistre, qui nécessitent l'interventions de sociétés d'expertises, telles Dekra ou BCA. Certains locataires ont failli mourir dans des accidents liés à des véhicules défaillants. Une émission d’investigation est en préparation dans un grand média français et sera consacrée à ces “loueurs de véhicules” qui n’en sont pas et s’exonèrent précisément de toute responsabilité. 

Tout comme Airbnb, il s’agit de plateformes de mise en relation, une distinction cruciale. Cotée en Bourse, Getaround  a vu son cours chuter de 99% en cinq ans et envisage de quitter la bourse, le NYSE. Turo avait annoncé une prochaine IPO, qui ne sera pas lancée. Y-a-t-il un modèle vertueux dans l'auto-partage, où l'expérience client pourrait être qualitative et le métier de la plateforme rentable ?

Benoit Sineau, ex-VP pour la France de Turo (ancien OuiCar)

Que leur est-il reproché ?
Encaissement de frais abusifs, non restitution de cautions, véhicules dangereux loués avec des faux kilométrages et qui provoquent des accidents, suspension de compte sans raison, gestion des réparations avec fausses expertises, les griefs et accusations sont de plus en plus importants de la part des clients des deux plateformes leaders en France et dans le monde d’auto-partage : Getaround, l’ex-Drivy et Turo, qui a racheté OuiCar en 2022. 

Les réclamations sont de plus en plus s nombreuses sur les sites d’avis clients et les forums et témoignent de situations diverses. Fait nouveau, les plaintes émanent des clients, les « invités » mais aussi désormais des loueurs, les « hôtes » dans le jargon de ces plateformes qui sont parfois décrites comme des Airbnb de la location de voiture.

Pourquoi tant de litiges et d’incompréhensions ?
Dans le système de l’auto-partage d’un véhicule, le locataire prend possession d’un véhicule qu’il n’a vu que sur une plateforme. Si le kilométrage ou l’état du véhicule ou un des éléments descriptifs sont faux ou différents de ce sur quoi il s’est décidé, il n’a pas forcément le loueur en face de lui, avec lequel il pourrait discuter ou s’expliquer. Tout passe par la plateforme, via des photos et des informations déclarées.

Chez Getaround, l’hôte n’est pas là pour vous remettre les clés du véhicule : vous récupérez les clés grâce à un déverrouillage à distance du véhicule et un boitier Connect. Chez Turo, contrairement à ce qui se passait chez Oui Car, c'est le même système qui est utilisé désormais. 

Or, dès lors que la location ou la mise à disposition du véhicule ou sa restitution occasionnent un litige, voire un sinistre, les plateformes peuvent être tentées de procéder à des facturations qui sont dénoncées comme abusives. Elles retiennent l’argent, ne restituent pas les cautions ou imputent des frais ou des franchises qui sont disproportionnés. C’est ce qui leur est très souvent reproché. 

La page contact de Getaround

Un service client digitalisé, souvent injoignable.
Le service client avec lequel hôtes ou invités tentent de rentrer en contact est souvent digitalisé, ne fonctionne que par mail et peut mettre un temps infini à répondre. Pendant ce temps-là, les sommes sont débitées. Un bon exemple du manque de rigueur s'illustre sur le site de Getaround, où le numéro affiché pour le service client et actualisé le 9/9/2024 n'est pas fonctionnel. 

Des hôtes, loueurs de véhicules, désormais aussi mécontents.
Le dirigeant et fondateur d’une société située dans le sud de la France et qui possède une vingtaine de véhicules tous loués sur Getaround, a résumé dans un document les nombreuses irrégularités qu’il constate. 

Non-répercussion de l’ajustement de carburant à l'encontre des locataires : Getaround ne prend pas en compte l’ajustement de carburant d'une location à l'autre, ce qui fait que le locataire suivant paie pour le premier locataire. Malgré mes alertes, cette pratique persiste.

Prélèvement d’assurance injustifié : Un montant de 476 € m'a été prélevé sans notification préalable pour un soi-disant retard d’envoi de facture, bien que cela soit factuellement faux. J’ai découvert cette somme par hasard en consultant mes relevés de paiements sur Getaround. Le service client répond à tous mes mails, sauf sur ce sujet, où les réponses sont retardées de plus de trois mois, sous prétexte de personnel en vacances, et les documents que j'ai fournis en preuve ne sont pas pris en compte dans les échanges.

Sous-estimation des réparations : Les estimations des réparations effectuées par BCA et DEKRA pour le compte de Getaround sont systématiquement sous-évaluées. Par exemple, un dédommagement de 30 € est proposé pour des dégâts évalués à environ 1 000 €, et 62,5 € pour des dommages d'environ 400 €.

Refus de prise en charge des dommages : Un de mes véhicules a été endommagé par un locataire qui n'a pas activé le frein à main en le restituant. Les dommages, estimés à 4 000-5 000 €, ne sont pas pris en charge par Getaround. Bien que j'aie fourni des preuves, les réponses de leur part sont retardées et les documents envoyés sont ignorés.

Manipulation des options de dédommagement : Lorsqu’un dommage survient sur un véhicule, Getaround propose deux options : être dédommagé suite à une expertise photo (montant maximum de 900 €).

Déclarer le sinistre à l'assureur et faire réparer la voiture.
Or à plusieurs reprises, lorsque j’ai choisi la deuxième option (déclarer le sinistre et faire réparer la voiture), Getaround a modifié mon choix pour me verser un montant de 900 €, évitant ainsi de couvrir les 3 000 € de réparations réels.

Commentaires sur Getaround  et Turo dans le groupe Facebook d'entraide et de conseils gratuits aux propriétaires. 

Arrangements frauduleux à l'encontre des locataires : Getaround m’a proposé des arrangements douteux en me proposant de me verser le montant exact de la franchise (250 €) sans passer par une expertise, ce qui est normalement obligatoire. Cela permet à Getaround d’éviter de transmettre le dossier à Axa (et de faire payer le locataire qu'à hauteur de 140 €), et faisant ainsi payer au locataire 110 € de plus (250€ - 140  €).

Ces hôtes, les loueurs de véhicules en sont réduits à s'entraider sur un forum sur Facebook où ils partagent leurs astuces, conseils, afin de savoir comment trouver un assureur, comment facturer la TVA, comment obtenir une réponse rapide de la part des plateformes.

On y constate une même déception et parfois une grande colère, vis-à-vis des deux leaders, Getaround et Turo, au point que les loueurs sont nombreux à cesser leur activité, après qu'ils ont fait leur comptes et estimé la véritable rentabilité de l'activité. 

Qui sont ces sociétés ? 
Getaround est une société américaine, qui a racheté Drivy en France en 2019. L'entreprise a été dirigée ensuite en France par Simon Baldeyrou qui a laissé sa place en 2023 à Eduardo Iniguez
Elle est cotée en Bourse. Son cours a perdu 99% de sa valeur en cinq ans, l’action GTR ne valant plus que 0,75 dollar le 20 septembre. En juillet, la société a annoncé qu'elle préparait sa sortie de la Bourse. Getaround announces NYSE's suspension of trading 

Turo est une société américaine, qui a été créée initialement sous le nom de RelayRides en 2009.
Elle est dirigée depuis 2011 depuis par André Haddad, un français qui avait notamment créé iBazar et pris ensuite des fonctions de direction chez Ebay. La société avait envisagé une IPO, une introduction en Bourse, en 2024 mais elle attend des conditions de marché plus favorables, selon les déclarations de son CEO à Bloomberg. 

Dans les deux cas, la rentabilité des activités ne semble pas avérée, ce qui explique probablement les changements de modèle économique et, peut-être, des facturations qui semblent abusives aux propriétaires. 

Manuel Jacquinet. 

A lire aussi

Profitez d'un accès illimité au magazine En-contact pour moins de 3 € par semaine.
Abonnez-vous maintenant
×