Generation wealth
Sacs Birkin, jets privés, dorures kitsch rococo, chihuahuas, blondes platines et cartes de crédit. L’on pourrait multiplier et aligner à satiété ces attributs de l’hyper-richesse mais quarante encyclopédies n’y suffiraient pas. Univers sans paradoxe où l’on exubère les corps (jeunes), où l’on vénère les objets et les marques comme des reliques, tout ceci dans un décorum qui semble hésiter entre l’hommage à Cendrillon et la mémoire (approximative et surchargée) de l’empire gréco-romain.
Ils sont à L.A, Monaco, Moscou ou Shanghai – et au final partout. Car Laure Greenfield ne livre pas seulement le portrait d’un groupe mais plutôt celui d’une génération, celle qui court en gros de la chute du Mur à l’élection de Trump. Comme elle le confiait au New York Times en avril 2017 : « It’s not about Birkin bags or the Kardashians. It’s about the culture that gave rise to them ». Quelle culture peut en effet engendrer de tels personnages ? Comment en effet une Jackie et un David Siegel sont-ils désormais possibles ? Ce couple de millionnaires qui envisageait de construire la plus grande maison des Etats-Unis (13 chambres, 22 salles de bain et 9 cuisines) avant que le coût de la grandiloquence ne les rattrape.
C’est toute la pertinence de ce regard photographique – ethnologique ! – qui sans jamais tomber dans le voyeurisme, décortique à travers ces individus un monde qui va à vau-l’eau. Greenfield, c’est plus du Lévi-Strauss à L.A que du Bern chez les Grimaldi. Au-delà des jambes artificielles signées Vuitton, des mini Miss, de la bitch attitude et autres réjouissances de notre époque, la photographe se fait critique sociale. Une posture qu’elle revendique haut et fort en clamant son opposition à Trump, un symptôme à peine surprenant du vide contemporain.
Fake it ‘till you make it. Faire semblant d’avoir ou d’être jusqu’à ce que cela arrive. Tel semble être l’adage de cet optimisme narcissique. Un regrettable mantra, un insupportable miroir.
• Generation Wealth de Lauren Greenfield, édition Phaidon, 2017, 504 pages.
Par Matthieu Timmerman
Retrouvez tout ce qu’on a aimé lire, voir, écouter…