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From Miami to Nicaragua #1 : De Miami à Managua, via Nashville… Le rêve américain du trio niçois

Publié le 19 juin 2017 à 11:51 par Magazine En-Contact
From Miami to Nicaragua #1 : De Miami à Managua, via Nashville…  Le rêve américain du trio niçois

Leaders des call centers, ils tentent leur American Dream.

Laurent Uberti, CEO de Sitel Acticall dans ses bureaux de Miami – © Edouard Jacquinet

«  Quelle est la taille de ton rêve ? » dit-on parfois pour savoir à quel point l’ambition vous habite. Celle de la bande de copains d’Acticall n’est plus à démontrer, depuis que, tombés dans la marmite des études marketing et de la relation client à SupdeCo Nice, ces trois-là ont décidé de viser grand, marchant en cela sur les traces du loner : Daniel Julien (fondateur de Teleperformance) a ouvert la voie en 2003 sur le marché américain et continue de croire au futur des centres d’appels (voir son interview).
Si l’outsourcing de l’expérience client et du BPO était le rock et qu’on accepte le postulat que son guitariste amateur de distorsion est Daniel Julien, la question est : Acticall connaîtra-t-il le succès de sa tournée américaine que certains avait décrite comme leur Highway to hell ?
En-Contact a joué les roadies, tandis que depuis le Royaume-Uni, le tandem Daryl Hall et John Oates (O. Duha/F. Jousset de chez Webhelp) prépare, lui aussi, son US Tour…

And the lamb lies down on Broadway…

Dans la carrière de tous les grands groupes rock, punk, surgit un moment clé : celui où il convient d’aller se frotter aux Etats-Unis, au public américain, celui du New Jersey ou de Detroit, en espérant qu’il appréciera les jeux de mots intraduisibles de vos chansons, les harmonies britishs ou votre look désuet. Les plus grands se sont frottés à ce baptême du feu, pour certains, synonyme de seconde jeunesse et d’inspiration, pour d’autres le début de la fin du groupe première version.
 

Genesis sortira après son incursion chez l’oncle Sam un de ses albums les plus mystérieux et planants :  The lamb lies down on Broadway (j’ai préparé mon bac philo en écoutant The Carpet Crawlers, je ne voudrais pas relire ma copie), mais Peter Gabriel quittera le groupe peu après. Il laissera cependant en face B de son premier album solo un slow atomique (Here comes the flood) produit par Bob Ezrin (slow atomique : se dit d’un morceau qui tient absolument la route, même joué sur un pickup Teppaz et doit permettre d’emballer en fin de boum la fille timide et renversante qu’en deux semaines tu n’as pas osé approcher : Stairway to heaven, Hotel California, Wonderful tonight, Europa… caracolent en haut de liste sur la ASL – Atomic slow list). Mais Bob Ezrin est canadien. Que Peter Gabriel soit pardonné, il a ensuite fricoté avec Rosanna Arquette et a donc eu sa période américaine, CQFD.
La règle énoncée ci-dessus est parfois contredite par quelques purs rockers qui décident de rester au bercail, chez eux : Little Bob par exemple ou Gérard Manset mais… il s’agit en général de mauvais caractères ou d’originaux, qui considèrent qu’il n’y a rien de mieux que le studio Davout ou que les quais du Havre ou de Boulogne.
Figurez-vous donc que dans l’économie mondiale et archi-concurrentielle des centres d’appels, la règle vaut également, et que le parallèle avec le monde merveilleux du rock se démontre aisément même avec une dissert’ bouclée le jeudi soir pour remise le vendredi : le passage par les Etats-Unis est-il obligatoire pour rentrer dans le Hall of Fame du BPO (Business process outsourcing)?

Managua / former US embassy / March 2017

(Vieja embajada americana)

Quelques minutes seulement sont nécessaires, après avoir quitté l’aéroport de Managua, pour pénétrer dans l’ancienne ambassade américaine, vestige du passé compliqué du pays et hub stratégique de Sitel dans cette Amérique centrale qui hésite entre deux destins. A la vue de ces longs bâtiments beiges séparés par des allées goudronnées et de ces murs qui protègent des rues avoisinantes, un cinéphile a vite fait d’associer gardes armés, 4×4 chargés d’hommes en armes. Rien de tout ça, Jerry Bruckheimer (célèbre producteur de films d’action ou à suspense américain) est parti depuis longtemps, s’il vint jamais, et c’est une autre super production qu’on tourne et fabrique ici, aussi vitale pour les grandes compagnies américaines : customer service et BPO, 7j/7 24h/24.

Depuis 2008, c’est au sein de cette ex-enclave américaine que le géant mondial des centres d’appels a construit un de ses hubs stratégiques et ordonnancé l’usage et la destination des anciens bâtiments américains : on est à quelques heures de Miami, les grandes entreprises US ne désirent pas toutes déplacer leur services clients aux Philippines, les fuseaux horaires sont identiques et les prix de prestation idéalement situés entre les deux extrêmes. Et c’est un natif du Colorado (Denver) qui s’est attelé à la manœuvre, loin de ses montagnes mais aguerri par des années de service client dans de grandes organisations : ses classes, Val VanDegrift les a faites chez Continental Airlines, First Data, à Las Vegas, à Porto Rico : au Monopoly des call centers, le bonhomme qui nous guide sur place a tout fait, vu, expérimenté ; il a connu les cessions d’entreprise, les pays éloignés où il faut tout organiser loin du siège et des cadres en soutien, avec un seul focus : délivrer le service attendu, au niveau d’exigence attendu.
Dans sa liquette bleu sombre, Val définit simplement sa devise, son motto :

Val VanDegrift, Country Manager / VP shared services chez Sitel – © Edouard Jacquinet

“Pick the right people, treat them well, work hard”

A l’ombre des grands arbres, à la vue des petits groupes qui profitent de l’air frais, allongés sérieusement sur des pelouses fraichement tondues, on s’imaginerait à Berkeley ou dans une faculté de la côte ouest des Etats-Unis. Mais c’est plutôt après la fac américaine que de nombreux jeunes cadres du lieu reviennent ici : les bourses Walmart permettent chaque année aux plus brillants d’entre eux d’aller étudier aux Etats-Unis, charge à eux ensuite de revenir dans leur pays natal pour aider celui-ci dans son développement. Anglais parfait, maîtrise de la culture américaine, on comprend que les plus grandes multinationales américaines soient devenues addicts des deux Sitel sites of Managua : c’est aux clients de B…, M…, M…, C…* qu’on répond ici, y compris pour des questions complexes liées à la sécurité des paiements. Les credit cards sont parfois perdues, volées ou bien encore votre interlocuteur en a-t-il fait un usage immodéré : il faut remettre tout ceci d’aplomb.
A l’entrée du site, sur la droite, un ballet incessant de jeunes recrues s’engouffre dans le Recruitment Area au sein duquel chaque jour, dans un ordonnancement huilé, plus de quarante candidats à l’embauche viennent éprouver leurs skills : niveau de maîtrise de l’anglais, sens du service, la machine à évaluer tourne à plein : « 10% seulement des candidats les passent avec succès » , explique Mark Budier, sergent recruteur en chef, Martiniquais d’origine, passé lui aussi par une fac américaine de l’Arkansas et que son jeune âge a dans d’autres entreprises handicapé : « ici, peu importe ton âge, si tu as les compétences et que tu travailles dur, you’ll be promoted ».
Le soir, au dîner, on a songé et compris que le nouveau patron du Customer Service de T…*  n’était pas là par hasard, avec son adjoint : « des dizaines de millions de dollars pour assurer ce service client, ça fait un peu d’argent, on voudrait bien les réduire ces coûts, mais en même temps la proximité avec le client, c’est ce qui fabrique leur fidélité. C’est vraiment bien ce qu’ils font ici, on va discuter pour savoir comment ils pourraient nous aider au Nicaragua. »
Pour parvenir à ce type d’entrée en matière, pour avoir le droit de vous assoir à la table des négociations, un soir, la méthode Assimil-VanDegrift s’énonce en trois phrases : « pick the right people, treat them well, work hard ». Au sein de l’ex-ambassade américaine, c’est ce à quoi on s’attelle et s’active chaque jour, d’un bâtiment à l’autre, sans armes, sinon celles du talent et de la jeunesse combinées.

Vue des bureaux Acticall de Miami – © Edouard Jacquinet

…And then they were three…

Partis, comme d’autres, construire et grignoter leur rêve américain, les trois fondateurs d’Acticall n’ont pas fait les choses à moitié : la « tournée » américaine est pilotée depuis les Etats-Unis, où les trois comparses, assistés aux fonctions stratégiques (Informatique/Finances et Ressources Humaines) par des cadres tous français, ont aménagé un étage entier d’une tour en plein Miami. Des équipes historiques de Sitel, presque deux ans après le rachat de leur concurrent américain, il ne reste qu’une partie. Le patron du commerce sur la zone USA est revenu du Brésil, tandis que les grandes zones mondiales sont toutes pilotées depuis des continents différents, à proximité des grands clients. Nashville (ex-headquarter de Sitel) s’est effacé au profit de Miami.
Genesis explosa, dans sa première version, après l’incursion américaine (The Lamb lies down on Broadway) mais le groupe connut ses plus grands succès ensuite, réduit au trio Mike Rutherford/Tony Banks/Phil Collins… Chez Acticall, on est trois associés, depuis le tout début, fera-t-on aussi bien que Genesis ?

 

Par Manuel Jacquinet
Photographies Edouard Jacquinet, Littleny

* Les clients ne peuvent être cités.
Retrouvez la deuxième partie de notre reportage.
Retrouvez également notre interview d’Arnaud de Lacoste.

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